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La dose ordinaire des eaux minérales salées est d’environ neuf livres par jour. Ce n’est pas cependant que cette dose doive être une regle pour tous les sujets ; il faut au contraire la varier suivant l’âge, le tempérament du malade, & la nature de la maladie.

C’est le grand matin qu’il convient de prendre les eaux ; celles qui ne purgent point, doivent être prises par plus petits verres, & en observant de mettre une plus grande distance d’une prise à l’autre ; il doit être tout le contraire de la boisson des eaux cathartiques : dans tout cela, il faut se conduire de maniere qu’on ait avalé la dose entiere dans l’espace d’une heure ou d’une heure & demie.

A l’égard du tems que doit durer la boisson de ces eaux, on a coutume de prendre les cathartiques pendant trois jours & avec succès, à-moins qu’il n’y ait quelque contre-indication. L’usage des eaux minérales fortes peut encore être poussé jusqu’au sixieme jour, & celui des eaux plus douces jusqu’au neuvieme, lors, par exemple, qu’on a en vûe de nettoyer entierement les premieres voies. Les non-cathartiques peuvent se prendre pendant neuf, douze, ou quinze jours, & même des mois entiers, si elles passent bien, & en ayant l’attention de n’en boire qu’une petite dose par jour.

Les eaux minérales se prennent ordinairement vers le milieu ou la fin du printems, ou au commencement de l’automne ; quoique cependant celles qui purgent efficacement par le bas, peuvent être ordonnées pendant l’hiver même, si le cas l’exige.

Il est toujours mieux de prendre les eaux minérales à-peu-près au degré de la chaleur naturelle de l’homme que de les prendre froides. Il est cependant à remarquer, à l’égard des eaux du genre des spiritueuses, qu’on ne sauroit les chauffer sans leur faire perdre beaucoup de leur air élastique ; c’est pourquoi il est plus à propos de les prendre froides, surtout avec la précaution d’appliquer sur la région épigastrique des serviettes chaudes, pour favoriser ou aider l’action de ces eaux & leur passage : mais lorsqu’il s’agit d’un jeune sujet, d’une personne délicate qui a la poitrine foible, ou qui est avancée en âge, comme elle pourroit se trouver incommodée d’une boisson copieuse de ces eaux froides, il convient qu’on les fasse tiédir au bain-marie avant de les prendre.

Indépendamment de l’usage interne auquel nous venons de voir combien ces eaux étoient propres, elles peuvent encore être employées extérieurement, tant les salées que les sulphureuses ; on s’en sert donc pour les usages extérieurs, qui consistent principalement en bains, en douches, & en vapeurs qu’on reçoit dans une étuve, mais c’est toujours par les bains qu’on commence.

Le bain d’eaux thermales est de deux sortes : l’un est tempéré, & c’est celui dont la chaleur va depuis le degré 28 jusqu’au 32 du thermometre de Reaumur : l’autre est celui qu’on appelle bain chaud ; sa chaleur commence au 36 ou 37e du même thermometre, & se porte jusqu’au 42e ou environ, ce qui est le plus fort degré de chaleur qu’un homme puisse supporter.

On connoit tout le bien que peuvent faire les bains tempérés ; ils relâchent le système des solides lorsqu’il est trop tendu ; ils rétablissent la transpiration, temperent les humeurs, &c. Voyez Bain, en Médecine.

Nous avons à parler plus au long du bain chaud, & nous y ajoûterons ce qui a paru le plus digne de remarque à M. Leroy, dans les observations qu’il a faites à ce sujet aux bains de Balaruc ; ce que nous dirons d’après lui sur ces eaux parti-

culieres, pourra s’appliquer à l’usage de toutes les

autres eaux thermales.

Il y a deux sortes de bains en usage à Balaruc ; l’un se prend dans la source même, dont la chaleur est au 42e degré du thermometre de Réaumur ; l’autre est plus doux, c’est celui qu’on appelle le bain de la cuve, sa chaleur ne va pas au-delà du 38 au 39e degré, & il est bien rare qu’elle se porte au 40e ; celui-ci est beaucoup plus en usage que le précédent qui, vû son extrème chaleur, n’est guère propre que dans le cas d’une atonie, ou d’un relâchement total des parties. Il n’est pas possible aux personnes, même les plus robustes, de rester plus de quinze minutes dans le bain tempéré, & plus de cinq dans le bain chaud. Le malade plongé une fois dans le bain, y est à peine que son pouls devient aussi fort, aussi fréquent, & aussi animé que dans la plus grande chaleur de la fievre, son visage se colore, s’enflamme, & se couvre de gouttelettes de sueur : s’il lui arrive de rester dans le bain au-delà du tems prescrit, il est surpris d’un tintement d’oreilles, de vertiges noirs, & de tous les autres signes qui précedent ordinairement les attaques d’apoplexie. Tout le tems qu’il reste dans le bain, sa transpiration insensible augmente au point d’en être quarante fois plus abondante que dans l’état naturel, comme M. Lemonnier l’a déterminé par des expériences faites aux bains de Barêge, & rapportées dans les Mémoires de l’académie des Sciences de l’année 1717, Hist. pag. 77. 78. Le malade ayant resté suffisamment dans le bain, en l’en retire en le couvrant d’un drap de lit bien chaud, & on le transporte ainsi enveloppé dans un lit qu’on a également eu soin de bien bassiner ; on l’y laisse pendant une heure & demie ou plus, durant lequel tems il est ordinaire que le malade sue très-copieusement ; si pour-lors on lui tâte le pouls, on le trouve encore fébrile, mais il perd insensiblement de sa fréquence & de sa force, & on observe qu’il ne revient à son état naturel qu’après quelques heures.

L’usage de ces bains, tant du tempéré que du chaud, échauffe très-puissamment, & cet effet est quelquefois d’assez longue durée pour se faire sentir, même quelque tems après qu’on a cesse de les prendre ; ainsi par exemple, il cause l’hémophtisie aux uns, donne la fievre continue aux autres, renouvelle le paroxysme chez les asthmatiques & les personnes attaquées de strangurie, &c. Il est même d’une observation journaliere à l’égard des femmes, que l’usage de ces bains avance le retour des mois.

Sur cet exposé des divers inconvéniens qui peuvent résulter de l’administration des bains de Balaruc, il paroit qu’il est bien aisé d’établir des regles & des précautions pour la sureté des malades à qui on ordonne ce remede, & d’imaginer les secours qu’on doit apporter à ceux qui s’en trouvent incommodés. Il peut donc être utile, ainsi que nous l’avons déjà dit, de faire saigner le malade avant qu’il se transporte aux bains, ou bien de le préparer pendant neuf ou douze jours par des remedes adoucissans & rafraichissans, qu’il pourra même continuer durant l’usage des bains, pour peu qu’il soit d’un tempérament facile à émouvoir, ou comme on dit, d’un tempérament bilieux, sec, &c. Il peut être également bien de purger les premieres voies, & c’est ce qu’on obtiendra très-efficacement par la boisson de ces eaux continuée pendant trois jours avant d’en venir aux bains.

On ne prend le bain qu’une seule fois par jour, & c’est toujours le matin, comme nous l’avons remarqué, qu’il convient de se baigner.

On ordonne rarement plus de trois ou quatre bains des eaux de Balaruc à prendre dans la source même. Les bains d’eaux minérales plus douces ne s’ordonnent pas au-delà du nombre de six ; le plus