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ment moins d’animaux, lorsqu’il fait route lentement que lorsqu’il va vîte ; comment ces animaux, étant dans un vase avec de l’eau de mer, ou sur un mouchoir d’un tissu serré, bien étendu, & imbibé de cette eau, ne luiroient pour l’ordinaire que lorsqu’on agite cette eau, ou lorsqu’on frappe le mouchoir. M. Wallerius, dans ses notes sur Hierne, t. I. p. 80, a opposé depuis les mêmes raisons contre le sentiment de M. Vianelli. M. le Roi assure que si on coule de l’eau de mer au-travers d’un cornet de papier, l’eau qui a passé ne donne plus d’étincelles. Il ajoute, qu’en regardant avec une loupe très-forte les étincelles, qu’on voyoit paroître dans l’obscurité sur les cornets par lesquels il avoit coulé de l’eau de mer, il n’a jamais pû découvrir sur ces papiers aucun corps qui approchât de l’animal décrit par M. Vianelli.

M. le commandeur Godehen a donné dans le même volume des Mémoires présentés à l’académie des Sciences, la figure & la description d’insectes lumineux qui laissent échaper une liqueur huileuse qui surnage l’eau de la mer, & qui répand une lumiere vive & azurée. On peut aussi consulter les amoenitates de Linnæus, volume troisieme, p. 202. de noctilucâ marinâ. Mais il semble que ces insectes ne peuvent servir qu’à expliquer pourquoi la mer est beaucoup plus lumineuse en certains endroits, comme aux environs des îles Maldives & de la côte de Malabar ; & que les observations de M. le Roi que nous allons rapporter peuvent seules fournir la cause générale du phénomene.

L’eau de la mer, exposée à l’air libre, perd en un jour ou deux la propriété de produire des étincelles, & même en un moment, si on la met sur le feu, quoique sans la faire bouillir. Cette propriété de l’eau de la mer se conserve un peu plus long tems dans des vaisseaux fermés. Dans certains jours l’eau de la mer produit beaucoup plus d’étincelles qu’à l’ordinaire, & dans d’autres tems elle en donne à peine quelques-unes.

En mélant dans l’obscurité un peu d’esprit de vin avec de l’eau récemment tirée de la mer, & contenue dans une bouteille, M. le Roi a observé que ce mélange produit des étincelles en plus grand nombre, & qui durent d’ordinaire plus long tems que lorsqu’elles sont produites seulement par l’agitation. On produit aussi des étincelles par le mélange d’un grand nombre d’autres liqueurs acides, alkalines, & autres avec l’eau de mer ; mais aucune de ces liqueurs n’en fait paroître autant que l’esprit de vin. Après les étincelles qui sont excitées par ces mélanges, on ne peut plus en exciter de nouvelles d’aucune maniere.

M. le Roi conclut de ces expériences intéressantes, que le phénomene général qu’on peut observer dans toutes les saisons, & vraissemblablement dans tous les pays, doit être attribué à une matiere phosphorique qui brûle & se détruit lorsqu’elle donne de la lumiere, & qui par conséquent se consume & se régénere continuellement dans la mer ; que cette matiere qui se porte naturellement à la surface de l’eau, est de telle nature que le contact d’un très grand nombre de liqueurs la fait déflagrer, mais qu’elle ne fait déflagrer que les parties de cette matiere ; enfin, que cette matiere ne passant pas à-travers le filtre, il est clair qu’elle n’est que suspendue dans l’eau de la mer, & qu’elle est par conséquent d’une nature huileuse ou bitumineuse.

On se persuadera encore davantage que la qualité lumineuse des eaux de la mer est attaché à leur bitume, si l’on fait attention à ce que le pere Bourzeis (Lettres édifiantes, volume V.) dit avoir observé, que dans quelques endroits de l’Océan l’eau étoit si onctueuse qu’en y trempant un linge on le retiroit tout gluant, & qu’en l’agitant rapidement dans cette eau

il jettoit un grand éclat. Il remarque aussi, que le vaisseau traçoit après lui un sillon d’autant plus lumineux que cette eau étoit plus grasse. Enfin, il paroît que l’esprit de vin n’est si propre à extraire la substance phosphorique des eaux de la mer, que parce que l’acide du bitume de ces eaux est très développé.

Mer, (Marine.) ce mot s’emploie dans plusieurs sens par les marins : voici les principales expressions.

Mettre à la mer, c’est un vaisseau qui part & commence sa route.

Mettre un vaisseau à la mer, ou le mettre à l’eau, c’est-à-dire ôter le vaisseau de dessus les chantiers & le mettre à flot. Voyez Lancer.

Mettre une escadre à la mer, c’est la sortir du port.

Mettre la chaloupe à la mer, c’est ôter la chaloupe de dessus le tillac & la mettre dans l’eau.

Tenir la mer, c’est continuer sa navigation ou croisiere sans entrer dans les ports ou rades.

Tirer à la mer, ou porter le cap à la mer, c’est se mettre au large en s’éloignant de la terre.

La mer est courte, c’est-à-dire que les vagues de la mer se suivent de près les unes des autres.

La mer est longue, c’est-à-dire que les vagues de la mer se suivent de loin & lentement.

La mer brise, c’est lorsqu’elle bouillonne en frappant contre quelques rochers ou contre la terre.

La mer mugit, c’est lorsqu’elle est agitée & qu’elle fait grand bruit.

La mer blanchit ou moutonne, c’est-à-dire que l’écume des lames paroît blanche, de sorte que les vagues paroissent comme des moutons, ce qui arrive quand il y a beaucoup de mer poussée par un vent frais.

La mer étale, c’est lorsqu’elle ne fait aucun mouvement ni pour monter ni pour descendre.

La mer rapporte, c’est-à-dire que la grande marée recommence.

La mer va chercher le vent, c’est-à-dire que le vent souffle du côté où va la mer.

Mer va contre le vent, ce qui arrive lorsque le vent change subitement après une tempête.

La mer se creuse, c’est-à-dire que les vagues deviennent plus grosses & s’élevent davantage, que la mer s’enfle & s’irrite.

La mer a perdu, c’est-à-dire qu’elle a baissé.

Il y a de la mer, c’est-à-dire que la mer est un peu agitée.

Il n’y a plus de mer, c’est-à-dire que la mer est calme, ou qu’après qu’elle a été agitée elle s’adoucit ou se calme à cause que le vent a cessé.

Grosse mer, c’est l’agitation extraordinaire de la mer par les lames.

La mer nous mange, être mangé par la mer, c’est à-dire que la mer étant extrèmement agitée, entre par les hauts dans le navire, soit étant à l’ancre, soit étant sans voiles.

Mer d’airain, (Critique sacrée.) grande cuve que Salomon fit faire dans le temple, pour servir aux prêtres à se purifier avant & après les sacrifices. Ce vase étoit de forme ronde ; il avoit cinq coudées de profondeur, dix de diametre d’un bord à l’autre, & environ trente de circonférence. Le bord étoit orné d’un cordon, embelli de pommes & de boulettes, & de têtes de bœufs en demi-relief. Il portoit sur un pié qui formoit comme une grosse colomne creuse appuyée sur douze bœufs disposés en quatre groupes, trois à trois, & laissant quatre passages pour aller tirer l’eau par des robinets attachés au piés du vase ; ij. Rois 16, 17, 2 ; Par. 4. (D. J.)

Mer, (Mythol.) non-seulement la mer avoit des divinités qui présidoient à ses eaux, mais elle étoit elle-même une grande divinité personnifiée sous le nom d’Océan, auquel on faisoit de fréquentes liba-