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est une quintessence naturelle, un soufre, un volatile, un feu prêt à s’allumer.

Plusieurs auteurs ont accordé aux œufs des vertus vraiment médicamenteuses. Hippocrate recommande les blancs d’œufs battus dans de l’eau de fontaine comme une boisson humectante, rafraîchissante & laxative, très-propre aux fébricitans, &c. Tout le monde connoît l’usage des bouillons à la reine, dont la base est le jaune d’œuf dans la toux & dans les coliques bilieuses. Ce dernier usage qui est le moins connu, peut être cependant regardé comme le meilleur par l’analogie qu’a le jaune d’œuf avec la bile, qu’il est capable d’adoucir en s’y unissant.

La même qualité du jaune d’œuf, savoir, sa qualité analogue à la bile, c’est-à-dire, savonneuse, capable de servir de moyen d’union entre les substances huileuses & les aqueuses, le rend très-propre à appaiser les tranchées violentes, & les autres accidens qui suivent quelquefois l’usage des violens purgatifs résineux : car le jaune d’œuf est capable de s’unir chimiquement à ces résines, & de les disposer par là à être dissoutes & entraînées par les liqueurs aqueuses, soit celles que fournissent les glandes des intestins, soit celles qu’on peut donner aux malades à dessein, quelque tems après lui avoir fait prendre des jaunes d’œuf.

On l’emploie d’avance au même usage, c’est-à-dire à prévenir ces accidens, si on ne donne ces résines âcres, qu’après les avoir dissoutes dans une suffisante quantité de jaune d’œuf, & étendus ensuite en triturant dans suffisante quantité d’eau, ce qui produit l’espece d’émulsion purgative dont il est parlé à la fin de l’article Émulsion. Voyez cet article.

Les baumes & les huiles essentielles peuvent aussi commodément être unis aux jaunes d’œuf, comme au sucre, pour l’usage médicinal : ce composé, qu’on pourroit appeller éléoon, est entierement analogue à l’éléosaccharum. Voyez cet article.

On trouve dans la pharmacopée de Paris un looch d’œuf, qui est un mélange d’huile d’amandes douces, de sirop & d’eaux distillées fait par le moyen d’un jaune d’œuf : l’union que tous ces ingrédiens contractent, est très-légere ; ainsi on peut en évaluer l’action particuliere par les vertus respectives de ces différens ingrédiens : quant à sa qualité commune ou collective, celle qu’elle doit à sa forme, à sa consistence de looch, & à la maniere de l’appliquer, voyez Looch.

Le jaune d’œuf trituré avec de la térébenthine, ou un autre baume naturel pour en composer les digestifs ordinaires des chirurgiens, exerce dans ce mélange la même propriété : il se combine avec ces baumes, en corrige par-là la ténacité & l’âcreté, les rend en partie miscibles aux sucs lymphatiques & capables d’être enlevés de dessus la peau par des lotions aqueuses. Au reste, il ne leur communique cependant ces propriétés qu’à demi, parce qu’il n’entre point dans ce mélange en assez grande quantité.

Le jaune d’œuf employé à la liaison des sausses, y opere encore par la même propriété : il sert à faire disparoître une graisse fondue qui y surnage en la combinant, la liant avec la partie aqueuse qui fait la base de ces sausses.

L’huile par expression retirée des jaunes d’œufs durcis, passe pour éminemment adoucissante dans l’usage extérieur ; mais elle ne possede évidemment que les qualités communes des huiles par expression. Voyez le mot Huile.

Le blanc d’œuf est l’instrument chimique le plus usité de la clarification. Voyez Clarification.

La propriété qu’a le blanc d’œuf dur exposé dans un lieu humide, de se resoudre en partie en liqueur, d’éprouver une espece de défaillance, le rend pro-

pre à dissoudre certaines substances dont on le remplit après en avoir séparé le jaune : les œufs durs

ainsi chargés de myrrhe, fournissent l’huile de myrrhe par défaillance, voyez Myrrhe ; chargés de vitriol blanc & d’iris de Florence en poudre, un collyre fort usité, &c.

Le blanc d’œuf entre dans la composition du sucre-d’orge, de la pâte de réglisse blanche & de celle de guimauve, &c.

Enfin les coques ou coquilles d’œuf se préparent sur le porphyre pour l’usage médicinal : c’est un absorbant absolument analogue aux yeux d’écrevisse, aux écailles d’huitre, aux perles, à la nacre (voyez ces articles), & par conséquent on ne peut pas moins précieux. C’est par un pur caprice de mode que quelques personnes se sont avisées depuis quelque tems de porter dans leur poche une boîte de coquilles d’œufs porphyrisées, qu’on envoie de Louvain. Cette substance terreuse est un des ingrédiens du remede de mademoiselle Stephens. Voyez Remede de mademoiselle Stephens.

Œufs des insectes. (Hist. nat. des insect.) la maniere dont les insectes mâles commercent avec les femelles, quoique très-variée, rend la femelle féconde, & la met en état de pondre des œufs lorsqu’il en est tems.

La variété qu’il y a entre ces œufs est incroyable, soit en grosseur, soit en figures, soit en couleurs. Les figures les plus ordinaires de leurs œufs sont la ronde, l’ovale & la conique : les œufs des araignées & d’un grand nombre de papillons, quoique ronds, sont encore distingués par bien des variétés ; mais il faut remarquer que dans ces mêmes figures il y a beaucoup de plus ou de moins, & que les unes approchent plus des figures dont on vient de parler que les autres. Pour ce qui regarde les couleurs, la différence est plus sensible. Les uns, comme ceux de quelques araignées, ont l’éclat de petites perles ; les autres, comme ceux des vers-à-soie, sont d’un jaune de millet ; on en trouve aussi d’un jaune de soufre, d’un jaune d’or & d’un jaune de bois. Enfin il y en a de verds & de bruns ; & parmi ces derniers, on en distingue de diverses especes de bruns, comme le jaunâtre, le rougeâtre, le châtain, &c.

La matiere renfermée dans ces œufs (car la plûpart des insectes sont ovipares) est d’abord d’une substance humide, dont se forme l’insecte même qui en sort quand il est formé.

Tous les insectes ne demeurent pas le même espace de tems dans leurs œufs. Quelques heures suffisent aux uns, tandis qu’il faut plusieurs jours, & souvent même plusieurs mois aux autres pour éclorre. Les œufs qui pendant l’hiver ont été dans un endroit chaud, éclosent plutôt qu’ils ne le devroient, selon le cours de la nature. Les œufs fraîchement pondus sont très-mous ; mais au bout de quelques minutes ils se durcissent. D’abord on n’y apperçoit qu’une matiere aqueuse, mais bientôt après on découvre dans le milieu un point obscur, que Swammerdan croit être la tête de l’insecte, qui prend la premiere, selon lui, sa consistance & sa couleur.

L’insecte est plié avec tant d’art, que malgré la petitesse de son appartement, il ne manque pas de place pour former tous les membres qu’il doit avoir. On ne peut s’empêcher, en voyant ces merveilles, d’admirer la puissance de celui qui a su mettre tant de choses dans un si petit espace. Un très-grand nombre d’insectes semblent n’avoir presque d’autre soin pour leurs œufs, que celui de les placer dans des endroits où leurs petits, dès qu’ils seront éclos, trouveront une nourriture convenable. Aussi est-ce alors tout le soin que demandent ces œufs, & que le plus souvent les meres ne peuvent prendre, puisque quantité d’entr’elles meurent peu après qu’elles ont pon-