Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 10.djvu/20

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quel sort le pistil qui est attaché à la partie inférieure de la fleur comme un clou, & qui devient dans la suite un fruit charnu en forme de poire renversée, d’où il sort une semence ressemblant à un fuseau. La tête de cette semence est renfermée dans le fruit & couverte d’une coëffe charnue. Plumier, nova plant. amer. gen. Voyez Plante.

C’est un arbre très-commun sur les rivages de la mer située sous la zone torride, principalement le long des côtes de la nouvelle Espagne en Amérique & aux îles Antilles. On en compte de trois sortes ; savoir le blanc, le rouge & le noir, qu’on nomme aussi palétuvier ; c’est de ce dernier dont on parlera, les deux autres pouvant être regardés comme des especes différentes, tant par la figure que par la qualité de leur bois, & même par leurs propriétés. Voyez les articles Mahots & Raisinier.

Le mangle ou palétuvier ne croît jamais que dans les marécages du bord de la mer, & presque toujours vers l’embouchure des rivieres. Ses feuilles sont oblongues, fort unies, lisses & d’un verd gai ; son bois est dur, pesant, assez liant, ayant les fibres longues & serrées : il est rare de le trouver roulé ou vicié. Sa couleur est d’un brun un peu rougeâtre : le grain en est fin & fort égal. Cet arbre ne s’éleve guère au-dessus de 25 piés, & son diametre n’excede pas ordinairement 15 à 20 pouces ; il est couvert d’une peau médiocrement épaisse, très-unie, souple & d’une couleur grise tirant sur le brun ; ses branches sont flexibles ; elles s’étendent autour de l’arbre & poussent une multitude de jets assez droits, se dirigeant vers le bas en continuant de croître jusqu’à ce qu’ils aient atteint le fond de la mer ou du marais, où ils produisent un grand nombre de grosses racines qui s’élevent de plusieurs piés au-dessus de la surface de l’eau, s’entremêlent les unes dans les autres, se recourbent en arc vers le fond, & poussent de nouvelles tiges & de nouveaux jets qui par succession de tems continuent ainsi à se provigner de telle sorte, qu’un seul arbre forme une espece de forêt fort épaisse qui s’étend quelquefois à cinq & six cens pas dans la mer : ces endroits sont toujours remplis d’une prodigieuse quantité de bigailles, c’est ainsi que les habitans du pays nomment en général toutes les différentes especes de petites mouches parasites qui rendent le voisinage des manglards & des mahotieres presqu’inhabitable. Voyez Maringoin, Varreux & Moustiques.

Les racines & les branches qui baignent dans la mer sont chargées d’une multitude innombrable de petites huîtres vertes qui n’excedent guère la grandeur des moules ordinaires : leurs écailles sont baroques, inégales, difficiles à ouvrir, mais l’intérieur est très-délicat & d’un goût exquis.

Quoique le mangle ne vienne jamais bien gros, son bois pourroit cependant être employé à différens ouvrages ; il est franc, sans nœuds ni gerçures ; il se travaille très-bien sans s’éclater, & il se conserve dans l’eau. On en fait quelquefois des courbes & des membrures pour des petites barques & des canots. M. le Romain.

MANGONNEAU, s. m. (Art milit.) vieux mot qui se disoit autrefois des traits & des pierres qui se jettoient dans les villes assiégées par le moyen des balistes & des catapultes, avant l’invention de la poudre. Ce mot s’appliquoit tant à la machine qu’aux pierres qui étoient lancées par son moyen.

« On voit, dit le P. Daniel, dans l’histoire de la milice françoise, les mangonneaux mis en usage sur la fin du regne de Charles V. cinquante ans après qu’on eut commencé à se servir du canon en France. On les voit encore bien avant dans le regne de Charles VI. où avec les bombardes ou canons, il est fait mention de ces autres machines sous le nom

d’engins. Les engins & bombardes, dit Jean Juvenal des Ursins en parlant du siége de Ham que le sire Bernard d’Albret défendoit contre Jean duc de Bourgogne, furent assis & tiroient bien chaudement. On jettoit, dit-il plus bas, dans la ville de Bourges, par le moyen des engins, grosses pierres qui faisoient beaucoup de mal aux habitans ».

MANGOREIRA, s. m. (Hist. nat. Bot.) arbrisseau des Indes orientales qui ne se trouve que dans l’Indoustan. C’est une espece de jassemin dont les fleurs sont blanches, on les nomme mangorins : leur odeur est plus douce que celle du jassemin, qui d’ailleurs n’a que six feuilles, tandis que les mangorins en ont plus de cinquante.

MANGOUSTAN, s. m. (Bot. exot.) arbre pomifere des îles Moluques, mais qu’on a transporté dans celle de Java, & dont on cultive aussi quelques piés à Malacca, à Siam, aux Manilles & ailleurs. Il a la touffe si belle, si réguliere, si égale, qu’on le regarde actuellement à Batavia comme le plus propre à décorer un jardin. Il est vraissemblable que s’il pouvoit vivre dans nos climats, il ne tarderoit pas à y paroître & à y détrôner les maronniers d’inde : son succès seroit presqu’assuré par la seule bonté de son fruit, qui est agréable, sain, humectant & rafraîchissant ; enfin son écorce a les mêmes vertus que celle de la grenade : elle est très-resserrante, & l’on pourroit l’employer à tanner les cuirs. Tout concourt donc à rendre ici quelques honneurs à cet arbre étranger, en le décrivant de notre mieux.

C’est un arbre grand, gros, touffu & branchu ; ses feuilles sont longues de six à sept pouces, larges de deux, d’un beau verd ; elles sont coupées par diverses nervures, dont les unes font un double rang, qui partant de la queue vont par les bords se réunir à la pointe, tandis que d’autres se rendent du milieu aux extrémités.

La fleur est composée de quatre petits pétales verds assez épais, & arrondis par l’extrémité : ils ne tombent point ; mais quand ils viennent à s’ouvrir, ils découvrent les premiers rudimens du fruit qui commence à se former, lui restent toujours attachés par le bas, & lui servent comme de soutien.

Ce fruit s’appelle mangoustan ainsi que l’arbre, & même les voyageurs qui ne sont pas botanistes n’entendent que le fruit sous ce nom. Il est parfaitement rond & gros comme une orange ; son écorce est grise & quelquefois d’un verd obscur semblable à celle de la grenade, un peu amere, épaisse d’une ligne, rouge en-dedans, jaspée & sillonnée de filets jaunes. Elle est couronnée de petits rayons qui viennent se rencontrer ensemble & se terminer en pointe.

La chair ou pulpe du fruit est blanche, tendre, assez semblable à celle de l’orange, d’un goût doux fort agréable, & approchant de celui des framboises. Elle est composée de plusieurs lobes qu’on peut séparer les uns des autres comme ceux des oranges, quoiqu’ils ne soient pas enveloppés de pellicules. Il y a autant de lobes que de rayons à la couronne, ordinairement six ou sept.

On trouve dans les gros mangoustans parfaitement mûrs, une amande verte en-dehors & blanche en-dedans, assez insipide, ce qui fait qu’on la rejette ordinairement sans la manger ; mais dans les petits mangoustans qui ne sont pas bien mûrs, cette amande n’est qu’un germe fort tendre qui se mange avec le reste.

Ce fruit est très-estimé, parce qu’il est délicat, agréable au goût, plein de suc, & qu’il raffraîchit. Les européens qui ne sont pas faits à l’odeur du durion, donnent au mangoustan le premier rang parmi les fruits des Indes. On fait de la décoction de son écorce une tisane astringente qu’on prescrit pour arrêter le cours de ventre.