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quelquefois leur qualité & leur nature. Ce diamant a un œil admirable, cet autre a l’œil un peu louche, il l’a un peu noirâtre, &c.

Œil, en terme d’Imprimerie, s’entend assez généralement des différentes grosseurs des caracteres, considérés par leur superficie, qui est l’œil ; l’on dit par exemple, le gros romain est à plus gros œil que le saint-augustin ; ce cicero est d’un œil plus petit que celui dont est imprimé tel ouvrage : ainsi des autres caracteres supérieurs ou inférieurs. Si on considere ces mêmes caracteres par la force des corps, il faut alors appeller chaque caractere par le nom que leur a donné l’usage. Voyez table des caracteres.

Par œil de la lettre, les Imprimeurs entendent la partie gravée dont l’empreinte se communique sur le papier par le moyen de l’impression ; & ils distinguent dans cette même partie gravée ou œil trois sortes de proportion, dimension, ou grosseur ; parce qu’il est possible en effet, & assez fréquent de donner au même corps de caractere une de ces trois différences, qui consistent à graver l’œil, ou gros ou moyen, ou à petit œil. Cette différence réelle dans l’art de la gravure propre à la fonderie en caracteres, & apparente au lecteur, n’en produira aucune dans la justification des pages & des lignes, si le moyen ou petit œil est fondu sur le même-corps que le gros œil, ou celui ordinaire.

Œil du cheval, (Maréchal.) les yeux de cet animal doivent être grands à fleur de tête, vifs & nets : œil verron, signifie que la prunelle est d’une couleur approchante du verd : œil de cochon, se dit d’un cheval qui a les yeux trop petits. La vitre de l’œil. Voyez Vitre.

Œil & Batte, terme de Marchand de poisson ; il signifie tout ce qui est contenu depuis l’ouie ou l’œil du poisson jusqu’à la queue, qu’on appelle sa batte, à cause qu’il s’en sert à battre l’eau lorsqu’il nage. Le brochet a deux piés entre œil & batte ; c’est-à-dire, que dans la maniere de mesurer qui s’observe dans le commerce du poisson, il ne doit se vendre que pour être de deux piés de long, quoique la tête & la queue comprises, il y en ait souvent plus de trois.

Œil de perdrix, instrument du métier d’étoffe de soie : l’œil de perdrix est un petit anneau de fer rond très-poli, de la grosseur environ d’un œil de perdrix ; c’est sans doute pourquoi il en porte le nom.

Il sert à passer, ou être enfilé par la corde de rame. On met autant d’yeux de perdrix qu’on veut attacher de semples au rame ; les cordes de semples sont attachées aux yeux de perdrix, afin que le frottement de la corde de semple contre celle de rame ne l’use pas si vîte.

Œil, terme de Tireur d’or ; c’est la plus petite ouverture d’une filiere par où passe le lingot de quelque métal pour le réduire en fil.

Œil de bœuf, terme de Verrerie ; c’est ce nœud qu’on nomme communément boudine, qui est au milieu du plat de verre, & qui est inutile pour être employé en vitres, du moins dans les maisons de quelque considération, n’étant propre qu’à être jetté au groisil. (D. J.)

ŒILLERES, dents, (Anat.) Voyez Dents.

Œilleres, s. f. terme de Bourrelier, ce sont deux morceaux de cuir, un peu épais, quarrés, attachés par un côté aux montans de la bride, précisément à côté des yeux du cheval. L’usage des œilleres est d’empêcher le cheval de voir de côté, & l’assujettir à regarder devant. Voyez les Pl. du Bourrelier.

L’œillere se dit encore de la partie de la têtiere du cheval de harnois. Ce sont aussi des morceaux de cuir posés à côté des yeux, pour les garantir des coups de fouet.

ŒILLET, caryophillus, s. m. (Botan.) genre de plante dont la fleur est composée de plusieurs péta-

les disposés en rond, qui sortent d’un calice cylindrique,

membraneux & écailleux à son origine. Le pistil sort de ce calice, & devient dans la suite un fruit cylindrique qui s’ouvre par la pointe, & qui est enveloppé par le calice. Ce fruit renferme des semences plates, feuilletées, & attachées à un placenta. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

Personne n’ignore combien ce genre de plante est étendu : M. de Tournefort en distingue quatre-vingt-neuf especes, qui different par la grandeur, la couleur & le nombre des pétales, toutes variétés qui viennent de la différente culture ; ainsi dans la diversité qu’on voit de ces agréables fleurs, il suffira de ne décrire ici que l’œillet commun de nos jardins, & celui de la Chine.

L’œillet commun de nos jardins est le caryophillus major de C. B. P. 107. & de Tournefort, J. R. 330. Sa racine est simple, fibreuse ; ses tiges sont nombreuses, lisses, cylindriques, hautes d’une coudée, genouillées, noueuses, branchues. Ses feuilles sortent de chaque nœud deux-à-deux ; elles sont étroites comme celles du chien-dent, dures, pointues à leur extrémité, d’une couleur bleue ou de verd de mer.

Ses fleurs naissent au sommet des tiges, composées de plusieurs pétales de différentes couleurs, d’écarlate, de chair-blanche, noirâtre ou panachée, placées en rond, au nombre de cinq, de six ou davantage, légerement dentelées, d’une odeur douce de clou-de-gérofle ; ayant à leur milieu des étamines garnies de sommets blancs, & un pistil qui se termine par deux ou trois filamens recourbés ; ces filamens sortent d’un calice cylindrique, membraneux, écailleux vers le bas, dentelé dans le haut : le pistil se change en un fruit cylindrique qui s’ouvre par le sommet, enveloppé dans le calice, rempli de petites graines plates & comme feuillées, ridées, noires quand elles sont mûres, & attachées à un placenta.

L’œillet de la Chine, caryophillus sinensis, supinus, leviori folio, flore vario, est décrit par Tournefort dans les mém. de l’acd. des Sciences, année 1701. Sa racine est grosse au collet comme le petit doigt, dure, ligneuse, d’un blanc sale tirant sur le jaunâtre dans les especes dont les fleurs n’ont pas les couleurs foncées ; mais rougeâtre comme celle de l’oseille dans les piés qui portent les fleurs rouges ou mêlées de purpurin.

Les tiges naissent en foule, longues d’un pié & demi ou deux, cassantes, garnies à chaque nœud de feuilles opposées deux-à-deux, semblables par leur figure & par leur couleur à celles du giroflier jaune : ces tiges se divisent vers le haut en plusieurs brins chargés de fleurs sur les extrémités.

La même graine produit plusieurs variétés par rapport aux couleurs & au nombre des feuilles : il y a des piés dont les fleurs sont à-demi-doubles ; mais il y a beaucoup d’apparence qu’elles deviendront doubles par la suite.

Les premieres fleurs sont à cinq pétales blanc-de-lait, colorées de verdâtre en-dessous, crenelées & comme dentées.

Le calice est un tuyau découpé en cinq pointes, accompagné à sa naissance d’une autre espece de calice, formé de cinq ou six feuilles comme posées par écailles & très pointues ; le pistil est enfermé dans le fond de ce calice : il est surmonté par deux filets blancs & crochus par le bout, accompagné de dix étamines blanches, déliées, chargées chacune d’un sommet cendré.

Lorsque la fleur est passée, le pistil fait crever le calice, & devient un fruit cylindrique qui s’ouvre en cinq pointes, & laisse voir plusieurs graines noires, plates, presqu’ovales, pointues, minces & comme feuilletées sur les bords, & attachées à un placenta