Mesure, regle originairement arbitraire, & ensuite devenue fixe dans les différentes sociétés, pour marquer soit la durée du tems, soit la longueur des chemins, soit la quantité des denrées ou marchandises dans le commerce. De-là on peut distinguer trois sortes de mesures : celle du tems, celle des lieux, celle du commerce.
La mesure du tems chez tous les peuples a été assez communément déterminée par la durée de la révolution que la terre fait autour de son axe, & de là les jours ; par celle que la lune emploie à tourner autour de la terre, d’où l’on a compté par lunes ou par mois lunaires ; par celle où le soleil paroît dans un des signes du zodiaque, & ce sont les mois solaires ; & enfin par le tems qu’emploie la terre à tourner autour du soleil, ce qui fait l’année. Et pour fixer ou reconnoître le nombre des années, on a imaginé d’espace en espace des points fixes dans la durée des tems marqués par de grands événemens, & c’est ce qu’on a nommé époque.
La mesure des distances d’un lieu à un autre est l’espace qu’on parcourt d’un point donné à un autre point donné, & ainsi de suite, pour marquer la longueur des chemins. Les principales mesures des anciens, & les plus connues, étoient chez les Grecs, le stade ; chez les Perses, la parasangue ; en Egypte, le schoene ; le mille parmi les Romains, & la lieue chez les anciens Gaulois. Voyez tous ces mots sous leur titre pour connoître la proportion de ces mesures avec celles d’aujourd’hui.
Les Romains avoient encore d’autres mesures pour fixer la quantité de terres ou d’héritages appartenans à chaque particulier. Les plus connues sont la perche, le climat, le petit acte, l’acte quarré ou grand acte, le jugere, le verse & l’érédie. Voyez Perche, Climat, Acte, &c.
A l’égard des mesures des denrées, soit seches, soit liquides, elles varioient selon les pays. Celles des Egyptiens étoient l’artaba, l’aporrhima, le saytès, l’oephis, l’ionium ; celles des Hébreux étoient le corc, le hin, l’epha, le sat, ou satum, l’homer & le cab. Les Perses avoient l’achane, l’artaba, la capithe. Chez les Grecs on mesuroit par medimnes, chenices, septiers, oxibaphes, cotyles, cyathes, cueillerées, &c. A Rome on connoissoit le culeus, l’amphore, le conge, le septier, l’emine, le quartarius, l’acetabule & le cyathe, sous lequel étoient encore d’autres petites mesures en très-grand nombre. Voyez au nom de chacune ce qu’elle contenoit.
Mesure, (Poésie latine.) une mesure est un espace qui contient un ou plusieurs tems. L’étendue du tems est d’une fixation arbitraire. Si un tems est l’espace dans lequel on prononce une syllabe longue, un demi-tems sera pour la syllabe breve. De ces tems & de ces demi-tems sont composées les mesures ; de ces mesures sont composés les vers ; & enfin de ceux-ci sont composés les poëmes. Pié & mesure sont ordinairement la même chose.
Les principales mesures qui composent les vers grecs & latins, sont de deux ou de trois syllabes ; de deux syllabes qui sont ou longues, comme le spondée qu’on marque ainsi ¯ ¯ ; ou breves, comme le pyrrique ˘ ˘ ; ou breve l’une & l’autre longue, comme l’iambe ˘ ¯ ; ou l’une longue & l’autre breve, comme le trochée ¯ ˘. Celles de trois syllabes sont le dactyle ¯ ˘ ˘, l’anapeste ˘ ˘ ¯ , le tribraque ˘ ˘ ˘, le molosse ¯ ¯ ¯.
Des différentes combinaisons de ces piés, & de leur nombre, se sont formées différentes especes de vers chez les anciens.
1°. L’hexametre ou héroïque qui a six mesures.
2°. Le pentametre qui en a cinq.
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Principi-is obs-ta : se-rò medi-cina pa-ratur, |
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Cùm mala-per lon-gas invalu-êre moras. |
3°. L’iambique, dont il y a trois especes ; le diametre qui a quatre mesures qui se battent en deux fois, le trimetre qui en a six, le tétrametre qui en a huit.
4°. Les lyriques qui se chantoient sur la lyre ; telles sont les odes de Sapho, d’Alcée, d’Anacréon, d’Horace. Toutes ces sortes de vers ont non-seulement le nombre de leurs piés fixé, mais encore le genre de piés déterminé. Principes de Littér. tome I. (D. J.)
Mesure, s. f. est en Musique une maniere de diviser la durée ou le tems en plusieurs parties égales. Chacune de ces parties s’appelle aussi mesure, & se subdivise en d’autres aliquotes qu’on appelle tems, & qui se marquent par des mouvemens égaux de la main ou du pié. Voyez. La durée égale de chaque tems & de chaque mesure est remplie par une ou plusieurs notes qui passent plus ou moins vite en proportion inverse de leur nombre, & auxquelles on donne diverses figures pour marquer leur différente durée. Voyez Valeur des notes. Dans la danse on appelle cadence la même chose qu’en musique on appelle mesure. Voyez Cadence.
Bien des gens considérant le progrès de notre Musique, pensent que la mesure est de nouvelle invention ; mais il faudroit n’avoir aucune connoissance de l’antiquité pour se persuader cela. Non seulement les anciens pratiquoient la mesure ou le rythme, mais ils nous ont même laissé les regles qu’ils avoient établies pour cette partie. Voyez Rhythme. En effet, pour peu qu’on y réfléchisse, on verra que le chant ne consiste pas seulement dans l’intonation, mais aussi dans la mesure, & que l’un n’étant pas moins naturel que l’autre, l’invention de ces deux choses n’a pas dû se faire en des tems fort éloignés.
La barbarie dans laquelle retomberent toutes les sciences, après la destruction de l’empire romain, épargna d’autant moins la Musique, que les Latins ne l’avoient jamais extrèmement cultivée ; & l’état d’imperfection où la laissa Guy d’Arezzo qui passe pour en être le restaurateur, nous fait assez juger de celui où il auroit dû la trouver.
Il n’est pas bien étonnant que le rhythme, qui servoit à exprimer la mesure de la poésie, fût fort négligé dans des tems où l’on ne chantoit presque que de la prose. Les peuples ne connoissoient guere alors d’autres divertissemens que les cérémonies de l’église, ni d’autre musique que celle de l’office ; & comme cette musique n’exigeoit pas ordinairement la régularité du rhythme, cette partie fut bientôt presque entierement oubliée. On nous dit que Guy nota sa musique avec des points ; ces points n’exprimoient donc pas des quantités différentes, & l’invention des notes de différentes valeurs fut certainement postérieure à ce fameux musicien. Tout au plus peut-on supposer que dans le chant de l’église il y avoit quelque signe pour distinguer les syllabes breves ou longues, & les notes correspondantes, seulement par rapport à la prosodie.
On attribue communément cette invention des diverses valeurs des notes à Jean des Murs, chanoine de Paris, vers l’an 1330. Cependant le P. Mersenne, qui avoit lu les ouvrages de cet auteur, assure n’y avoir rien trouvé qui pût confirmer cette opinion. Et en effet, si d’un côté l’usage de la mesure paroît postérieur à ce tems, il paroît certain d’autre part, que l’usage des notes de différentes valeurs étoit antérieur à ce même tems ; ce qui n’offre pas de petites difficultés sur la maniere dont pouvoient se mesurer ces valeurs. Quoi qu’il en