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dement, par le moyen des vêtemens appropriés.

Mais, en cherchant à se défendre des rigueurs de la saison, en évitant de s’exposer à l’air, en se tenant renfermé dans des chambres échauffées par le feu domestique, par les poëles, on doit prendre garde que la chaleur ne soit pas trop considérable, qu’elle n’excede pas beaucoup le degré de température, tel qu’il est fixé par les thermometres d’après celle que l’on observe constamment dans les caves de l’observatoire de Paris. Il faut éviter soigneusement de passer tout-à-coup d’une extrémité à une autre en ce genre : lorsqu’on a bien froid, on ne doit pas s’approcher subitement d’un grand feu, il faut se réchauffer par degrés, & dans ce cas, il seroit préférable de commencer par le mouvement du corps, par l’exercice, & la boisson de quelque infusion chaude de plantes aromatiques : & de même dans les grandes chaleurs, ou lorsqu’on s’est échauffé par quelque exercice violent, on doit bien se garder de chercher à se rafraîchir tout-à-coup en passant dans quelque lieu frais, comme les souterreins, les caves le sont alors respectivement, ni de boire de l’eau bien fraîche, de l’eau à la glace ; il faut seulement se livrer au repos dans un lieu sec, fermé ou à l’ombre, & prendre quelque boisson tempérée, acidule.

On doit avoir soin de renouveller souvent l’air des habitations fermées, sur-tout lorsque plusieurs personnes y sont contenues ensemble & pendant un tems considérable, comme dans les cazernes, les hôpitaux, les prisons, où l’on peut faire un usage fort utile du ventilateur. Voyez Ventilateur.

L’air, dans les habitations fermées, est très-susceptible de se corrompre par les exhalaisons des animaux vivans & morts ; à s’infecter par la vapeur du charbon, par la fumée des chandelles grasses, de l’huile de noix, &c. par l’exhalaison de la chaux des murailles récemment faites ou blanchies, par l’humidité de la terre dans les logemens bas, profonds, placés sur des terreins marécageux, où il est dangereux de vivre habituellement.

Les différens moyens qui servent à corriger les qualités vicieuses de l’air, consistent en général à dissiper le trop grand froid, l’humidité excessive, par des feux de bois sec, aromatique, allumés, entretenus dans les cheminées, les poëles des maisons où l’on a ôté tout accès à l’air extérieur. A l’égard de la chaleur & de la sécheresse excessive qu’il communique à celui des habitations, on y remédie par les exhalaisons de l’eau fraîche, répandue sur le sol du logement ; par celles de plantes fraîches dont on le jonche ; par celles des branches d’arbre bien garnies de feuilles vertes, bien trempées dans l’eau, qui répandent ainsi beaucoup d’humidité, de fraîcheur dans l’air, selon les observations de Hale dans sa Statique des végétaux : il convient aussi dans ce cas d’employer l’agitation de l’air, qui fait un vent artificiel ; de favoriser l’admission du vent du nord, avec exclusion de celui du midi ; & en général de renouveller l’air, le plus qu’il est possible, par tous les moyens convenables, & particulierement par l’effet du ventilateur.

On empêche ou on corrige la corruption de l’air en éloignant des habitations les latrines, les cimetieres, les boucheries ; en desséchant les marécages, les fossés, où se trouvent des eaux croupissantes ; en ne laissant subsister aucun cloaque dans le voisinage des maisons : on désinfecte l’air d’une maison en y brûlant du sucre, des grains de genievre, des bois aromatiques, des parfums appropriés, &, ce qui est plus simple, en jettant du vinaigre sur des charbons ardens, sur du fer rougi au feu, qui en procurent d’abondantes évaporations anti-septiques. On purifie l’air de l’atmosphere en allumant un grand nombre de feux considérables en plein air, de dis-

tance en distance, comme le pratiquoit Hippocrate,

pour garantir son pays de la peste dont il étoit menacé par la corruption de l’air des pays voisins.

II. Des alimens & de la boisson. La déperdition que le mouvement, qui fait la vie, occasionne continuellement dans le corps animal, le mettant dans le cas d’avoir un besoin toûjours renouvellé d’une intus susception, qui, pour la conservation de l’individu, soit proportionnée à cette déperdition, chaque animal est porté à rechercher pour cet effet les matieres qui sont susceptibles d’être converties en sa propre substance : ce sont les corps, composés de parties qui ont de l’analogie avec nos humeurs, d’où se sépare le suc nevro-lymphatique destiné à l’ouvrage de la nutrition. Voyez Nutrition. Ces corps sont tirés du regne végétal & du regne animal : le minéral n’en fournit aucun de propre à cet ouvrage, si ce n’est l’eau qui, sans être nourriciere par elle-même, est le véhicule des matériaux de la nutrition : ainsi la matiere qui forme les corps d’où nous tirons notre nourriture, étant de différente nature, ne peut par conséquent qu’être une des choses non naturelles qui influent le plus, en bien ou en mal, dans l’économie animale, selon qu’elle a des qualités qui lui sont plus ou moins convenables ou contraires.

Notre sang qui est le fluide qui fournit toutes les humeurs utiles à la conservation de notre individu, est principalement composé de parties mucilagineuses, qui ne sont autre chose qu’un mélange de parties aqueuses, huileuses & terreuses, qui forme une espece de gelée : ainsi les matieres qui sont d’une substance le plus propre à fournir des sucs mucides, gélatineux ; qui ont le plus d’analogie, d’affinité avec la nature de nos humeurs ; qui sont le plus faciles à être converties en suc nourricier ; qui ont le moins de parties féculentes, excrémentitielles ; qui sont le plus simples & le moins sujettes à se dissiper, à se volatiliser ; qui n’ont par conséquent point d’odeur forte, point trop de goût actif, aromatique, âcre ; qui possedent ces différentes qualités de leur nature, ou qui peuvent les acquérir par les préparations, par l’art de la cuisine, sont les choses les plus propres & qui doivent être préférées pour fournir une bonne nourriture. Tous les alimens que la nature nous offre avec les qualités convenables pour être employés sans préparation, ou qui en demandent très-peu & point d’assaisonnement, sont doux, tempérés ; tels sont les grains farineux, les fruits, les viandes : il en est de même de la boisson ; la plus naturelle est sans goût ; les fluides fermentés, très savoureux, peuvent être regardés comme l’ouvrage de l’art.

Ainsi les grains farineux sont un très-bon aliment pourvu qu’ils aient été rôtis & macérés dans l’eau, ou qu’ils aient fermenté pour qu’ils perdent la faculté (découverte par Boyle) qu’ils ont éminemment de produire beaucoup de matiere élastique qui donne lieu à la flatuosité. Voyez Flatuosité. La nourriture que l’on tire des seuls végétaux est très-saine, très-propre à procurer une longue vie : c’est ce qu’ont prouvé les Gymnosophistes, les plus anciens des philosophes, qui ne mangeoient rien de ce qui avoit eu vie, rien de ce qui avoit pris son accroissement au-dessous de la surface de la terre & sans être exposé aux rayons du soleil ; ils parvenoient, avec ce genre de vie, à un âge si avancé, que la plûpart ennuyés de vivre étoient obligés de se donner la mort, comme le fit Calanus qui se brûla en présence d’Alexandre & de toute son armée. Il y a encore aujourd’hui de ces philosophes dans les Indes. Voyez Végétal, Gymnosophiste, Pythagoricien.

Mais, entre les végétaux, le meilleur aliment est, sans contredit, le pain qui est la base de la nourri-