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D’un peigne pour le papier commun. Cet instrument est un assemblage de tringles de bois, paralleles les unes aux autres, de l’épaisseur de deux lignes & demie ou environ, d’un doigt de largeur, & de la longueur du baquet. On appelle ces tringles branches. Il y en a quatre ; elles sont garnies chacune de onze dents : ces dents sont des pointes de fer d’environ deux pouces de hauteur, & de la même forme & force que le clou d’épingle. La premiere dent d’une branche est fixée exactement à son extrémité, & la derniere à son autre extrémité ; il y a entre chaque branche la même distance qu’entre chaque dent.

D’un peigne pour le montfaucon, le lyon, & le grand-montfaucon : ce peigne n’a qu’une branche, & cette branche n’a que neuf dents.

D’un peigne pour le persillé sur le petit baquet ; ce peigne n’a qu’une branche, mais cette branche a 18 dents.

D’un peigne pour le persillé sur le grand baquet ; ce peigne n’a qu’une branche à 24 dents.

D’un peigne pour le papier d’Allemagne ; ce peigne n’a qu’une branche à cent quatre ou cinq pointes ou aiguilles aussi menues que celles qui servent au métier à bas. Ce papier se fait sur le petit baquet.

D’une grosse pointe de fer à manche de bois ; cette pointe ne differe en rien de celles à tracer, & l’on en fait le même usage dans la fabrication du papier marbré qu’on appelle placard.

De pots & de pinceaux pour les différentes couleurs.

De cordes tendues dans une chambre ouverte à l’air.

D’un étendoir tel que celui des Papetiers fabriquans ou des Imprimeurs.

D’un chassis quarré ; c’est un assemblage de quatre lattes comprenant entr’elles un espace plus grand que la feuille qu’on veut marbrer, & divisé en 36 petits quarrés par cinq ficelles attachées sur un des côtés du chassis, & traversées perpendiculairement par cinq autres ficelles fixées sur un des autres côtés. Il faut avoir un nombre de ces chassis.

D’une pierre & de sa mollette pour broyer les couleurs ; on fait que les pierres employées à cet usage doivent être bien dures & bien polies.

D’une amassette ou ramassoire pour rassembler la couleur étendue sur la pierre ; c’est un morceau de cuir fort, d’environ quatre à cinq pouces de long sur trois de large, dont un des côtés est à tranchant ou en biseau ; il faut aussi un couteau.

D’une ramassoire pour nettoyer les eaux ; c’est une tringle de bois fort mince, large de trois doigts ou environ, de la longueur du baquet, & taillée aussi en biseau sur un de ses grands côtés.

D’établis pour poser les baquets, les pots, les peignes & les autres outils ; d’une pierre à lisser le papier, celle qui sert à broyer les couleurs, bien lavée pour être employée à cet autre usage.

D’un caillou qui ne soit ni grais, ni pierre à fusil ; pierre à fusil, il seroit trop dur & ne mordroit pas assez ; grais, il seroit trop tendre & il égratigneroit ; il faut le choisir d’un grain fin, égal & serré, le préparer sur le grais avec du sable, lui former un côté en taillant arrondi & mousse ; monté sur un morceau de bois à deux manches ou poignées ; il servira à lisser, à moins qu’on n’ait une lissoire telle que celle des Papetiers fabriquans ou des Cartiers, que nous avons décrite à l’article Carte. Voyez cet article.

De la préparation des eaux. On prend de la gomme adragant en sorte, on sait ce que c’est qu’être en sorte, on la met dans un pot où on la laisse tremper trois jours ; si elle est d’une bonne qualité, une demi-livre suffira pour une rame de papier com-

mun : l’eau où elle s’humectera sera de riviere &

froide : après avoir trempé trois jours, on la transvasera dans le pot-à-beurre ; on aura l’attention pendant qu’elle trempoit de la remuer au-moins une fois par jour ; quand elle sera dans le pot-à-beurre, on la battra un demi-quart d’heure, le pot-à-beurre sera à moitié plein d’eau, on achevera ensuite de le remplir ; on posera un tamis sur un des baquets, & l’on passera l’eau ; on aide l’eau à passer en la remuant, & pressant contre le tamis avec le gros pinceau dont on a parlé. On remplit le baquet d’eau gommée ; ce qui reste sur le tamis de gomme non-dissoute, se remet dans le pot à-beurre à tremper jusqu’au lendemain. Fig. 1. a l’ouvrier qui passe l’eau gommée au tamis avec le pinceau ; b, c, le tamis ; d, le baquet ; e, le pot-à beurre où la gomme étoit en dissolution à côté.

Lorsque les eaux sont passées, on les remue avec un bâton, & l’on examine si elles sont fortes ou foibles. Cet examen se fait par la vitesse plus ou moins grande que prend l’écume qui s’est formée à leur surface, quand on les a agitées en rond. Si, par la plus grande vitesse qu’on puisse leur imprimer de cette maniere, l’ecume fait plus d’une cinquantaine de tours pendant toute la durée du mouvement, les eaux sont foibles : si elle en fait moins, elles sont fortes ; on les affoiblit avec de l’eau pure, ou on les fortifie avec de la gomme qui reste dans le pot-à-beurre.

Mais cet essai des eaux est peu sûr. On n’en connoîtra bien la qualité qu’à l’usage du peigne à faire les frisons : si les frisons brouillés se confondent & ne se tracent pas nets & distincts, les eaux prenant alors trop de vîtesse, ou ne conservant pas les couleurs assez séparées, elles sont trop foibles : s’ils ont de la peine à se former, ou si les couleurs ne s’arrangent pas facilement dans l’ordre qu’on le veut, mais tendent, déplacées par les dents, à se restituer dans leur lieu, les eaux sont trop fortes : elles auront aussi le même défaut, lorsque les couleurs refuseront de s’étendre, c’est à-dire lorsque les placards qu’on jettera dessus ne se termineront pas exactement aux bords, lorsqu’elles seront trop hérissées de pointes qu’on appelle écailles, lorsqu’elles seront foireuses ; dans tous ces cas, on les temperera avec de l’eau pure.

De la préparation des couleurs. Pour avoir un bleu, prenez de l’indigo, broyez-le bien exactement à l’eau sur la pierre & à la mollette ; enlevez la couleur, mettez-la dans un petit pot. Quant à ce qui en restera à la pierre & à la mollette, ayez de l’eau dans votre bouche, soufflez-la sur la mollette & sur la pierre ; lavez-les ainsi, mettez cette lavure dans un autre pot, & fortifiez-la quand vous voudrez vous en servir : il ne faut pas négliger ces petites économies à toutes les choses qui se répetent souvent ; elles font communément la différence de la perte au gain.

Pour avoir un rouge, prenez de la laque plate, broyez-la sur la pierre avec la mollette, non à l’eau, mais avec une liqueur préparée de la maniere suivante.

Ayez du bois de Brésil, faites-le bouillir dans de l’eau avec une petite poignée de chaux-vive, que vous jetterez dans l’eau sur la fin, lorsque le bois aura suffisamment bouilli. Mettez un seau & demi d’eau, sur deux livres de bois de Brésil. Si le bois de Brésil est pilé, vous le ferez bouillir environ deux heures ; plus long-tems, s’il est entier. Vous réduirez le tout à un seau par l’ébullition. C’est après la réduction que vous ajouterez la poignée de chaux-vive. Vous passerez à-travers un linge, & c’est avec la liqueur qui vous viendra que vous préparez la laque.