Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 10.djvu/196

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ses abus. Ces personnes poussent les veilles jusques bien avant dans la nuit, se couchent fort tard, goûtent un sommeil peu tranquille, passent beaucoup plus de tems dans le lit que ces paysans, dorment quelquefois davantage ; mais quand elles se levent, inquiettes, fatiguées, nullement ou peu refaites d’un sommeil semblable, elles ne sentent point cette douce fraîcheur du matin, elles n’éprouvent point cette légéreté qu’il semble qu’on prenne alors avec l’air qu’on respire. Voyez en même tems combien leur santé est foible, leur tempérament délicat ; la même inconséquence dans les autres actions de la vie devient la source féconde des maux variés dont elles sont sans cesse attaquées.

On demande en second lieu, si le matin n’est pas le tems le plus propre pour remplir les devoirs conjugaux. Les auteurs, partagés sur cet article, pour ce qui regarde l’homme, assurent que tous les tems sont à-peu près égaux pour la femme, & qu’elle peut vaquer à ce devoir agréable lorsqu’elle veut & dans tous les tems, parce qu’elle desire plus vivement que l’homme, qu’elle perd moins dans l’acte, & qu’elle n’en est pas aussi fatiguée. Comme ces sacrifices trop fréquens épuisent l’homme, & que même lorsqu’ils sont modérés, il en éprouve une lassitude & une espece de langueur, on a prétendu assigner un tems de la journée, qu’on a cru plus propre à l’exercice de cette fonction. Les uns ont pensé que c’étoit quatre ou cinq heures après chaque repas ; d’autres ont voulu qu’on attendît plus long tems ; les uns, comme Hermogène, ont préféré le jour, assurant que la nuit les plaisirs de l’amour sont plus doux, & que le jour ils sont plus salutaires. D’autres ont donné la préférence à la nuit, disant qu’ils sont d’autant moins nuisibles, qu’ils sont plus agréables. Ceux qui croient le soir plus favorable que le matin, se fondent sur ce qu’alors les alimens sont digérés, le corps bien refait, les pertes réparées, & qu’après cela le sommeil peut dissiper la lassitude qui en pourroit résulter ; au-lieu que le matin, disent-ils, l’estomac est rempli de crudités ; c’est le tems du travail, il est à craindre que cet exercice ne diminue l’aptitude à remplir les autres. Ceux enfin qui prétendent que le matin est de tous les tems de la journée celui qu’on doit choisir préférablement à tout autre, disent que le soir les alimens ne sont pas digérés ; ou s’ils le sont, que les sécrétions ne sont pas faites, que la quantité de semence n’est pas augmentée ; au-lieu que le matin la derniere coction, pour parler avec Hippocrate, est achevée, le corps est dans cet état d’égalité qui résulte de l’harmonie & du bien-être de toutes les parties, que le sommeil précédent a rendu le corps agile & dispos ; que le matin, semblable au printems, est plus commode & plus sûr pour la génération ; qu’alors aussi les desirs sont plus vifs ; que c’est une erreur de croire que, quand on se porte bien, l’estomac soit plein de matieres crues & pituiteuses. Et ils soutiennent après Santorius, que les plaisirs du mariage modérés dégagent & rendent légers, loin de fatiguer ; mais qu’au cas qu’on ressentît quelque lassitude, il étoit tout simple de se rendormir un peu. Ils citent l’exemple des paysans vigoureux & robustes, qui font des enfans aussi bien constitués, & qui lassés des travaux de la journée, s’endorment dès qu’ils sont au lit, & ne remplissent leurs devoirs conjugaux que le matin à leur réveil. Enfin, ils n’ont qu’à faire observer que les oiseaux choisissent presque tous ce tems, qu’ils témoignent leurs plaisirs par leur chant, &c. &c. &c. Cette opinion paroit assez vraissemblable & mériteroit d’être adoptée, si dans des affaires de cette nature, il falloit consulter des lois & observer des

regles, & non pas suivre ses desirs & profiter des occasions.

L’influence & les effets du matin sont encore bien plus sensibles dans l’état de maladie où le corps est bien plus impressionable. On observe dans presque toutes les fievres, & pour mieux dire, dans toutes les maladies, que le malade est pour l’ordinaire moins mal le matin que le soir. Presque tous les redoublemens se font le soir, & il n’est pas nécessaire pour les exciter que le malade ait mangé ; car soit qu’il ait fait des excès ou observé la diete la plus exacte, ils n’en reviennent pas moins dans ce tems plus ou moins forts ; la nuit est alors mauvaise, troublée, & le redoublement ne se dissipe que vers le lever du soleil. Alors le malade est plus tranquille, il s’assoupit & se livre à un sommeil, d’autant plus agréable, qu’il a été plus attendu. Voyez Influence des Astres.

La considération de cette tranquillité que procure le matin, à la plus grande partie des maladies, n’est pas une simple spéculation ; elle est d’une grande utilité & d’un usage fréquent dans la pratique. Lorsqu’on a quelque remede à donner & que l’on peut choisir le tems, on préfere le matin ; c’est le tems d’élection de la journée, comme le printems l’est dans l’année ; on ne le manque que lorsque la nécessité pressante oblige d’administrer les secours à toute heure. Le matin est le tems où l’on purge, où l’on fait prendre les apozemes, les opiats, les eaux minérales, &c. C’est aussi celui que le médecin éclairé fait choisir au chirurgien manouvrier pour faire les opérations, quand le mal n’est pas de nature à exiger des secours pressans. En un mot, le matin est le tems d’élection, toutes les heures peuvent être le tems de nécessité. (m)

Matin, (Critiq. sacrée.) ce mot se prend d’abord dans l’Ecriture pour le commencement ou la premiere partie du jour artificiel, qui est distingué en trois, vespere, mane, & meridie, & il se prend en ce premier sens dans ce passage : va tibi, terra, cujus rex puer est, & cujus principes mane comedunt. Eccles. 10, 16, 20. Il se prend aussi pour le jour artificiel tout entier : factumque est vespere & mane dies unus. Genes. 1, 5. Le jour naturel se fit du matin qui est le jour artificiel, & du soir qui se met au commencement, parce qu’il précéda le jour artificiel qui commence par le matin, & se compte du lever du soleil à un autre ; c’est pour cela que les Juifs commençoient leur jour par le soir, à vesperâ in vesperam : ce mot se met souvent pour promptement ; vous m’exaucerez le matin, c’est-à-dire, de bonne heure. Il désigne la diligence avec laquelle on fait quelque chose : le Seigneur dit qu’il s’est levé de grand matin pour inviter son peuple à retourner à lui, mane consurgens conversatus sum, & dixi, audite vocem meam. Jer. 11, 7. (D. J.)

MATINE, (Géog. anc.) Matinum, ville maritime des Salentins sur la mer Ionniene, dans le pays qu’on appelle aujourd’hui la terre d’Otrante. Lucain & Pline parlent des Matini, peuples de la Pouille. Horace distingue matinum littus, matina palus, matina cacumina ; mais tous ces noms paroissent corrompus, il faut lire Bantini, Bantinum, Bantina. (D. J.)

Matines, s. f. hora matutina, officium nocturnum, (Liturg.) c’est le nom que l’on donne vulgairement à la premiere partie de l’office ecclésiastique composé de trois nocturnes, & qu’on récite ou la veille des fêtes, ou à minuit, ou le matin.

Ceux qui ont traité des offices ecclésiastiques fondent la convenance ou la nécessité de cette priere de la nuit sur ces paroles du Psalmiste, mediâ nocte surgebam ad confitendum tibi : & de-là vient l’usage établi dans plusieurs cathédrales, chapitres & commu-