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& ronde ; on la détrempe en la faisant rougir à la flamme d’une chandelle, & on la courbe suivant qu’on le juge à propos ; on en émousse ensuite la pointe sur une pierre à aiguiser, afin qu’elle ne pique point, & qu’elle se glisse plus aisément entre l’ongle & la conjonctive, sans blesser cette membrane.

Pour faire l’opération, on enfile cette aiguille d’un fil de soie retors : l’opérateur assis fait asseoir le malade par terre, & lui fait renverser & appuyer sa tête sur ses genoux ; ou le chirurgien peut rester debout & faire asseoir le malade dans un fauteuil dont le dosier puisse se renverser. Un aide tient une paupiere ouverte, & le chirurgien l’autre ; celui-ci passe son aiguille par-dessous l’ongle, vers son milieu, ensorte qu’il le comprenne entierement. Voyez Planche XXII. figure 4 (a). Lorsque le fil est passé, & que l’aiguille est ôtée, le chirurgien prend avec le pouce & le doigt index de chaque main, & le plus près de l’œil qu’il peut, une extrémité du fil, qui doit être simple, & le fait glisser comme en sciant par-dessous l’ongle, vers sa racine du côté du grand ongle ; il le ramene ensuite de la même maniere vers la cornée transparente. Si l’ongle est trop adhérent, & que le fil ne puisse pas passer, on tient les deux extrémités du fil d’une main, & en soulevant un peu l’ongle par son milieu, on le détache en le disséquant avec une lancette armée, c’est-à-dire affermie sur sa chasse par le moyen d’une bandelette de linge qui ne laisse que la pointe découverte : on détache toutes les adhérences, ayant soin de ne point intéresser le globe de l’œil.

Lorsque l’ongle est bien séparé, on le lie avec le fil vers son milieu, Planche XXII. fig. 4 (b) & avec la lancette ou de petits ciseaux bien tranchans, on coupe l’ongle par ses extrémités. Il faut bien prendre garde d’entamer la caroncule lacrymale en détruisant l’attache de l’ongle, parce qu’il pourroit en résulter un larmoyement involontaire.

Après l’opération, on lave l’œil, on y souffle de la poudre de tuthie & de sucre candi ; on met dessus une compresse trempée dans un collyre rafraîchissant. On panse ensuite l’œil avec les remedes proposés pour les ulceres superficiels de l’œil, & on les continue jusqu’à la fin de la cure. Voyez l’article Argema.

Maître-Jan ayant extirpé un ongle de la maniere susdite, fut obligé pour arrêter le sang, de se servir d’une poudre faite avec parties égales de gomme arabique & de bol, & une sixieme partie de colcothar. Le même auteur ayant eu occasion de faire l’opération d’un ongle dont les vaisseaux étoient gros, le lia près du grand angle, & se contenta de couper l’autre extrémité. La ligature tomba cinq ou six jours après, & par ce moyen il ne fut point incommodé de l’écoulement du sang. J’ai fait plusieurs fois cette opération avec succès. (Y)

Ongle entré dans la chair, c’est une maladie qui occasionne des douleurs très-vives, & qui fait venir une excroissance fongueuse dans le coin de l’ongle. C’est ordinairement celui du gros orteil à qui cela arrive, parce que les chaussures trop étroites enfoncent la chair sur la partie tranchante de l’ongle. Quand le mal commence, on peut en prévenir les suites en se faisant chausser plus au large, & en raclant avec un verre la surface de l’ongle. Quand le mal a fait des progrès, il faut détruire la chair fongueuse avec la poudre d’alun calciné, & couper avec de petites tenailles incisives la portion de l’ongle qui entre dans la chair, pour en faire ensuite l’extraction. Voici comment Fabrice d’Aquapendente traitoit cette maladie : il écartoit avec une petite spatule la chair de l’ongle, & il dilatoit cet endroit avec de la charpie seche, fourrée entre la chair &

l’ongle. Cela fait, il coupoit l’ongle en long près de l’endroit où il est adhérent à la chair, & il l’arrachoit sans violence ; il procédoit ainsi plusieurs jours de suite, dilatant, coupant, & arrachant, jusqu’à ce que toute la partie de l’ongle qui entroit dans la chair fût enlevée. On a vu quelquefois les plus violens accidens être les symptomes de ce mal ; tels que fievre considérable, mouvemens convulsifs, & le délire : les saignées, les calmans, & même les narcotiques, deviennent nécessaires ; mais on calme bien plus promptement & plus efficacement, en ôtant la cause de la douleur par une opération très-douloureuse à la vérité, mais qui n’est que momentanée, & qui assure une guérison prochaine, & la cessation subite des vives douleurs. Le pansement exige à peine l’application d’une compresse trempée dans l’eau vulnéraire, à-moins qu’il n’y ait des chairs à détruire ; mais elles s’affaissent bien-tôt d’elles mêmes, & cedent à l’application des remedes spiritueux & dessicatifs. (Y)

Ongle, (Littérature.) les Romains tenoient leurs ongles fort propres, & avoient grand soin de les couper. Horace, dans la lettre septieme du premier livre de ses épîtres, fait mention d’un Vulteius, crieur public de son métier, lequel après avoir été rasé chez un barbier, coupoit tranquilement ses ongles :

Conspexit, ut aiunt,
Adrasum quemdam, vacuâ tonsoris in umbrâ
Cutello proprios purgantem leniter ungues.

Et dans la premiere épître du même livre : « vous me grondez, parce que je n’ai pas les ongles bien faits » :

Et prave sectum stomacharis ob unguem.

Le même dit dans son ode sixieme du premier livre, qu’il chante les combats des vierges qui coupent leurs ongles, pour ne pas blesser leurs amans, en les repoussant :

Nos prælia virginum
Sectis in juvenes unguibus acrium
Cantamus.

Ongle du pié du cheval, (Maréchallerie.) est la même chose que la corne du pié.

Ongles du poing de la bride, c’est la différente situation des ongles de la main gauche du cavalier, qui donne au cheval la facilité de faire les changemens de main, & de former son partir & son arrêt ; parce que le mouvement de la bride suit la position des ongles. Pour laisser échapper un cheval de la main, il faut tourner les ongles en-bas. Pour le changer à droite, il faut les tourner en-haut, portant la main à droite. Pour les changer à gauche, il faut les tourner en bas & à gauche ; & pour l’arrêter, il faut les tourner en-haut & lever la main.

ONGLÉ, adj. terme de Blason, qui signifie les ongles ou serres des bêtes ou des oiseaux, lorsque ces ongles sont d’un émail différent de celui du corps de l’animal. Beaumont ou Bretagne, d’argent à trois piés de biches de gueules, onglées d’or.

ONGLÉE, s. f. (Maréchallerie.) les Maréchaux appellent ainsi une peau membraneuse qui se forme au petit coin de l’œil. Presque tous les chevaux ont cette peau ; mais elle ne devient incommode, que lorsqu’elle croît & avance si fort sur l’œil, qu’elle en cache presque la moitié. Lorsqu’elle est dans cet état, on la coupe avec précaution de la maniere suivante. Commencez par abattre le cheval ou par l’arrêter au travail. Prenez ensuite un sol marqué, approchez-le du bord de cette peau ; le cheval en détournant l’œil amenera de lui-même cette peau sur le sol. Ayez une aiguille courbe enfilée avec du fil à votre main ; piquez cette peau sur le sol marqué ; faites ressortir l’aiguille au-dessus ou au-dessous à-