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Les conjonctions explicatives savoir, (quippe, nempe, nimirùm, scilicet, videlicet,) dêsignent entre les propositions, une liaison d’identité, fondée sur ce que l’une est le développement de l’autre.

Les conjonctions périodiques quand, lorsque, (quandò,) désignent entre les propositions, une liaison positive d’existence, fondée sur leur relation à une même époque.

Les conjonctions hypothétiques si, sinon, (si, nisi, sin,) désignent entre les propositions, une liaison conditionnelle d’existence, fondée sur ce que la seconde est une suite de la premiere.

Les conjonctions conclusives ainsi, aussi, donc, partant, (ergo, igitur, &c.) désignent entre les propositions, une liaison nécessaire d’existence, fondée sur ce que la seconde est renfermée éminemment dans la premiere.

Les conjonctions causatives car, puisque, (nam, enim, etenim, quoniam, quia,) désignent entre les propositions, une liaison nécessaire d’existence, fondée sur ce que la premiere est renfermée éminemment dans la seconde.

Les conjonctions transitives or, (atqui, autem, &c.) désignent entre les propositions, une liaison d’affinité, fondée sur ce qu’elles concourent à une même fin.

Les conjonctions déterminatives que, pourquoi, (quòd, quàm, cùm, ut, cur, quare, &c.) désignent entre les propositions, une liaison de détermination, fondée sur ce que l’une, qui est incidente, détermine le sens vague de quelque partie de l’autre, qui est principale.

On voit par ce détail la vérité d’une remarque de M. l’abbé Girard, (tom. II. pag. 257.) « que les conjonctions font proprement la partie systématique du discours ; puisque c’est par leur moyen qu’on assemble les phrases, qu’on lie les sens, & que l’on compose un tout de plusieurs portions, qui, sans cette espece, ne paroîtroient que comme des énumérations ou des listes de phrases, & non comme un ouvrage suivi & affermi par les liens de l’analogie ». C’est précisément pour cela que je divise la classe des mots indéclinables en deux ordres de mots, qui sont les supplétifs & les discursifs : les adverbes & les prépositions sont du premier ordre, on en a vu la raison ; les conjonctions sont du second ordre, parce qu’elles sont les liens des propositions, en quoi consiste la force, l’ame & la vie du discours.

Je vais rapprocher dans un tableau raccourci les notions sommaires qui resultent du détail de l’analyse

que nous venons de faire.


Système figuré des especes de mots.
MOTS AFFECTIFS INTERJECTIONS
DÉCLINABLES DÉTERMINATIFS NOMS 1. substantifs
abstractifs
2. propres
appellatifs génériques
spécifiques
PRONOMS de la I. personne
de la II. personne
de la III. personne
INDÉTERMINATIFS ADJECTIFS physique
métaphysiques
VERBES substantif ou abstrait
adjectifs ou concret actifs
passifs
ÉNONCIATIFS neutres
INDÉCLINABLES SUPPLÉTIFS PRÉPOSITIONS
ADVERBES de tems
de lieu
d’ordre
de quantité
de cause
de maniere
DISCURSIFS CONJONCTIONS copulatives
adversatives
disjonctives
explicatives
périodiques
hypothétiques
conclusives
causatives
transitives
déterminatives

Cette seule exposition sommaire des différens ordres de mots est suffisante pour faire appercevoir combien d’idées différentes se réunissent dans la signification d’un seul mot énonciatif ; & cette multiplication d’idées peut aller fort loin, si on y ajoute encore celles qui peuvent être désignées par les différentes formes accidentelles que la déclinabilité peut faire prendre aux mots qui en sont susceptibles, telles que sont, par exemple, dans amaverat, les idées du mode, du nombre, de la personne, du tems ; & dans celle du tems, les idées du rapport d’existence à l’époque, & du rapport de l’époque au moment de la parole.

Cette complexité d’idées renfermées dans la signification d’un même mot, est la seule cause de tous les mal-entendus dans les arts, dans les sciences, dans les affaires, dans les traités politiques & civils ; c’est l’obstacle le plus grand qui se présente dans la recher-

che de la vérité, & l’instrument le plus dangereux

dans les mains de la mauvaise foi. On devroit être continuellement en garde contre les surprises de ces mal-entendus : mais on se persuade au contraire que, puisqu’on parle la même langue que ceux avec qui l’on traite, on attache aux mots les mêmes sens qu’ils y attachent eux-même ; inde mali labes.

Les Philosophes présentent contre ce mal une foule d’observations solides, subtiles, détaillées, mais par-là même difficiles à saisir ou à retenir : je n’y connois qu’un remede, qui est le résultat de toutes les maximes détaillées de la Philosophie : expliquez-vous avant tout, avant que d’entamer une discussion ou une dispute, avant que d’avouer un principe ou un fait, avant que de conclure un acte ou un traité. L’application de ce remede suppose que l’on sait s’expliquer, & que l’on est en état de distinguer tout ce qu’une saine Logique peut apperce-