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permet de l’employer dans tous les sujets & dans tous les cas où les gommes-résines sont indiquées : dire de ce remede, que les anciens & les modernes l’ont également célébré, c’est assez faire entendre qu’ils lui ont attribué généralement toutes les vertus. Celles qui sont le plus reconnues sont sa qualité stomachique, roborante, apéritive & utérine ; aussi son usage le plus fréquent est pour donner du ton à l’estomac, pour fondre les obstructions, surtout bilieuses ; pour ranimer, & sur-tout pour faire couler les regles ; on la donne rarement seule, mais on la fait entrer fort communément dans les pillules ou bols stomachiques, fondans, emménagogues, & dans les préparations officinales, dont la vertu dominante est d’être cordiale ou excitante. Les qualités bézoardique & antiputride, ne sont fondées que sur des préjugés : la derniere sur-tout qu’on a estimée sur l’usage que les anciens faisoient de la myrrhe dans les embaumemens, est on ne peut pas plus précaire, voyez Embaumement & Mumie : la vertu vulnéraire & cicatrisante est commune à la myrrhe & à tous les sucs balsamiques, liquides & concrets ; mais notre gomme-résine n’a aucun avantage à cet égard, au contraire. Cartheuser met cependant au-dessus de toutes les propriétés de la myrrhe, celle qu’il lui attribue d’être un remede souverain contre la toux invétérée & plusieurs autres maladies chroniques de la poitrine, qui dépendent principalement de la foiblesse du poumon & du ventricule. Au reste, cet auteur moderne est très-enthousiaste sur les éloges de la myrrhe ; ce remede doit se donner en substance & incorporé à cause de son amertume, avec un excipient qui le réduise sous forme solide. La teinture de myrrhe est beaucoup plus efficace que la myrrhe en substance, selon la remarque de Sthal, soit parce que cette teinture ne contient que la résine & l’huile essentielle qui sont ses principes les plus actifs, débarrassés de la partie gommeuse qui masquoit ou châtroit en partie leur action ; mais plus encore parce que ces principes sont très-divisés dans l’esprit de vin, & enfin parce que ce menstrue concourt très-efficacement à leur activité. Au reste, cette remarque doit être commune aux teintures en général. Voyez Teinture.

L’huile essentielle de la myrrhe doit être comptée, si l’on en croit Cartheuser & Frid. Hoffman, parmi les moins âcres & les plus convenables pour l’usage intérieur, voyez Huile essentielle. Le dernier auteur recommande particulierement celle-ci prise à la dose de quelques gouttes sous forme d’œleosaccharum dans une infusion de véronique ou dans du caffé, contre plusieurs maladies chroniques de la poitrine, telles que la toux invétérée, l’asthme humide, &c. il conseille aussi de prendre le même œleosaccharum le matin dans du bouillon, du chocolat ou du caffé, comme une excellente ressource contre l’influence d’un air épais & chargé d’exhalaisons putrides ou de miasmes épidémiques.

La myrrhe réduite en poudre & la teinture de myrrhe sont aussi des remedes extérieurs très-usités dans les pansemens des plaies & des ulceres, & sur-tout dans la gangrene & dans la carie.

Il est peu de drogues qui entrent dans autant de compositions officinales, soit internes, soit externes, que la myrrhe, son efficacité est sur-tout remarquable dans l’élixir de propriété, les pillules de Rufus, & la thériaque diatessaron, parce que ces remedes sont composés de très-peu d’ingrédiens. (b)

MYRRHÉ, VIN, (Littér.) en latin myrrhinum vinum ; c’étoit chez les anciens, du vin mêlé de myrrhe avec art, pour le rendre meilleur & le conserver plus long-tems, suivant Aetius, Tetrab. 4. serm. 41. cap. cxxiij. on en faisoit grand cas, ainsi que de quelques autres boissons myrrhées. Pline, liv. XIV.

ch. xiij. nous le dit : lautissima apud priscos vina, erant myrrhae odore condita. Les lois des douze tables défendoient d’en répandre sur les morts.

Ce n’étoit pas de ce vin de myrrhe si prisé, qu’on offrit à boire à Jesus-Christ dans sa passion, pour amortir à ce qu’on croit en lui, le trop vif sentiment de la douleur ; on avoit coutume parmi les Hébreux, de donner à ceux qu’on menoit au supplice, une liqueur assoupissante dans laquelle entroit de la myrrhe qui la rendoit amere. Apulée, métam. liv. VIII. raconte qu’un certain homme s’étoit prémuni contre la violence des coups, par une potion de myrrhe. Apparemment que ce fut dans cette vûe, qu’on crut devoir donner du vin myrrhé à Notre-Seigneur ; ce vin étoit sans doute très-amer, puisque S. Matthieu rapporte, que c’étoit du vin mêlé de fiel. Le fiel de S. Matthieu & la myrrhe de S. Marc, ch. xv. v. 25. ne marquent qu’une même chose, c’est-à-dire, une boisson très-amere au goût. Voyez Th. Bartholin, de vino myrrhato, si vous êtes curieux de plus grands détails sur cet article. (D. J.)

MYRRHENE, (Géog. anc.) en latin Myrrhinus, municipe de l’Attique peu distant de Marathon. Il faisoit partie de la tribu Pandionide, selon Etienne le géographe. (D. J.)

MYRRHINA, MURRINA ou MORRHINA VASA, (Hist. ant.) nom donné par les anciens à des vases précieux dont ils se servoient dans leur repas, & pour renfermer des parfums. Pline dit qu’ils étoient faits d’une pierre précieuse qui se trouvoit en Caramanie & dans le pays des Parthes ; l’on a cru que cette pierre étoit une espece d’agathe ou d’onyx. D’autres ont conjecturé que ces vases étoient d’une composition factice ou d’une espece de porcelaine. Pompée apporta le premier des pocula myrrhinn de l’Orient ; ils étoient fort estimés chez les Romains. Pline nous dit que T. Pétronius, pour frustrer Néron, ut mensam ejus exhæredaret, brisa avant de mourir un grand bassin trulla myrrhina qui étoit estimé 300 talens, & dont cet empereur avoit grande envie. Voyez l’art. Morrha.

MYRRHINITE, (Hist. nat.) nom donné par quelques auteurs à une pierre qui avoit l’odeur de la myrrhe.

MYRRHIS, s. f. (Hist. nat. Bot.) genre de plante à fleur en rose & en ombelle ; elle est composée de plusieurs pétales disposés en rond & soutenus par un calice qui devient un fruit à deux semences semblables à un bec d’oiseau ; ces semences sont striées & relevées en bosse d’un côté, & plattes de l’autre. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante.

Tournefort compte onze especes de ce genre de plante umbellifere, dont la principale est la myrrhis major, que nous nommons en françois cerfeuil musqué ; en anglois, sweet cicely.

Les tiges s’élevent à la hauteur de quatre ou cinq piés ; elles sont rameuses, s’étendant en large, velues, creuses en-dedans. Ses feuilles sont grandes, amples, molles, découpées, & ressemblantes à celles de la ciguë, mais plus blanchâtres, & souvent marquetées de taches blanches, un peu velues, ayant la couleur & l’odeur du cerfeuil, & un goût d’anis, attachées par des queues fistuleuses. Ses fleurs naissent en parasols aux sommets des tiges & des branches, composées chacune de cinq feuilles inégales, disposées en fleur-de-lis, de couleur blanche, un peu odorantes. Quand ces fleurs sont passées, il leur succede des semences jointes deux à deux, grandes, longues, semblables au bec d’un oiseau, cannelées sur le dos, noirâtres, d’un goût d’anis agréable. Sa racine est longue, grosse, blanche, molle, & comme fongueuse, d’un goût doux, mêlé d’un peu d’âcreté, aromatique, & semblable