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les villes greques, par les tribuns à Rome & par les décurions dans les colonies.

Les faits qu’on vient de rapporter sont reconnus de tous les savans, mais il leur est très-difficile de découvrir les motifs qui ont engagé les Romains à contremarquer ainsi quelques-unes de leurs pieces de monnoie. L’opinion la plus généralement adoptée par les Antiquaires, est que les contremarques ont été introduites pour produire, dans des occasions passageres, une augmentation de valeur de monnoie dans le commerce, sans en augmenter la matiere. Mais pourquoi ne voyons-nous point de contremarques sur les médailles consulaires ? Pourquoi sous les empereurs romains trouve-t-on si peu de médailles contremarquées en comparaison de celles qui ne le sont pas, quoique du même prince, du même type & du même coin ? Pourquoi les seules médailles de bronze ont-elles été sujettes à la contremarque, puisque celle sur l’or & sur l’argent auroient donné tout-d’un-coup un profit cent fois plus considérable que sur le bronze ? Enfin pourquoi n’a-t-on pas mis des contremarques indifféremment sur toutes les monnoies du même tems ? Je conviens que les contremarques de médailles des villes greques ayant été faites avec soin & appliquées indifféremment sur toutes les especes courantes, peuvent avoir servi à indiquer une augmentation de valeur dans le commerce ; mais il n’en est pas de même des contremarques des médailles romaines qui n’ont été placées que sur le bronze, & qu’il auroit été facile de contrefaire, si la chose en eût valu la peine. Toutes ces raisons ont fait conjecturer à M. de Boze que les pieces contremarquées ne servoient que comme de mereaux, qu’on distribuoit aux ouvriers employés à des travaux publics, civils ou militaires. Ce système à la vérité est très-ingénieux, mais je doute qu’il puisse seul résoudre toutes les difficultés. Concluons qu’il faut mettre les médailles contremarquées au nombre des énigmes numismatiques qui ne sont pas encore devinées. (D. J.)

Médaille rare, (Art numismat.) toute médaille qui ne se trouve que dans quelques cabinets de curieux, a le nom de médaille rare. On a indiqué au mot médaille les ouvrages qui les font connoître. Je me borne donc à quelques remarques.

Certaines médailles sont rares dans un pays, & sont communes dans l’autre. Tels sont les posthumes dont la France est pleine, & dont on trouve fort peu en Italie : tels les Ælius de grand bronze, qui passent pour rares en Italie, & dont nous avons quantité en France. Ces connoissances sont nécessaires pour faire des échanges.

Ce n’est ni le métal, ni le volume qui rend les médailles précieuses, mais la rareté ou de la tête, ou du revers, ou de la légende. Telle médaille en or est commune, qui sera très-rare en bronze. Telle sera très-rare en argent, qui sera commune en bronze & en or. Tel revers sera commun, dont la tête sera unique. Telle tête sera commune, dont le revers étant très-rare, rendra la médaille d’un fort grand prix. Il seroit inutile d’en mettre ici des exemples. M. Vaillant, dans son dernier ouvrage, en a fait un détail si exact, qu’il n’a rien laissé à desirer pour l’instruction parfaite des curieux.

Il y a des médailles qui ne sont rares que dans certaines suites, & qui sont fort communes dans les autres. Quelques-unes sont rares dans toutes les suites, & jamais dans les autres. Par exemple, on n’a point d’Antonia pour la suite du grand bronze ; il faut nécessairement se servir de celle du moyen bronze. Au contraire on n’a point d’Agrippine, femme de Germanicus, en moyen bronze, mais seulement en grand. L’Othon est rare dans toutes les suites de bronze ; il est commun dans celles d’argent. L’Auguste est commun dans toutes les suites : l’on n’a

point pour la suite d’or ni Pauline, ni Tranquilline, ni Mariniana, ni Corn. Supera. On les trouve en bronze & en argent. Les colonies sont communes dans le moyen bronze, elles sont rares dans le grand ; tout cela s’apprend encore chez M. Vaillant, qui s’est donné la peine de marquer le degré de rareté sur chaque médaille en particulier.

Il en est des médailles comme des tableaux, des diamans & de semblables curiosités ; quand elles passent un certain prix, elles n’en ont plus que celui que leur donnent l’envie & les facultés des acquéreurs. Ainsi quand une médaille passe dix ou douze pistoles, elle vaut tout ce qu’on veut. Ainsi la seule curiosité du rare fait monter les Othons de grand bronze à un prix considérable ; & l’on croit que ceux de moyen bronze ne sont point trop chers, quand ils ne coutent que trente ou quarante pistoles. On met presque le même prix aux Gordiens d’Afrique grecs, quoique de fabrique égyptienne, parce qu’on en a de ceux-là en moyen bronze. Les médailles uniques n’ont point de prix limité. Voyez Médaille unique.

Quand il y a plusieurs têtes sur le même côté de la médaille, elle en devient plus rare & plus curieuse, soit que les têtes soient affrontées, c’est-à-dire qu’elles se regardent comme celles de M. Aurele & de Vérus, de Macrin & de Diaduménien, & autres semblables ; soit qu’elles soient accollées comme Néron & Agrippine, Marc-Antoine & Cléopâtre, &c. La médaille devient encore plus précieuse quand on y voit trois têtes, au lieu de deux, comme celles de Valerien avec ses deux fils, Gallien & Valerien le jeune ; celle d’Otacille avec son mari & son fils, &c.

Pour le prix de médailles, il n’est pas aisé de rien décider, puisqu’à proprement parler, il ne dépend que de la disposition du vendeur & de l’acquéreur : car cette curiosité est toute noble, & c’est la passion des honnêtes gens ; un acheteur passionné ne considere pas le prix excessif d’une médaille qu’il trouvera rare, belle, bien conservée, & nécessaire pour une de ses suites : cela dépend aussi de l’honnêteté du vendeur, qui quelquefois préfere à son intérêt la satisfaction d’obliger un galant homme, ravi de l’accommoder d’une médaille qu’il desire. (D. J.)

Médaille restituée, (Art numismat.) on appelle proprement médailles restituées ou de restitution les médailles, soit consulaires, soit impériales, sur lesquelles outre le type & la légende qu’elles ont eu dans la premiere fabrication, on voit de plus le nom de l’empereur qui les a fait frapper une seconde fois, suivi du mot Restituit entier, ou abrégé, Rest.

Telle est la médaille de moyen bronze, où autour de la tête d’Auguste rayonnant on lit : Divus Augustus Pater ; au revers est un globe avec un gouvernail, & pour légende Imp. T. Vesp. Aug. Rest. Telle est encore cette médaille d’argent de la famille Rubria, qui représente d’un côté la tête de la concorde voilée, avec le mot abrégé Dos. c’est-à-dire Dossennus ; au revers un quadrige, sur lequel est une victoire qui tient une couronne au-dessous, L. Rurri, & autour, Imp. Coes. Trajan. Aug. Ger. Dac. P. P. Rest.

Il y a d’autres médailles à qui on donne improprement le nom de restituées, qui semble en être le caractere distinctif. Telles les médailles frappées sous Gallien, pour renouveller la mémoire de la consécration de plusieurs de ses prédécesseurs. Voyez Médailles de consécration.

Mais on ne peut en aucun sens donner le nom de médailles restituées à celles qu’Auguste, Tibere, Caligula, Claude & Néron ont fait frapper avec les noms & la tête de Jules César, d’Auguste, de Livie,