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qu’ils avoient de faire recevoir leurs oblations. Depuis, elles furent converties en argent ; & quelques conciles particuliers ont excommunié ceux qui refuseroient de les payer dans les tems prescrits. Mais on les a ensuite laissées à la volonté des fideles, & il n’y en a plus aujourd’hui de reglées que celle qu’on fait du pain beni tous les dimanches à la messe de paroisse. Voyez Pain beni & Offrandes.

Oblation, se dit encore parmi les catholiques romains de la partie de la messe qui suit immédiatement l’évangile, ou le chant du credo, & qui consiste dans l’offrande que le prêtre fait d’abord du pain destiné au sacrifice, posé sur la patene, puis du vin mêlé d’un peu d’eau dans le calice qu’il tient quelque tems élevé au milieu de l’autel, accompagnant ces deux actions de prieres qui y sont relatives & qui en expriment la fin. C’est là proprement que commence le sacrifice qui consiste dans l’oblation du corps & du sang de Jesus-Christ. On dit en ce sens que la messe est à l’oblation, que le credo précede l’oblation, que la préface suit l’oblation, &c.

Oblation, (Jurisprud.) signifie tout ce qui est offert à l’église en pur don ; c’est la même chose qu’offrande. Dans les premiers siecles de l’église, ses ministres ne vivoient que d’oblations & d’aumônes : l’usage qui s’est établi de payer la dixme n’a pas empêché que les fideles n’aient continué à faire des oblations ; mais il y a des églises qui ne jouissant pas des dixmes, n’ont d’autre revenu que les oblations & le casuel. Il y a eu dans chaque église divers réglemens pour le partage des oblations entre les clercs. Le concile de Merida en Espagne, tenu en 666, ordonne, canon xiv. que les oblations faites à l’église pendant la messe se partageront en trois : que la premiere part sera pour l’évêque ; la seconde, pour les prêtres & les diacres ; la troisieme, pour les sous-diacres & les clercs inférieurs. Les oblations des paroissiens appartiennent aux curés à l’exclusion des curés primitifs, des patrons & marguilliers, &c. Les oblations casuelles & incertaines ne sont point imputées sur la portion congrue. Voyez le traité de M. Duperray sur les portions congrues & dixmes, & au mot Portion congrue. (A)

Oblation, étoit aussi un droit que les seigneurs levoient en certaines occasions sur leurs hommes, comme il se voit dans la coutume de celles de l’an 1216. Voyez le gloss. de M. de Lauriere. (A)

OBLATIONNAIRE, s. m. (Jurisprud.) dans la basse latinité, oblationarius, étoit un officier ecclésiastique qui recevoit les offrandes & oblations des fideles. C’étoit un diacre ou sous diacre qui avoit cet emploi ; oblationnaire ou diacre des oblations étoit la même chose. Quand le pape célébroit, l’oblationnaire apportoit du palais les oblations, c’est à-dire, le pain & le vin, & les donnoit à l’archidiacre. Voyez l’ordo romanus, l’hist. de la translat. de S. Sebast. & Anastas. bibliot. ad VIII. synod. art. 2. (A)

OBLIAGE, s. m. (Jurisprud.) est une redevance annuelle dûe en certains lieux au seigneur. Quelques uns ont prétendu qu’obliage se ditoit pour oubliage, & que ce terme venoit d’oubli ; c’est ainsi que l’interprete de la coutume de Blois, sur l’art. 40, dit que l’obliage est l’amende que le sujet doit à son seigneur, pour ne lui avoir pas payé la rente ou devoir annuel au jour accoutumé, & pour l’avoir oublié. En effet, les cens & rentes emportent communément une amende faute de payement ; mais M. de Lauriere remarque avec raison que c’est une imagination ridicule de faire venir obliage du mot oubli.

Le droit appellé obliage vient du latin oblata. C’étoit le nom que l’on donnoit autrefois aux pains qui étoient présentés pour la communion, ainsi qu’il se voit dans le seizieme concile de Tolede, ch. xvj.

On donna aussi le même nom à des pains ronds &

plats que les sujets étoient tenus de présenter à leur seigneur. Ces pains furent appellés oblata quasi munera oblata, seu oblationes ab offerendo, à cause qu’ils étoient présentés au seigneur, & peut être aussi parce qu’ils étoient à l’instar de ceux que l’on donnoit pour la communion. On les appella en françois oblies, & par corruption oublies ; c’est de-là qu’on appelle oublies ces menues pâtisseries rondes & plates que les pâtissiers font avec de la farine & du miel ; & c’est aussi de-là que les pâtissiers sont appellés oblayers dans le livre noir du chatelet.

Du mot oblie l’on fit obliage & oubliage, pour exprimer la redevance des oublies ou pains dûs au seigneur ; & en effet, dans la coutume de Dunois, pains & oublies sont employés indifféremment & dans la même signification.

Ces oublies étoient plus ou moins grands & de divers prix, selon la convention ou l’usage de chaque lieu.

Ce terme d’obliage a aussi été employé pour exprimer toute sorte de redevance dûe au seigneur, comme oublies de vin, oublies de froment, oublies de chapons ; mais quand on disoit oublies simplement, ou oubliage sans autre explication, cela s’entendoit toûjours d’une redevance en pain.

Dans presque toutes les seigneuries, ces droits d’obliage ont été convertis en argent. Voyez le gloss. de Ducange, au mot oblata ; & celui de M. de Lauriere, au mot obliages. (A)

OBLIGATION, (Droit nat.) On peut définir l’obligation considérée en général, une restriction de la liberté naturelle produite par la raison, dont les conseils sont autant de motifs qui déterminent l’homme à une certaine maniere d’agir préférablement à tout autre.

Telle est la nature de l’obligation primitive, qui peut être plus ou mois forte, selon que les raisons qui l’établissent ont plus ou moins de poids sur notre volonté ; car il est manifeste que plus les motifs seront puissans, & plus aussi la nécessité d’y conformer nos actions sera sorte ou indispensable.

M. Barbeyrac établit pour principe de l’obligation proprement ainsi nommée, la volonté d’un être supérieur, duquel on se reconnoît dépendant. Il pense qu’il n’y a que cette volonté, ou les ordres d’un tel être, qui puissent mettre un frein à la liberté, & nous assujettir à regler nos actions d’une certaine maniere. Il ajoute que ni les rapports de proportion & de convenance que nous reconnoissons dans les choses mêmes, ni l’approbation que la raison nous donne, ne nous mettent point dans une nécessité indispensable de suivre leurs idées comme des regles de conduite. Que notre raison n’étant au fond autre chose que nous mêmes, personne ne peut, à proprement parler, s’imposer à soi même une obligation ; enfin, il conclut que les maximes de la raison, considérées en elles-mêmes, & indépendamment de la volonté d’un supérieur qui les autorise, n’ont rien d’obligatoire.

Il nous paroît cependant que cette maniere d’expliquer la nature de l’obligation, & d’en poser le fondement, ne remonte pas jusqu’à la source primitive. Il est vrai que la volonté d’un supérieur oblige ceux qui sont dans sa dépendance ; mais cette volonté ne peut produire cet effet, qu’autant qu’elle se trouve approuvée par notre raison, & qu’elle tend à notre bonheur. Sans cela on ne sauroit concevoir que l’homme se puisse soumettre volontairement aux ordres d’un supérieur, ni se déterminer de bon gré à l’obéissance. J’avoue que suivant le langage des jurisconsultes, l’idée d’un supérieur qui commande, intervient pour établir l’obligation, telle qu’on l’envisage ordinairement. Mais si l’on ne fonde l’autorité même de ce supérieur sur l’approbation que la raison lui donne, elle ne produira jamais qu’une contrain-