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pas fort claire en quelques points, nous ne laissons pas d’y voir que les municipes ne se faisoient pas partout aux mêmes conditions, ni avec les mêmes circonstances. De-là nous devons inférer que ce nom de municipe a en des significations différentes selon les tems & les lieux ; or, c’est à ce sujet qu’Aulugelle nous a conservé quelques remarques qui répandent un grand jour sur cette matiere. Insensiblement tous les municipes devinrent égaux pour le droit de suffrage. Enfin cet usage même changea de nouveau. Les municipes, amoureux de leur liberté, aimerent mieux se gouverner par leurs propres lois que par celles des Romains.

Il y avoit un grand nombre de lieux municipaux, municipia, dans l’empire romain ; mais nous connoissons sur-tout ceux d’Italie, parce que plusieurs auteurs en ont dressé des listes. Chaque municipe avoit son nom propre & particulier. (D. J.)

MUNIFICES, s. m. pl. (Hist. rom.) soldats qui étoient assujettis à tous les devoirs de la guerre, comme de faire la garde, d’aller au bois, à l’eau, au fourrage ; tandis que d’autres en étoient exemptés.

MUNIFICENCE, s. f. (Gram.) libéralité royale. Il faut qu’on remarque dans les dons le caractere de la personne qui donne. Les souverains montrent leur bienveillance par des actions particulieres, mais c’est leur munificence qui doit éclater dans leurs bienfaits publics. Ils ont de la bonté, quand ils conferent un poste, une dignité ; de la bienfaisance, quand ils soulagent ; mais ils veulent qu’on admire leur munificence dans les gratifications qu’ils accordent à de grands & utiles établissemens. Ces établissemens qui ont été d’abord l’objet de leur amour pour le bien de leurs sujets, deviennent ensuite celui de leur munificence. La munificence n’est & ne doit être que le fard. de l’utilité ; c’est le signe de l’attachement qu’ils ont à la chose, & de l’importance de leur personne.

MUNIR, v. act. (Gram.) S’il se dit d’une place, il est synonyme à fortifier ou par des constructions, ou par l’aprovisionnement ; des vaisseaux, c’est les pourvoir de tout ce qui est nécessaire à leur destination ; on se munit d’argent & de recommandations, quand on voyage ; de patience & de courage, quand on entreprend une chose difficile. D’où l’on voit que ce mot se prend au simple & au figuré.

MUNITIONS, (Art milit.) se dit en général de toutes les provisions de guerre qui concernent les armes & les vivres. Les premieres sont appellées munitions de guerre ; & les autres, munitions de bouche.

Lorsqu’on a dessein de faire la guerre, les munitions de toute espece forment un objet qui mérite la plu, grande attention. Il faut en faire des amas de longue main, &, comme on ne le peut sans argent, on peut établir que l’abondance de ce métal est d’une nécessité absolue pour se préparer à la guerre. On a déja observé, article Guerre, que lorsque Henri IV. eut dessein de porter la guerre en Allemagne, M. de Sulli l’engagea à suspendre ses opérations jusqu’à ce qu’il eut dans ses coffres dequoi la faire plusieurs années, sans mettre de nouvelles impositions sur ses peuples. Lorsque Persée se préparoit à la guerre contre les Romains, il avoit en réserve, outre les sommes nécessaires pour la solde & la dépense de son armée, dequoi stipendier dix mille hommes de troupes étrangeres pendant dix ans. Il avoit amassé des vivres pour un pareil nombre d’années ; ses arsenaux étoient remplis d’armes pour équiper trois armées aussi nombreuses que celle qu’il avoit sur pié : les hommes ne devoient point lui manquer ; au défaut des Macédoniens, la Thrace lui en offroit une source inépuisable. Si ce prince avoit porté la même conduite & la même prudence dans le reste des opérations de la guerre à laquelle il se préparoit, on peut douter s’il n’auroit pas trouvé le moyen d’arrêter la

puissance des Romains. Mais tant de choses différentes concourent aux succès des opérations militaires, que ce n’est pas assez d’en bien administrer quelques parties, il faut qu’elles le soient toutes également. Nous-réduirions volontiers l’essentiel des préparatifs nécessaires pour commencer la guerre à deux objets principaux, qui sont l’argent & de bons généraux. Avec de l’argent, on ne manque ni d’hommes ni de munitions, & avec des généraux habiles on a toûjours de bons soldats & de bons officiers ; on fait la guerre avec succès, quel que soit le nombre d’ennemis que l’on ait à combattre ; au lieu que, sous des généraux médiocres, les préparatifs formés avec le plus de soins & de dépense, ne sont souvent qu’une charge pour l’état qui n’en tire aucun avantage. Les Romains n’avoient jamais eu d’armée plus nombreuse que celle qui combattit à Cannes contre Annibal ; ils n’avoient jamais fait plus de dépense & pris plus de précautions pour vaincre ce redoutable ennemi, mais la mauvaise conduite de Varron leur en fit perdre tout le fruit.

Une des principales munitions de bouche est le pain ; celui qu’on distribue à l’armée & qu’on appelle par cette raison pain de munition, contient deux rations. Voyez Ration. Il sert pour la nourriture de deux jours au soldat. Ce pain devoit peser suivant les anciens réglemens militaires trois livres ou quarante-huit onces. Mais l’ordonnance du premier Maî 1758 ayant augmenté la ration de quatre onces, il pese actuellement cinquante six onces ou trois livres & demie. Il doit être composé de deux tiers de froment & d’un tiers de seigle. On emploie ces grains sans en ôter la paille ou le gros son. Il doit être cuit & rassis, & entre bis & blanc.

Comme le poids du pain qu’on donne ordinairement pour quatre jours aux soldats, & quelquefois pour six, est fort incommode dans les marches, que d’ailleurs il exige une grande quantité de chariots ou de caissons pour le voiturer à la suite de l’armée, M. le maréchal de Saxe pensoit qu’il seroit fort important d’accoutumer les troupes à se nourrir de biscuit. Les pourvoyeurs des vivres, dit cet illustre général, font accroire tant qu’ils peuvent que le pain vaut mieux pour le soldat ; mais cela est faux : & ce n’est, dit-il, que pour avoir occasion de friponner qu’ils cherchent à le persuader. En effet, Montecuculi & plusieurs autres célebres anteurs militaires admettent l’usage du biscuit. Il se conserve très-longtems, il faut moins de voitures pour le transporter à la suite de l’armée, & le soldat peut en porter pour huit ou dix jours, & même pour quinze, sans être chargé d’un poids considérable. Ces avantages méritent sans doute la plus grande attention. Mais si l’on veut s’en tenir à l’usage à cet égard, on doit au moins, comme le propose M. le maréchal de Puysegur, avoir des magasins de biscuit en réserve dans le voisinage des armées : on s’en sert dans les cas où ses mouvemens en-avant l’éloignent trop des lieux où elle tire le pain pour en avoir commodément.

Outre le pain, on fournit aussi en campagne une demi-livre de viande à chaque soldat ou cavalier ; il y a pour cet effet de nombreux troupeaux de bœufs & de moutons à la suite des armées.

Les munitions de fourrage sont aussi de la plus grande importance pour les armées. Lorsqu’on entre de bonne heure en campagne, la terre ne produit rien pour la nourriture des chevaux. Il faut par conséquent y suppléer par de nombreux magasins à portée des lieux où l’armée doit agir ; il en faut aussi pour la subsistance des chevaux pendant l’hiver, lorsque le pays que l’on occupe ne peut fournir la quantité dont on a besoin.

Comme la formation des magasins peut donner des indices à l’ennemi des endroits où l’on veut por-