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opération doit se faire sur l’agneau à l’âge de cinq ou six mois, ou même un peu plus tard, au printems ou en automne dans un tems doux : la maniere la plus ordinaire est l’incision ; on tire les testicules par l’ouverture que l’on vient de faire, & on les enleve aisément. La castraction peut se faire sans incision, il suffit de lier les bourses au-dessus des testicules en les serrant avec une corde, en comprimant par ce moyen les vaisseaux spermatiques ; on arrête l’accroissement des testicules, & on empêche leurs fonctions pour toujours. La castration rend l’agneau malade, triste, & lui ôte l’appétit ; pour l’exciter à manger, on lui donne du son mêlé d’un peu de sel, pendant deux ou trois jours.

Les moutons n’ont pas la pétulance des béliers, ils sont même encore plus timides que les brebis, ils sont aussi très-stupides ; au moindre bruit extraordinaire, ils se précipitent & se serrent les uns contre les autres, cependant ils ne savent pas fuir le danger ; ils semblent même ne pas sentir l’incommodité de leur situation, car ils restent opiniâtrément où ils se trouvent, à la pluie, à la neige, ou à l’ardeur du soleil, &c. Ces animaux sont d’un tempérament très-foible, les voyages les affoiblissent & les exténuent ; dès qu’ils courent, ils palpitent & sont bien-tôt essouflés. Ils sont sujets à grand nombre de maladies, la plûpart contagieuses.

Les moutons varient beaucoup, suivant les différens pays, pour le goût de la chair, la finesse de la laine, la quantité du suif, la grandeur & la grosseur du corps. En France, le Berri est la province où ces animaux sont le plus abondans ; ceux des environs de Beauvais & de quelques endroits de Normandie, sont les plus gras & les plus chargés de suif ; ils sont très-bons en Bourgogne, mais les meilleurs de tous sont ceux des côtes sablonneuses de nos provinces maritimes. On ne voit en France que des moutons blancs, bruns, noirs & tachés ; il y en a de roux en Espagne & de jaunes en Ecosse. Voyez Brebis.

Mouton, (Diete Et Mat. méd.) la chair de cet animal fournit à la plûpart des peuples de l’Europe un de leurs alimens les plus usuels, les plus salutaires & les plus agréables. Elle convient également à tous les estomacs ; les gens vigoureux & exercés s’en accommodent aussi-bien que ceux qui sont oisifs & délicats. Elle est propre à tous les âges, & dans l’état de maladie, comme dans celui de santé ; elle est de facile digestion, & selon l’observation de Sanctorius, elle transpire beaucoup plus que les autres alimens ordinaires des hommes. Les bouillons qu’on en prépare sont regardés même dans plusieurs pays, par exemple, dans les provinces méridionales du royaume, comme beaucoup plus convenables pour les malades que le bouillon de bœuf, qu’on y regarde comme échauffant : & réciproquement on a fort mauvaise idée à Paris du bouillon de mouton employé à cet usage, & on n’y conçoit point qu’on puisse faire un potage supportable avec du mouton seul. L’une & l’autre de ces opinions doit être regardée dans le fond, comme un préjugé ; elle est vraie cependant jusqu’à un certain point, si chacun de ces peuples n’entend parler que de son bœuf & de son mouton ; car de même que le bœuf est maigre, dur, & peut-être chaud en Languedoc, par exemple, de même la chair du mouton de Paris est chargée dans toutes les parties d’une mauvaise graisse approchant de la nature du suif, est ordinairement coriace, sans suc, d’un goût plat & d’une odeur souvent désagréable, sentant le bélier, & n’y donne qu’un mauvais bouillon blanchâtre.

En général, le meilleur mouton est celui qui est élevé dans les pays chauds, & qu’on y nourrit dans les terreins élevés, secs & couverts de plantes aro-

matiques ou sur le bord de la mer ; tels sont les moutons

communs de la basse Provence, du bas Languedoc, de la partie la plus tempérée des Cévenes, & du Roussillon.

Les moutons de Ganges, en bas Languedoc, & ceux de la plaine de la Crau, en Provence, sont les plus renommés ; mais les jeunes moutons qu’on éleve en ce pays dans les basses-cours, qu’on y nourrit à la main, qui croissent & qui engraissent prodigieusement, dont la chair devient par-là singulierement tendre & délicate, & qu’on envoie au loin, comme des objets de luxe : ceux-là, dis-je, auxquels appartient précisément la célébrité, ne valent point à beaucoup près les moutons du même âge, élevés tout franchement dans les landes des mêmes pays, & moins encore les moutons moins jeunes : c’est à trois ou quatre ans qu’ils sont les meilleurs qu’il est possible. Plus jeunes, comme les moutons domestiques de Ganges, qu’on mange à l’âge d’un an ou dix-huit mois, leur chair n’est pas faite ; plus vieux, elle commence à sécher, à durcir. Le mouton qu’on apporte à Paris, de Beauvais, des Ardennes & du Présalé, près de Diépe, a le même défaut que le mouton engraissé de Ganges, que d’ailleurs il ne vaut point à beaucoup près ; il n’est que gras & tendre, au lieu que le bon mouton commun de nos provinces méridionales est en même tems tendre, succulent, & d’un goût agréable & relevé, & il donne du bon bouillon. On dit que les moutons des îles de l’Amérique, qu’on y éleve sur le bord de la mer, surpassent encore les meilleurs dont nous venons de parler, en délicatesse, en saveur, & en fumet.

Tout le monde sait que la chair de mouton se mange rôtie, bouillie, grillée, & sous la forme de différens ragoûts. De quelque façon qu’on l’apprête, c’est toujours une excellente nourriture ; les piés, le foie, les tripes, le poumon & le sang de cet animal, qui sont aussi des alimens usités, ne méritent que les considérations diététiques générales qu’on trouvera aux articles, foie des animaux, piés des animaux, tripes des animaux, poumons des animaux, sang, diete. Voyez ces articles.

La graisse solide ou suif de mouton est employée quelquefois à titre de médicament ; plusieurs auteurs en conseillent l’usage intérieur contre la dyssenterie, mais cette pratique est peu suivie. Ce suif entre dans la composition de quelques emplâtres & onguens, par exemple, dans l’onguent de la mer de la pharmacopée de Paris, Etc. le fiel de mouton est recommandé contre les tayes des yeux : la laine & la graisse de cette laine ou œsipe sont comptés encore parmi les médicamens. Voyez Laine & Œsipe. (b)

Mouton du Pérou, camelus peruanus glama, ou lhama dictus, animal quadrupede qui a beaucoup de rapport au chameau en ce qu’il rumine, qu’il n’a point de cornes, qu’à chaque pié il a deux doigts & deux ongles, & que la plante du pié est recouverte par une peau molle. Le mouton du Pérou a six piés de longueur depuis le sommet de la tête jusqu’à la queue, & quatre piés de hauteur depuis terre jusque sur le dos ; il a les oreilles assez longues, la tête alongée, la levre supérieure fendue, & les yeux grands ; le train de derriere est plus élevé que celui de devant. Ces animaux sont blancs, noirs, ou bruns ; d’autres ont toutes ces couleurs. Les Péruviens donnent à ceux-ci le nom de moromoro. Voyez le regne animal divisé en six classes, par M. Bresson. Voyez Quadrupede.

Moutons, s. m. pl. (Hydraul.) en fait de cascades, ce sont des eaux que l’on fait tomber rapidement dans des rigoles, & qui trouvant pour obstacle une