Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 11.djvu/362

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

crétoires, l’excrétion de l’humeur séparée, &c. &c. &c. toutes ces fonctions se prêtent un appui mutuel ; elles influent réciproquement les unes sur les autres, de façon que la lésion de l’une entraîne le dérangement de toutes les autres, plus ou moins promptement, suivant que sa sympathie est plus ou moins forte, avec telle ou telle partie ; le désaccord d’un viscere fait une impression très-marquée sur les autres ; le pouls, suivant les nouvelles observations de M Bordeu (recherch. sur le pouls par rapport aux crises), manifeste cette impression sur les organes de la circulation. L’exercice quelconque de ces fonctions, établit simplement la vie ; la santé est formée par le même exercice, poussé au plus haut point de perfection & d’universalité ; la maladie naît du moindre dérangement, morbus ex quocumque defectu. La mort n’est autre chose que son entiere cessation. Six causes principales essentielles à la durée de la vie, connues dans les écoles sous le nom des six choses non naturelles, savoir, l’air, le boire & le manger, le mouvement & le repos, le sommeil & la veille, les excrétions, & enfin les passions d’ames entretiennent par leur juste proportion cet accord réciproque, cette uniformité parfaite dans les fonctions qui fait la santé ; elles deviennent aussi lorsqu’elles perdent cet équilibre les causes générales de maladie. L’action de ces causes est détaillée aux articles particuliers non naturelles (choses), air, mouvement, repos, boire, &c. Voyez ces mots.

On a divisé en trois classes toutes les fonctions du corps humain : la premiere classe comprend les fonctions appellées vitales, dont la nécessité, pour perpétuer la vie, paroît telle, que la vie ne peut subsister après leur cessation ; elles en sont la cause la plus évidente, & le signe le plus assure. De ce nombre sont la circulation du sang, ou plutôt le mouvement du cœur & des arteres, la respiration ; &, suivant quelques-uns, l’action inconnue & inapparente du cerveau. Les fonctions de la seconde classe sont connues sous le nom de naturelles ; leur principal effet est la réparation des pertes que le corps a faites ; on y range la digestion, la sanguification, la nutrition & les sécrétions, leur influence sur la vie est moins sensible que celle des fonctions vitales ; la mort suit moins promptement la cessation de leur exercice. Elle est précédée d’un état pathologique plus ou moins long. Enfin, les fonctions animales forment la troisieme classe ; elles sont ainsi appellées, parce qu’elles sont censées résulter du commerce de l’ame avec le corps ; elles ne peuvent pas s’opérer (dans l’homme) sans l’opération commune de ces deux agens ; tels sont les mouvemens nommés volontaires, les sensations externes & internes ; le dérangement & la cessation même entiere de toutes les fonctions ne fait qu’altérer la santé, sans affecter la vie. On peut ajouter à ces fonctions celles qui sont particulieres à chaque sexe, & qui ne sont pas plus essentielles à la vie, dont la privation même n’est quelquefois pas contraire à la santé : dans cette classe sont comprises l’excrétion de la semence, la génération, l’évacuation menstruelle, la grossesse, l’accouchement, &c. Toutes ces fonctions ne sont, comme nous l’avons dit, que des modifications particulieres, que le mouvement & le sentiment répandus dans toute la machine, ont éprouvées dans chaque organe, par rapport à sa structure, ses attaches & sa situation. L’ordre, le méchanisme, les loix & les phénomenes de chaque fonction en particulier, forment dans ce dictionnaire autant d’articles séparés. Voyez les mots Circulation, Digestion, Nutrition, Respiration, &c. Tous ces détails ne sauroient entrer dans le plan général d’economie animale, qui ne doit rouler que sur les causes premieres du mouvement, considéré en grand

& avant toute application (le sentiment n’est vraissemblablement que l’irritabilité animée par le mouvement) ; il y a tout lieu de croire qu’il en est du corps humain comme de toutes les autres machines dont l’art peut assembler, désunir, & appercevoir les plus petits ressorts ; c’est un fait connu des moindres artistes, que dans les machines, même les plus composées, tout le mouvement roule & porte sur une piece principale par laquelle le mouvement a commencé, d’où il se distribue dans le reste de la machine, & produit différens effets dans chaque ressort particulier. Ce n’est que par la découverte d’un semblable ressort dans l’homme qu’on peut parvenir à connoître au juste & à déterminer exactement la maniere d’agir des causes générales de la vie, de la santé, de la maladie, & de la mort. Pour se former une idée juste de l’œconomie animale, il faut nécessairement remonter à une fonction primitive qui ait précédé toutes les autres, & qui les ait déterminées. La priorité de cette fonction a échappé aux lumieres de presque tous les observateurs ; ils n’ont examiné qu’une fonction après l’autre, faisan : sans cesse un cercle vicieux, & oblique à tout moment, dans cette prétendue chaîne de fonctions, de transformer les causes en effets, & les effets en causes. Le défaut de cette connoissance est la principale source de leurs erreurs, & la vraie cause pour laquelle il n’y a eu pendant très-long-tems aucun ouvrage sur l’œconomie animale dont le titre fût rempli, avant le fameux traité intitule, specimen novi medicinæ conspectûs, qui parut pour la premiere fois en 1749, & qui fut, bien-tôt après, réimprimé avec des augmentations très considérables en 1751.

En remontant aux premiers siecles de la Médecine, tems où cette science encore dans son berceau, étoit réduite à un aveugle empirisme, mêlé d’une bisarre superstition, produit trop ordinaire de l’ignorance ; on ne voit aucune connoissance anatomique, pas une observation constatée, rédigée, réfléchie, aucune idée théorique sur l’homme ; ce ne fut qu’environ la quarantieme olympiade, c’est-à-dire, vers le commencement du trente cinquieme siecle ; que les Philosophes s’étant appliqués à la Médecine, ils y introduisirent le raisonnement, & établirent cette partie qu’on appelle physiologie, qui traite particulierement du corps humain dans l’état de santé, qui cherche à en expliquer les fonctions, d’après les faits anatomiques & par les principes de la Physique ; mais ces deux sciences alors peu cultivées, mal connues, ne purent produire que des connoissances & des idées très-imparfaites & peu exactes : aussi ne voit on dans tous les écrits de ces anciens philosophes Médecins, que quelques idées vagues, isolées, qui avoient pris naissance de quelques faits particuliers mal évalués, mais qui n’avoient d’ailleurs aucune liaison ensemble & avec les découvertes anatomiques : Pythagore est, suivant Celse, le plus ancien philosophe qui se soit adonné à la théorie de la Médecine, dont il a en même tems négligé la pratique ; il appliqua au corps humain les lois fameuses & obscures de l’harmonie, suivant lesquelles il croyoit tout l’univers dirigé ; il prétendoit que la santé de même que la vertu, Dieu même, & en général tout bien, consistoit dans l’harmonie, mot qu’il a souvent employé & qu’il n’a jamais expliqué ; peut être n’entendoit il autre chose par là qu’un rapport exact ou une juste proportion que toutes les parties & toutes les fonctions doivent avoir ensemble ; idée très-belle, très-juste, dont la vérité est aujourd’hui généralement reconnue ; il est cependant plus vrassemblable que ce mot avoit une origine plus mystérieuse & fort analogue à sa doctrine sur la vertu des différens nombres. La maladie étoit, suivant lui, une suite naturelle d’un dé-