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fraient en Février, comme le thon, & déposent leurs œufs au commencement de Juin. Ils craignent le grand chaud & le grand froid. La chair en est grasse, de bon goût & presque sans arêtes. Rondelet, hist. des poissons, part. I. liv. VIII. chap. vij. Voyez Poissons.

Maquereaux, s. m. (Pêche.) Voici comme se fait leur pêche. La manœuvre differe de celle de la pêche des harengs, voyez Harengs. Les filets sont aussi flottans, mais autrement établis. On démâte de même le bateau, & on ne donne qu’une petite cape au borset pour soutenir pendant qu’on jette le filet à la mer. La tête de ces filets-ci se tient toujours à fleur d’eau, & ne coule pas bas comme aux seines. La texture peut avoir trois mille brasses de long, ayant presque trois cent pieces d’aplets ; mais comme le fil qui les compose est fort leger, ils garnissent ordinairement le bas du filet, ou de vieilles seines, ou de manets ; quelques-uns même y mettent du plomb : mais comme la tête est fort flottée, les applets se soutiennent toujours à fleur d’eau ; aussi n’y a-t-il seulement que seize quarts de futaille pour soutenir le filet dans toute sa longeur. Ces filets dérivent comme les seines, & cette pêche-ci, comme celle des harengs, ne se fait que la nuit. Plus la nuit est obscure, plus on la peut espérer bonne. Les manets sont à fleur d’eau, parce que le maquereau s’y éleve, & quand il fait clair, il apperçoit le filet, dont il s’échappe en passant par-dessus. On releve ordinairement le filet au point du jour. Voyez nos Pl. de Pêche.

On fait encore la pêche du maquereau & autres poissons passagers, d’une maniere particuliere sur la côte de l’amirauté de Quimper en Bretagne. Il faut, pour pratiquer cette pêche, un lieu commode & à l’abri, tel qu’est le coude que forme la pointe de Cleden.

Ceux qui veulent faire cette pêche, ont une ancre ou une grosse pierre percée, du poids de quelques quintaux, sur laquelle on frappe un cordage long de plusieurs brasses. Les pêcheurs, dans leurs petits bateaux, portent cette pierre à cinquante ou soixante brasses loin de la côte de la plus basse-mer, où le pié soit écoré & escarpé, & les eaux si profondes, qu’il reste toujours plusieurs brasses d’eau, même du tems des plus basses marées ; le cordage frappé sur l’ancre, soit de fer ou de pierre, a vingt-cinq & trente brasses de longueur ; au bout qui flotte, est amarrée une poulie de retour, en sorte qu’elle puisse surnager à fleur d’eau. On passe ensuite dans cette poulie un même cordage ou une ligne qui vient double jusqu’à la côte. Le pêcheur se place sur une pointe de rocher pour haler & faire venir à lui cette corde quand il le juge à propos.

Sur une partie de cette corde, que l’on nomme va & vient, à cause de sa manœuvre, est enfilé ou amarré un filet flotté par la tête, & dont le pié est chargé de quelques pierres, pour le faire caler de sa hauteur ; ce sont ou des filets à maquereau, ou des tramaux, ou des rets à orphies ou aiguillettes, & des filets de gros fonds.

Quand le pêcheur veut faire sa pêche, & qu’il a placé son filet, il le tire de l’ancre, en halant à lui le cordage opposé ; & quand il veut visiter son filet, il hale le côté de la corde où il est amarré : il connoît par l’agitation des flottes de liege, & par leur enfoncement dans l’eau, lorsqu’il s’y est pris du poisson ; le filet, par cette manœuvre du cordage, va & vient, il fait passer à ses piés le filet pour en retirer le poisson qui s’y est maillé, ou qui s’est embarrassé dans les mailles des trameaux

La tissure du filet est ordinairement de quinze à vingt brasses de long sur une brasse & demie de chute. Les plus petites mailles de ces filets sont celles des

manets ; & comme on y prend des meuilles ou mulets d’une grosseur prodigieuse, les pêcheurs ont des rets à plus grandes mailles, afin que les poissons s’y puissent prendre : ils ne pêchent que les poissons qui se sont maillés dans le filet.

La saison de faire cette pêche pour les mulets, est durant l’hiver, & pour les maquereaux pendant le carême. Il faut un tems calme pour pêcher de cette maniere avec succès ; les gros vents y sont contraires quelqu’abri qu’il y ait à la côte.

On place quelquefois vingt & plus de ces filets à côté les uns des autres, & ils ne sont souvent éloignés que de quelques brasses. Seulement de cette maniere ils sont placés comme sont situés à la côte les étentes, étates ou palis des pêcheurs picards & normands. Voyez Etente. Voyez nos Pl. de Pêche.

MAQUETTE, s. f. les sculpteurs donnent ce nom à une premiere ébauche, en terre molle, de leur ouvrage. Voyez aussi l’article Grosses Forges.

MAQUIGNON, s. m. (Maréchal.) on appelle ainsi celui qui vend des chevaux & les achete pour les revendre. Ce mot est devenu odieux, & on dit maintenant marchand de chevaux.

MAQUIGNONAGE, (Maréchal.) ce sont les finesses & tromperies que les maquignons emploient pour ajuster leurs chevaux.

MAQUIGNONER un cheval, (Maréchal.) c’est se servir d’artifices pour cacher ses défauts aux yeux de l’acheteur. Un cheval ainsi ajusté, est un cheval maquignoné.

MAQUILUPA, (Géogr.) montagne de l’Amérique dans la nouvelle Espagne, & dans la province de Guaxaca. On la passe pour aller de Guaxaca à Chiapa. Gage dit qu’il y a un endroit découvert dans ce passage, où l’on voit d’un côté la vaste mer du Sud, qui est si profonde & si basse, que la tête tourne ; & que de l’autre, ce ne sont que rochers & précipices, de deux ou trois lieues de profondeur, capables de glacer le courage des plus hardis voyageurs. (D. J.)

MAQUILLEUR, s. m. (Marine.) c’est un bateau de simple tillac, dont on se sert pour la pêche du maquereau.

MARABOTIN, s. m. (Monn.) nom d’une ancienne monnoie d’or d’Espagne & de Portugal. Marabotinus, maurabotinus, marmotinus, marbotinus, &c. Ducange me paroît avoir raison de conjecturer que marabotin ou maurabotin, veut dire butin fait sur les Maures, dépouilles des Maures, & qu’on nomma cette monnoie de ce nom, parce qu’elle fut faite de l’or enlevé aux Maures. C’est donc une monnoie originaire d’Espagne. Henri II. roi d’Angleterre & duc d’Aquitaine, rendit une sentence arbitrale l’an 1177, entre Alphonse, roi de Castille, & Sanche, roi de Navarre, par laquelle le premier de ces deux rois est obligé de payer au second, la rente de 3000 marabotins. Or quelle apparence que le roi d’Angleterre eût obligé le roi de Castille à payer une pension au roi de Navarre en monnoie étrangere ? La reine Blanche de Castille, à la fin du treizieme siecle, fut dotée de 24000 marabotins. Plusieurs titres des rois d’Arragon dans le même siecle, font mention des marabotins qui doivent leur revenir. S’il est souvent parlé de marabotins dans plusieurs titres de la ville de Montpellier, c’est parce que les rois d’Arragon ont longtems joui de cette ville. De là vient encore que les marabotins eurent cours en France dans les provinces voisines des Pyrénées. Le Portugal eut aussi ses marabotins.

Il n’est pas possible de connoître quelle fut constamment la valeur des marabotins, soit en Espagne, soit en Portugal, soit en France, parce qu’elle éprouva bien des variations. Nous savons seulement qu’en 1213, 3160 marabotins de Portugal pesoient 56