L’Encyclopédie/1re édition/EMPLATRE
EMPLATRE, s. m. (Pharmacie.) remede topique d’une consistance solide, capable d’être ramolli par une très-legere chaleur, & qui dans cet état peut s’étendre aisément sur une peau ou sur une toile, s’appliquer exactement à la peau, & y adhérer plus ou moins. Voyez Emplatre, (Chirurgie.)
Les matériaux des emplâtres sont différentes matieres grasses & visqueuses, les graisses de divers animaux, les huiles, les résines, les baumes, la cire, la poix, les gommes résines. Les chaux de plomb qui sont solubles par les huiles, auxquelles elles donnent de la consistance, sont des matériaux fort ordinaires des emplâtres. On a fait entrer aussi dans la composition de quelques-uns diverses substances végétales pulvérisées, & même quelques matieres minérales, comme le mercure, le magnes arsenicalis, la pierre calaminaire, la pierre hématite, les vitriols, le bol, les fleurs d’antimoine, le safran de Mars, la tuthie, le pompholix, &c.
Le manuel de la préparation des emplâtres differe considérablement, selon la diverse nature des matériaux de chacun.
Les emplâtres qui ne contiennent que des graisses, des huiles, des résines, de la cire, des baumes, en un mot des matieres très-analogues entre elles, & éminemment miscibles, sont ceux dont la préparation est la plus simple ; car il ne s’agit pour ceux-là que de faire fondre tous les ingrédiens à un feu leger, au bain-marie pour le plus sûr, & de les mêler intimement. L’emplâtre d’André de la Croix nous fournira un exemple pour cette premiere espece.
Emplâtre d’André de la Croix, selon la pharmacopée de Paris : Prenez de poix-résine une livre, de gomme élémi quatre onces, de terebenthine de Venise, d’huile de laurier, de chacun deux onces ; faites fondre le tout au bain-marie pour en faire un emplâtre, que vous garderez dans un vaisseau.
Nota. Qu’on demande ici que cet emplâtre soit gardé dans un pot, parce qu’il se ramollit facilement ; on peut cependant le rouler en magdaléons. Voyez la fin de cet article.
On prépare encore par une manœuvre très-simple, les emplâtres qui ne contiennent que des substances miscibles par la simple liquéfaction, auxquelles on ajoûte certaines poudres qui ne sont point solubles par les matieres fondues, & qui ne se mêlent avec que par confusion. Voici la maniere de procéder à la préparation d’un emplâtre de cette seconde espece.
Emplâtre de mucilages, selon la pharmacopée de Paris : Prenez de l’huile de mucilages (qui n’est autre chose que de l’huile d’olive cuite, voy. Huile), de l’huile de mucilages, dis-je, sept onces & demie, de la poix-résine trois onces, de la terebenthine une once ; faites fondre dans l’huile la résine & la terebenthine sur un feu leger. Ce mêlange étant presque refroidi, ajoûtez de gomme ammoniac, de galbanum, d’opopanax, de sagapenum en poudre, de chacun demi-once ; de safran en poudre deux gros, de cire jaune fondue suffisante quantité pour donner la consistance d’emplâtre.
Les gommes-résines qui ne se liquéfient pas au feu, & qui ne sont pas solubles par les huiles, sont solubles par le vinaigre ; & on a tiré de cette qualité une autre méthode de les introduire dans les emplâtres : méthode à laquelle on a sur-tout recours pour les gommes-résines, qui ne se pulvérisent que très difficilement, comme le sagapenum & le bdellium.
On dissout donc les gommes-résines dans du vinaigre, on filtre, on les rapproche à consistance d’emplâtre, ou seulement en consistance de miel, selon qu’il est requis pour la consistance même de l’emplâtre, & on mêle prestement ces gommes ainsi dissoutes & rapprochées, aux matieres grasses fondues, & un tant-soit-peu refroidies.
On fait entrer quelquefois dans le même emplâtre des gommes-résines sous la forme de dissolution épaissie, & sous celle de poudre ; on en a un exemple dans l’emplâtre suivant.
Emplâtre de safran, selon la pharmacopée de Paris : Prenez de colophone, de poix de Bourgogne, de cire jaune, de chacune quatre onces ; de gomme ammoniac, de galbanum, de terebenthine, de chacun un once & trois gros : dissolvez les gommes (c’est-à-dire la gomme ammoniac & le galbanum, qui sont des gommes résines qu’on appelle simplement gommes dans le langage ordinaire des boutiques) : dissolvez, dis-je, les gommes dans le vinaigre, cuisez à consistance de miel, mêlez les gommes épaissies avec la terebenthine ; d’un autre côté faites fondre à feu doux la colophone, la poix, & la cire, Ces dernieres matieres étant retirées du feu, & un tant-soit-peu refroidies, unissez-les promptement à votre premier mêlange, & ajoûtez-y sur le champ les poudres suivantes : de l’oliban, du mastic, qui sont des résines ; de la myrrhe qui est une gomme-résine, de safran, de chacun une once & trois gros, que vous répandrez sur la masse avec un tamis, & que vous incorporerez avec soin, à mesure qu’elles tomberont.
On peut faire une troisieme espece d’emplâtre de ceux dans la composition desquels on fait entrer des fécules ou parties colorantes vertes des plantes. Dans ce cas, ou on met une plante pilée dans une huile, ou une graisse qu’on fait cuire jusqu’à la dissipation de l’humidité, qu’on passe & qu’on employe ensuite dans l’emplâtre, comme on le pratique dans la préparation de l’emplâtre de mélilot (voyez Mélilot), où l’on employe de la même façon le suc non déféqué d’une plante, comme on le fait pour l’emplâtre de cigue (voyez au mot Cigue) ; les emplâtres qui contiennent cette fécule sont verds : cette partie est vraiment soluble dans les substances huileuses.
Il faut bien distinguer à cet égard les sucs non déféqués des plantes d’avec leur décoction, qui ne contient point la partie colorante verte des plantes, mais seulement une partie extractive qui n’est pas soluble par les matieres huileuses, & qui ne peut se mêler avec elles, qu’à la façon des poudres, ou plus imparfaitement encore. La cuite du vieux linge ou du charpis dans de l’huile, demandée même dans les pharmacopées modernes, pour la préparation d’un emplâtre qui doit son nom à ce ridicule ingrédient ; la cuite de ce vieux linge, dis-je, est une opération dont la fin, si même elle a jamais été exécutée pour une fin, n’est plus un objet réel pour les artistes de ce siecle. On peut en dire à-peu-près autant des décoctions des substances animales. Une décoction chargée de parties animales & de parties végétales, demandée dans l’emplâtre de grenouilles ou de Vigo, est donc un ingrédient très-défectueux de cet emplâtre (voy. sa composition au mot Vigo) ; aussi les meilleurs artistes employent-ils de l’eau pure (qui est d’ailleurs nécessaire dans la préparation de cet emplâtre) à la place de cette décoction.
Les extraits rapprochés ou réduits en consistance solide, se mêlent très-difficilement encore avec les matériaux huileux des emplâtres ; aussi l’union des extraits avec les autres ingrédiens de l’emplâtre diabotanum, ne cause-t-elle pas un des moindres supplices des artistes dans l’exécution de cette pénible & fastueuse composition pharmaceutique.
Les emplâtres dans la composition desquels entrent les chaux de plomb, constituent une quatrieme classe. La manœuvre par laquelle l’artiste dispose ces substances à la combinaison est très-chimique ; & il n’est point de chimiste qui ne pût être flaté de la découverte de cette pratique, qui est sans doute dûe au hasard ou au tâtonnement, comme tant d’autres de la même classe, ou pour le moins dont l’inventeur est absolument inconnu.
Pour unir une chaux de plomb à une huile ou à une graisse ; la litharge, par exemple, à l’huile d’olive ou au saindoux (voyez Diapalme dans lequel entrent ces trois ingrédiens), on prend de l’une & de l’autre de ces substances dans une proportion connue, environ une portion de litharge pour deux portions d’huile ; on les met dans une bassine destinée à cet usage, dont le fond dégenere en un cone renversé & obtus, avec une bonne quantité d’eau, à-peu-près autant que d’huile ; on fait bouillir en brassant exactement, c’est-à-dire remuant en tout sens avec une spatule de bois, jusqu’à ce que la combinaison soit achevée. On connoît qu’elle l’est, ou que la litharge est cuite, pour parler le langage des boutiques, lorsqu’on n’apperçoit plus de grains de litharge, & que la masse de l’emplâtre est égale & liée. Si l’eau manque avant qu’on ait obtenu ce point, ce qu’on connoît à ce que la masse de l’emplâtre se boursoufle & s’éleve plus qu’auparavant, & qu’elle tombe & s’affaisse ensuite presque tout-d’un-coup, on ajoûte de l’eau bouillante qu’on doit avoir sous la main, ou qu’on doit faire chauffer, retirant la bassine du feu pendant ce tems-là. On ne sauroit employer de l’eau froide, parce que ce liquide s’introduisant sous la masse de l’emplâtre, qui est actuellement chaude au degré de l’eau bouillante, comme nous allons l’observer, & étant mis soudainement en expansion, feroit monter brusquement l’emplâtre, le répandroit, pourroit blesser l’artiste, & même occasionner un incendie.
Le merveilleux, ou plûtôt le beau simple de cette opération, consiste en ceci : on traite proprement l’huile & la litharge au bain-marie, & cela, quoique l’eau qui fait le bain soit contenue dans le même vaisseau que les matieres qu’elle échauffe ; & il est inutile en effet de la placer dans un vaisseau séparé, parce qu’elle n’a aucune action chimique sur ces matieres. Or il est utile de ne les exposer, ces matieres, qu’à ce degré de chaleur, parce qu’une partie de l’huile pourroit être brûlée à un degré de feu supérieur, & fournir par conséquent du charbon, & la chaux de plomb être réduite, ou du moins noircie : l’un & l’autre inconvénient ôteroit à l’élégance de l’emplâtre, supposé toutefois que l’élégance ne dépendît pas de la noirceur ; car les lois sont ici fort bisarres & fort arbitraires. Un emplâtre de la classe de ceux dont nous parlons ici seroit manqué, si on brûloit le plomb ; l’emplâtre noir ou de céruse brûlée, & l’onguent de la mere (qui est un emplâtre), seroient manqués au contraire, si on ne le brûloit pas. Voyez Onguent de la Mere, & la suite de cet article.
Je suppose que mes lecteurs n’ignorent pas que l’huile ne bout point au degré de l’eau bouillante, & que toutes les fois que deux liquides immiscibles se trouvent confondus en quelque proportion que ce soit, & exposés au feu, la chaleur ne peut jamais s’élever dans la masse entiere au-dessus du plus haut degré dont est susceptible le liquide le plus volatil, ou celui des deux dont le degré de chaleur extrème est le plus foible, cæteris paribus ; que par conséquent dans le cas dont il s’agit, l’huile ne peut contracter que le degré de chaleur de l’eau bouillante.
Secondement, il vaut mieux appliquer l’eau bouillante immédiatement, que d’interposer un vaisseau entre ce liquide & les corps à unir ; parce qu’outre que cette méthode est plus commode & plus courte, elle sert encore, en ce que le bouillonnement de l’eau agite la masse de l’emplâtre dans toutes ses parties, & concourt très-efficacement au mouvement qu’on se propose d’exciter en brassant ; mouvement qui hâte toutes les dissolutions. Voyez Menstrue.
Si on se propose de rendre noir ou brun un emplâtre qui contient une chaux de plomb, on n’a qu’à cuire à un feu fort & sans eau ; c’est ainsi qu’on le pratique pour l’emplâtre suivant :
Emplâtre noir ou de céruse brûlée, selon la pharmacopée de Paris : Prenez de plomb blanc, c’est-à-dire de céruse, une livre ; d’huile d’olive, deux livres : cuisez ensemble à feu fort, ajoûtant de tems en tems quelques gouttes de vinaigre (pratique qui paroît assez inutile), jusqu’à ce que vous ayez obtenu la consistance d’emplâtre & la couleur noire : ajoûtez enfin de cire jaune, quatre onces.
Il entre des huiles essentielles dans la composition de quelques emplâtres. On ne doit ajoûter ces ingrédiens volatils, que lorsque la masse de l’emplâtre est presque refroidie.
Les emplâtres se gardent dans les boutiques sous la forme de petits cylindres longs d’environ trois pouces, & du poids d’une once, qui sont connus dans l’art sous le nom de magdaléon. Voyez Magdaléon.
Les Chirurgiens demandent quelquefois des emplâtres composés, ou des onguens dans la composition desquels entrent un ou plusieurs emplâtres. Ces préparations sont extemporanées ou magistrales ; on les exécute sur le champ en mêlant les divers emplâtres par la fusion sur un feu doux.
On fait une sorte d’emplâtre avec la cire blanche, le blanc de baleine, & l’huile d’amandes douces, ou des semences froides majeures, qu’on doit regarder comme une préparation magistrale, parce qu’elle n’est pas de garde, & qu’on ne doit l’exécuter qu’au besoin.
De toutes les compositions pharmaceutiques, aucune n’a été si inutilement multipliée que les emplâtres. Outre le peu de secours qu’on en tire en général, & le manque absolu d’observations qui établissent les vertus particulieres dans quelques-uns (voyez Emplatre, Chirurgie) ; outre ces raisons tirées de l’expérience médicinale, on peut se convaincre de ce qu’on avance ici, en jettant simplement les yeux sur la dispensation des emplâtres, qu’on trouvera presque toûjours la même, sur-tout si on examine celle des emplâtres les plus composés. (b)
Emplatre, (Matiere médicale interne.) L’application de certains emplâtres passe pour un secours qu’il ne faut pas négliger dans certaines affections intérieures, comme dans les tumeurs du foie & de la rate ; dans cette élévation rénitente de tout le bas-ventre des enfans, connue à Paris sous le nom de carreau, &c. ce sont sur-tout les emplâtres de ciguë, de bétoine & de vigo, qui sont renommés à ce titre. Voyez Bétoine, Cigue, Vigo, & Topique (b)
Emplatre, en Chirurgie, c’est la composition pharmaceutique de ce nom, étendue sur du linge plus ou moins fin, sur du taffetas ou sur de la peau, suivant les différentes vûes qu’on peut avoir dans son application, ou pour des raisons de propreté ; tels sont ceux qu’on met au visage, & qui sont ordinairement de taffetas noir.
Les emplâtres sont d’un très-grand usage dans la pratique de la Chirurgie ; on s’en sert aussi fort utilement dans plusieurs maladies internes.
On n’applique pas toûjours les emplâtres, par rapport à la vertu des médicamens dont ils sont composés. La seule qualité glutineuse les fait employer dans plusieurs cas, comme dans la suture seche pour la réunion des plaies. Voyez Suture. Un bandage fait avec méthode, peut tenir les levres de certaines plaies dans l’état d’approximation nécessaire pour qu’elles se réunissent ; mais il y a des plaies qu’il est impossible de contenir par les bandages : telles sont la plûpart des plaies obliques & transversales. Si elles sont superficielles, il sera inutile de les coudre avec les aiguilles & les fils. Cette suture est une opération douloureuse, qu’il n’est permis de faire que dans le cas de l’insuffisance démontrée des autres moyens qu’on auroit pû employer. Des emplâtres agglutinatifs grillés, ou des bandelettes emplastiques, peuvent être disposées de façon à tenir les levres de la plaie dans le contact nécessaire, & empêcher qu’elles ne puissent s’éloigner l’une de l’autre. On se sert communément pour cela de l’emplâtre d’André de la Croix ; il est composé avec la résine, la gomme-élemi, la terebenthine & l’huile de laurier, mêlées & cuites selon l’art. L’emplâtre de bétoine est aussi un très-bon agglutinatif. Si ces compositions sont nouvelles, elles se fondent par la chaleur de la partie, & alors les levres de la division ne sont plus maintenues. Presque tous les emplâtres tiennent très-bien s’ils sont anciens, & si l’on a la précaution de les étendre très-minces, & sur du gros linge presque neuf. Il faut aussi avoir soin que le linge soit coupé à droit fil.
La situation de la plaie & sa figure doivent déterminer la figure de ces emplâtres, & si un seul sera suffisant, ou s’il en faudra plusieurs. Les bandes emplastiques doivent être assez longues pour pouvoir soûtenir la peau de loin : trop courtes, elles contiendroient mal les levres de la plaie, sur-tout si elle avoit un peu de profondeur. Quand on est obligé par quelque raison que ce soit de lever ces emplâtres, il faut avoir la précaution de ramollir le médicament par l’application d’une serviette chaude, ou avec un peu d’huile chauffée à un degré convenable, afin de ne déranger l’ouvrage de la nature par aucun tiraillement. On a soin aussi de lever l’emplâtre directement dans toute son étendue ; d’abord par un côté, en le tirant vers la plaie, près de laquelle on s’arrête pour en faire autant du côté opposé, afin d’être en garde contre le déchirement d’une cicatrice récente, que le moindre effort opposé à la réunion pourroit rompre.
Les emplâtres purement contentifs ne servent aussi que par la qualité glutineuse du médicament ; on les applique sur les plumaceaux qui recouvrent les plaies ou les ulceres, afin de les maintenir. On abuse un peu de ce moyen, qui a des inconvéniens. L’adhérence de l’emplâtre aux environs de l’ulcere, bouche les pores, occasionne quelquefois un prurit érésypélateux, rend la suppuration plus abondante par rapport à la transpiration supprimée, & retient les matieres purulentes dans l’ulcere ou aux environs. Quoiqu’il soit démontré que rien n’est si sain que la propreté, cependant rien n’est si commun dans la plûpart des hôpitaux, sur-tout dans ceux où il y a un très grand nombre de malades ; rien, dis-je, n’y est si commun que de voir la circonférence des plaies & des ulceres fort mal-propres, par le peu l’attention des éleves auxquels les pansemens sont confiés, & par l’abus des emplâtres. Leur usage rend ces mêmes éleves plus négligens sur la meilleure maniere d’appliquer les bandes pour contenir l’appareil en situation d’un pansement à l’autre. Cette mal-propreté, contre laquelle on ne peut s’élever avec trop de force, contribue plus que toute chose à rendre les ulceres sordides & de difficile guérison, & peut-être même à les rendre par la suite tout-à-fait incurables, quoiqu’on eût pû avec un peu de propreté, les guérir par l’application des remedes les plus simples, tels que le vin miellé, &c. j’en ai fait plus d’une fois l’expérience. L’emplâtre de diapalme est celui dont on se sert le plus communément, comme contentif.
On peut couvrir d’un médicament emplastique le côté d’une compresse expulsive qui touche la partie, afin de la fixer invariablement sur le fond du sinus dont on veut faire sortir la matiere. On lit dans les observations communiquées par Formi célebre chirurgien de Montpellier, à Lazare Riviere doyen des professeurs royaux de Medecine en l’université de cette ville, qu’un abcès considérable sur le sternum avoit été ouvert sans méthode à la partie supérieure. Suivant les regles de l’art, l’incision auroit dû être faite à la partie déclive (voyez Abcès, Compresse, Compression, Contre-ouverture) ; mais pour éviter une seconde opération, Formi conseilla l’application d’une compresse épaisse & agglutinative, sur laquelle un bandage serré convenablement procura le recollement des parois du sac, en déterminant le pus à sortir par l’ouverture supérieure.
Il peut y avoir des indications qui exigent que la compresse expulsive soit enduite d’un médicament approprié au cas. Je me suis servi avec le plus grand succès d’une compresse expulsive maintenue par un mélange d’emplâtre de cigue & de vigo, sur un sinus accompagné de dureté & de callosités dans un ulcere scrophuleux.
Les emplâtres les plus efficaces contre la teigne n’agissent que par la qualité agglutinative ; & l’on a la précaution de les étendre sur de la toile neuve, pour qu’ils adherent plus fortement, afin d’arracher les cheveux jusqu’à leurs racines. Voyez Teigne.
Eu égard à la vertu des médicamens dont les emplâtres sont composés, il y en a d’émolliens, comme ceux de mucilages & de mélilot. D’autres sont résolutifs & fondans ; tels sont les emplâtres de savon, de ciguë, de diabotanum, de vigo, &c. Les premiers sont plus émolliens & discussifs ; ceux-ci sont plus stimulans. L’effet des emplâtres est relatif aux dispositions des fluides & des solides. Si l’humeur qui est en stagnation dans la tumeur qu’on veut résoudre est fort épaisse, si les émolliens ne l’ont pas préparée à la résolution, les remedes résolutifs procureront une plus forte induration. Si au contraire il y a un commencement de chaleur dans la tumeur, les résolutifs, par leur qualité stimulante, accéléreront le jeu des vaisseaux, & la tumeur suppurera avec des résolutifs, qui deviennent alors les meilleurs maturatifs & attractifs dont on puisse se servir. On n’est guere trompé dans son attente lorsqu’on procede par principes & par raison, c’est-à-dire par une expérience réfléchie & raisonnée, bien différente de l’empirisme que le vulgaire honore du nom d’expérience, & qui n’est qu’une routine aveugle.
Le diachilon gommé est un des meilleurs emplâtres maturatifs dans les furoncles, les clous, & autres tumeurs de cette nature qui ont de la disposition à suppurer. Pour mondifier & déterger, l’emplâtre divin est fort recommandé ; & ceux de céruse, de minium, de Nuremberg, & principalement celui de pierre calaminaire, ont la vertu de dessécher & de cicatriser.
Il y a des préparations emplastiques destinées particulierement à certaines maladies & à certaines parties. L’emplâtre de bétoine est céphalique, & consacré pour la guérison des plaies de tête. Mais ne mondifieroit-il pas également les plaies des autres parties ? Les mêmes pharmacopées qui en vantent les propriétés pour les plaies de tête, ajoûtent qu’on s’en sert aussi pour ramollir les cors des piés.
L’emplâtre de blanc de baleine, dans lequel entre la gomme ammoniaque dissoute dans du vinaigre, est un bon remede pour les mammelles des femmes qui ne peuvent ou ne veulent pas alaiter leurs enfans ; il dissipe le lait, appaise les douleurs qui en proviennent, & en résout les grumeaux & les duretés qui en résultent. Je ne crois pas qu’on puisse penser aussi favorablement des effets que peut produire l’application de l’emplâtre de nicotiane & de ciguë dans les indurations & les skirrhes du foie & de la rate. Suivant les auteurs de la pharmacopée d’Ausbourg, Montanus & Bellacattus, célebres medecins de Padoue, faisoient un grand usage d’un emplâtre contre l’hydropisie, & l’on assûre qu’il n’est pas sans efficacité. Il est composé de fiente de pigeon, de suc d’hyeble, de miel, de soufre vif, de nitre, de poudre d’iris, d’énula, de baies de laurier, d’aneth, de fleurs de camomille, de semence de cresson, de farine de feve, de suif de cerf, de terebenthine, & d’une suffisante quantité de cire. Quand on connoît la nature de l’hydropisie, & les différentes causes qui peuvent donner lieu à cette maladie, comment peut-on imaginer qu’on puisse la guérir par des applications extérieures ? Nous osons faire la même réflexion sur l’emplâtre fébrifuge, fait avec des araignées vivantes & leurs toiles, mêlées dans de la terebenthine avec du sel armoniac, &c. pour être appliqué sur le poignet. Il y a cependant des remedes qu’on applique extérieurement, & dont la vertu peut changer toute la disposition de la masse du sang. Tel est l’emplâtre vésicatoire. Son effet ne se borne pas à l’élévation des phlictaines sur l’endroit où on l’a appliqué, ni à l’évacuation de la matiere lymphatique qui coule de ces vessies ; le sang en est altéré, les sels des cantharides qui y sont portés en détruisent la viscosité. Tout le monde sait que l’emplâtre d’opium appliqué sur l’artere temporale, calme efficacement la douleur des dents ; & le docteur Nugent, dans une savante dissertation qu’il vient de donner sur l’hydrophobie, à la suite de l’histoire d’une personne mordue par un chien enragé, qui eut l’hydrophobie, & qui fut heureusement guérie par l’usage des antispasmodiques ; le docteur Nugent, dis-je, a prouvé très solidement que dans toutes les affections qui dépendent de l’irritation des solides & de l’émotion spasmodique des fibres, il ne pouvoit y avoir de remede plus efficace que l’usage régulier des applications topiques, capable de calmer ces agitations.
On donne différentes figures aux emplâtres, suivant les parties sur lesquelles on doit les appliquer ; il y en a de ronds, de quarrés, d’ovales : on les taille en croissant ou en demi-lune pour la fistule à l’anus. On en fait de très-petits de la même figure pour les paupieres ; ceux qu’on applique dans le pli de l’aîne sont triangulaires ; on les coupe en croix de Malte pour l’extrémité des doigts, & on les fend plus ou moins profondément dans leur circonférence, afin qu’on puisse les appliquer également sur les parties inégales. On roule des languettes d’emplâtres en forme de baguettes ou de verges, connues sous le nom de bougies, pour le traitement des maladies du canal de l’urethre. Voyez Bougie & Carnosité. (Y)