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les pierres, &c. qui ne répandent point d’odeur, même quand elles sont échauffées, en répandent cependant une forte, quand on les frotte, & qu’on les agite d’une maniere particuliere : principalement le bois d’hêtre quand on le travaille au tour, laisse une espece d’odeur de rose.

5°. Un corps dont l’odeur est forte étant mêlée avec un autre qui ne sent rien, peut perdre tout-à-fait son odeur. Ainsi si on répand de l’eau-forte dont on n’a pas bien ôté le phlegme, sur du sel de tartre, jusqu’à ce qu’il ne fermente plus, la liqueur, lorsqu’elle est évaporée, laisse un crystal sans odeur, qui ressemble beaucoup au sel de nitre ; mais en le brûlant il répand une très-mauvaise odeur.

6°. Du mélange de deux corps, dont l’un sent très-mauvais, & l’autre ne sent pas bon, il peut résulter une odeur aromatique très-gracieuse : par exemple, du mélange de l’eau forte ou de l’esprit de nitre avec l’esprit-de-vin inflammable.

7°. L’esprit-de vin, mêlé avec le corps qui a le moins d’odeur, peut former une odeur aromatique bien agréable. Ainsi l’esprit-de-vin inflammable, & l’huile de vitriol de Dantzic mêlés ensemble en égale quantité, & ensuite digérés, & enfin distillés, donnent un esprit d’une odeur bien gracieuse.

8°. Le corps le plus odoriférant peut dégénérer en une odeur puante, sans y rien mêler. Ainsi si on garde dans un vase bien fermé, l’esprit dont il est parlé dans la premiere expérience, elle se changera aussi-tôt en une odeur d’ail.

9°. De deux corps dont l’un n’a point d’odeur, & l’autre en a une mauvaise, il peut résulter une odeur agréable, semblable à celle du musc : par exemple, en jettant des perles dans l’esprit de vitriol : car quand les perles sont dissoutes, le tout répand une fort bonne odeur.

On employe souvent les odeurs dans les maladies hystériques & hypocondriaques ; ce sont, par exemple, l’assa fœtida, le camphre, &c.

Les odeurs sont pernicieuses aux uns, & sur-tout aux femmes : cependant cela varie selon les tems & les modes. Autrefois qu’en cour les odeurs étoient proscrites, les femmes ne les pouvoient supporter ; aujourd’hui qu’elles sont à la mode, elles en sont infatuées ; elles se plaisent à se parfumer & à vivre avec ceux qui sont parfumés.

Les odeurs ne produisent donc pas toujours l’effet qu’on leur a attribué depuis long-tems, qui est de donner des vapeurs ; puisqu’aujourd’hui toutes les femmes sont attaquées de vapeurs, & que d’ailleurs elles aiment si fort les odeurs ; qui plus est, c’est qu’on ordonne aujourd’hui le musc pour l’épilepsie, les mouvemens convulsifs, & les spasmes. Il faut donc que l’on lui reconnoisse quelque chose d’antispasmodique.

Il faut convenir que les odeurs fortes, disgracieuses, & fétides, tels que le castoreum, l’assa fœtida, la savate brûlée, & autres de cette nature, sont excellentes dans les accès de vapeurs, de quelque maniere qu’elles produisent leur effet. Cela ne peut arriver, qu’en remettant les esprits dans leur premier ordre, & en leur rendant leurs cours ordinaires. Voyez Musc.

Odeur, (Critique sacrée.) ce mot signifie figurément plusieurs choses dans l’Ecriture : par exemple, 1°. un sacrifice offert à Dieu : Non capiam odorem cætuum vestrorum, Amos, v. 21. je n’accepterai point les victimes que vous m’offririez dans vos assemblées. Odoratus est Dominus odorem suavitatis, Genese, viij. 21. Dieu agréa le sacrifice de Noé. 2°. Il signifie une mauvaise réputation, Exode, v. 21. Jacob se plaint pareillement à ses fils, de ce que par le meurtre de Sichem, ils l’avoient mis en mauvaise odeur, chez les Cananéens. 3°. Odor ignis,

l’odeur du feu, se met pour la flamme même, quoniam odor ignis non transuiset per eos, ils n’avoient point senti l’activité du feu, Daniel, iij. 94. 4°. Le mot bonne odeur, veut dire une chose excellente : sicut balsamum aromatisans odorem dedi, Ecclés. xxiv. 20. J’ai répandu une bonne odeur, l’odeur d’un baume précieux ; cette bonne odeur étoit celle de la doctrine & des préceptes de la loi. (D. J.)

ODIEL, (Géog.) riviere d’Espagne, dans l’Andalousie : elle a sa source aux frontieres de l’Estramadure & du Portugal, & son embouchure dans le golfe de Cadix. (D. J.)

ODIEUX, (Gramm.) digne de haine. Voyez Haine. Les méchans sont odieux même les uns aux autres : de tous les méchans, les tyrans sont les plus odieux, puisqu’ils enlevent aux hommes des biens inaliénables, la liberté, la vie, la fortune, &c. On déguise les procédés les plus odieux sous des expressions adroites qui en dérobent la noirceur : ainsi un homme leste est un homme odieux, qui sait faire rire de son ignominie. Si un homme se rend le délateur d’un autre, celui ci fût il coupable, le délateur fera toujours aux yeux des honnêtes gens un rôle odieux. Combien de droits odieux que le souverain n’a point prétendu imposer, & dont l’avidité des traitans surcharge les peuples ! Le dévolu est licite, mais il a je ne sais quoi d’odieux : celui qui l’exerce paroît envier à un autre le droit de faire l’aumône ; & au lieu d’obéir à l’Evangile qui lui ordonne d’abandonner son manteau à celui qui lui en disputera la moitié, il ne me montre qu’un homme intéressé qui cherche à s’approprier le manteau d’un autre. Mais n’est ce pas une chose fort étrange, que dans un gouvernement bien ordonné, une action puisse être en même tems licite & odieuse ? N’est ce pas une chose plus étrange encore, que les magistrats chargés de la police, soient quelquefois forcés d’encourager à ces actions ? & n’est ce pas là sacrifier l’honneur de quelques citoyens mal nés, à la sécurité des autres ? Odieux vient du mot latin odium ; les médisans sont moins insupportables & plus odieux que les sots. Il se dit des choses & des personnes ; un homme odieux, des procédés odieux, des applications, des comparaisons odieuses, &c.

ODIN, OTHEN, ou VODEN, s. m. (Mythol.) c’est ainsi que les anciens Celtes qui habitoient les pays du nord, appelloient le plus grand de leurs dieux, avant que la lumiere de l’évangile eût été portée dans leur pays. On croit que dans les commencemens les peuples du septentrion n’adoroient qu’un seul Dieu, suprème auteur & conservateur de l’univers. Il étoit défendu de le représenter sous une forme corporelle, on ne l’adoroit que dans les bois ; de ce Dieu souverain de tout, étoient émanés une infinité de génies ou de divinités subalternes, qui résidoient dans les élémens, & dans chaque partie du monde visible qu’ils gouvernoient sous l’autorité du Dieu suprème. Ils faisoient à lui seul des sacrifices, & croyoient lui plaire, en ne faisant aucun tort aux autres, & en s’appliquant à être braves & intrepides. Ces peuples croyoient à une vie à venir ; là des supplices cruels attendoient les méchans, & des plaisirs ineffables étoient réservés pour les homme justes, religieux & vaillans. On croit que ces dogmes avoient été apportés dans le nord par les Scythes. Ils s’y maintinrent pendant plusieurs siecles : mais enfin ils se lasserent de la simplicité de cette religion. Environ soixante-dix ans avant l’ere chrétienne, un prince scythe, appellé Odin, étant venu faire la conquête de leur pays, leur fit prendre des idées nouvelles de la divinité, & changea leurs lois, leurs mœurs & leur religion. Il paroît même que ce prince asiatique fut dans la suite confondu avec le Dieu suprême qu’ils adoroient aupa-