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signification vient de ce que quand quelqu’un veut nous parler, & que nous parlons toujours nous-mêmes, nous ne lui donnons pas le tems de s’expliquer : écoutez-moi, nous dit il, eh bien je vous cede, je vous écoute, pariez : cedo, dic. Quand on veut nous donner quelque chose, nous refusons souvent par civilité ; on nous presse d’accepter, & enfin nous répondons je vous cede, je vous obéis, je me rends, donnez ; cedo, da : cedo qui est le plus poli de ces deux mots, est demeuré tout seul dans le langage ordinaire, sans être suivi de dic ou de da, qu’on supprime par ellipse : cedo signifie alors ou l’un ou l’autre de ces deux mots, selon le sens ; c’est ce qui précéde pour ce qui suit : & voilà pourquoi on dit également cedo, soit qu’on parle à une seule personne ou à plusieurs ; car tout l’usage de ce mot, dit un ancien grammairien, c’est de demander pour soi : cedo, sibi poscit & est immobile. Corn. Fronto, apud autores L. L. pag. 1335. verbo CEDO.

On rapporte de même à la métalepse ces façons de parler, il oublie les bienfaits, c’est-à-dire, il n’est pas reconnoissant : souvenez-vous de notre convention, c’est-à-dire, observez notre convention : Seigneur, ne vous ressouvenez point de nos fautes, c’est-à-dire, ne nous en punissez point, accordez-nous en le pardon : je ne vous connois pas, c’est-à-dire, je ne fais aucun cas de vous, je vous méprise, vous êtes à mon égard comme n’étant point : quem omnes mortales ignorant & ludificant. Plaut. Amphi. act. IV. se. iij. 13.

Il a été, il a vécu, veut dire souvent il est mort ; c’est l’antécédent pour le conséquent. C’en est fait, madame, & j’ai vécu. (Rac. Mithrid. act. V. sc. deiniere.), c’est-à-dire, je me meurs.

Un mort est regretté par les amis, ils voudroient qu’il fût encore en vie, ils souhaitent celui qu’ils ont perdu, ils le desirent : ce sentiment suppose la mort, ou du moins l’absence de la personne qu’on regrette. Ainsi la mort, la perte, ou l’absence sont l’antécédent, & le desir, le regret sont le conséquent. Or en latin désiderari, être souhaité, se prend pour être mort, être perdu, être absent ; c’est le conséquent pour l’antécédent, c’est une métalepse. Ex parte Alexandri triginta omninò & duo, on selon d’autres, trecenti on ninò, ex peditibus desiderati sunt (Q. Curt. III. 11. in fin.) ; du côté d’Alexandre il n’y eut en tout que trois cent fantassins de tués, Alexandre ne perdit que trois cent hommes d’infanterie. Nulla navis desiderabatur (Coes.), aucun vaisseau n’étoit desiré, c’est-à-dire aucun vaisseau ne périt, il n’y eut aucun vaisseau de perdu. Je vous avois promis que je ne serois que cinq ou six jours à la campagne, dit Horace à Mécénas, & cependant j’y ai déjà passé tout le mois d’Août. Epit. I vij.

Quinque dies tibi pollicitus me rure futurum,
Sextilem totum, mencax, desideror :

où vous voyez que deideror veut dire, par métalepse, je suis absent de Rome, je me tiens à la campagne.

Par la même figure, desiderari signifie encore deficere, manquer, être tel que les autres aient besoin de nous. Cornélius Népos, Epam. 7, dit que les Thébains, par des intrigues particulieres, n’ayant point mis Epaminondas à la tête de leur armée, reconnurent bientôt le besoin qu’ils avoient de son habileté dans l’art militaire : desirari coepta est Epaminondæ diligentia. Il dit encore, (ibid. 5.) que Ménéclide jaloux de la gloire d’Epaminondas, exhortoit continuellement les Thébains à la paix, afin qu’ils ne sentissent point le besoin qu’ils avoient de ce général : hortari solebat

Thebanos ut pacem bello anteferrent, ne illius imperatoris opera desideraretur.

La métalepse se fait donc lorsqu’on passe, comme par degrés, d’une signification à une autre : par exemple, quand Virgile a dit, Eclog. I. 70.

Postaliquot, mea regna, videns mirabor aristas :

après quelques épis, c’est à-dire, après quelques années : les épis supposent le tems de la moisson, le tems de la moisson suppose l’été, & l’été suppose la révolution de l’année. Les Poëtes prennent les hivers, les étés, les moissons, les automnes, & tout ce qui n’arrive qu’une fois en une année, pour l’année même. Nous disons dans le discours ordinaire, c’est un vin de quatre feuilles, pour dire c’est un vin de quatre ans ; & dans les coutumes (cout. de Loudun. tit. xiv. art. 3.) on trouve bois de quatre feuilles, c’est à-dire, bois de quatre années.

Ainsi le nom des différentes opérations de l’Agriculture se prend pour le tems de ces opérations, c’est le conséquent pour l’antécédent ; la moisson se prend pour le tems de la moissen, la vendange pour le tems de la vendange ; il est mort pendant la moisson, c’est-à-dire, dans le tems de la moisson. La moisson se fait ordinairement dans le mois d’Août, ainsi par métonymie ou métalepse, on appelle la moisson l’Août, qu’on prononce l’oû ; alors le tems dans lequel une chose se fait se prend pour la chose même, & toujours à cause de la liaison que les idées accessoires ont entre elles.

On rapporte aussi à cette figure, ces façons de parler des Poëtes, par lesquelles ils prennent l’antécédent pour le conséquent, lorsqu’au lieu d’une description, ils nous mettent devant les yeux le fait que la description suppose. O Ménalque ! si nous vous perdions, dit Virgile, Eclog. IV. 19. qui émailleroit la terre de fleurs ? qui feroit couler les fontaines sous une ombre verdoyante ? Quis humum florentibus herbis spargeret, aut viridi fontes induceret umbrâ ? c’est-à-dire, qui chanteroit la terre émaillée de fleurs ? qui nous en feroit des descriptions aussi vives & aussi riantes que celles que vous en faites ? qui nous peindroit, comme vous, ces ruisseaux qui coulent sous une ombre verte ?

Le même poëte a dit, Ecl. VI. 6. que Silene enveloppa chacune des sœurs de Phaëton avec une écorce amere, & fit sortir de terre de grands peupliers : Tum Phaétontiadas musco cereumdat amaræ corticis, atque solo proceras erigit alnos ; c’est-à-dire, que Silene chanta d’une maniere si vive la métamorphose des sœurs de Phaéton en peupliers, qu’on croit voir ce changement. Ces façons de parler peuvent aussi être rapportées à l’hypothipose ». [Elles ne sont pas l’hypotipose ; mais elles lui prêtent leur secours]. (B. E. R. M.)

MÉTALLÉITÉ, s. f. (Chimie.) ce mot s’emploie quelquefois pour désigner l’état des metaux lorsqu’ils ont la forme, la ductilité, la pesanteur, l’éclat & les autres propriétés qui les caractérisent ; & alors le mot de métalléité distingue cet état de celui où sont les métaux quand ils sont privés de ces propriétés, c’est-à-dire, quand ils sont dans l’état de chaux, ou dans l’état de mine. Voyez Métaux, Mines, Minéralisation. (—)

MÉTALLIQUE, (Chimie.) ce mot s’emploie comme substantif, ou comme adjectif : comme substantif, on s’en sert quelquefois pour désigner la partie de la Chimie qui s’occupe des travaux sur les métaux : alors c’est un synonime de métallurgie : c’est ainsi que l’on dit, Agricola a écrit un traité de métallique. Voyez Métallurgie. Comme adjectif, le mot métallique se joint au nom d’une substance de la nature des métaux ; c’est ainsi qu’on dit les substances métalliques, les mines métalliques,