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dans les phrases & dans les pensées. Le sujet est ce qu’on explique par ces mots, par ces phrases & par ces pensées.

Les raisonnemens, les passages de l’Ecriture-sainte, les caracteres des passions & les maximes de morale, sont la matiere des sermons ; les mysteres de la soi & les préceptes de l’Evangile en doivent être le sujet. Synonymes de l’abbé Girard. (D. J.)

Matiere morbifique, (Médec.) on a donné le nom de matiere morbifique à toute humeur étrangere ou altérée, qu’on a cru se mêler au sang, & y devenir le germe, le levain, la cause de quelque maladie. Les maladies excitées par ces humeurs nuisibles, ou déplacées, ont été appellées maladies avec matiere ou humorales. Suivant les théories vulgaires, dès que la matiere morbifique est dans le sang, elle y y produit une altération plus ou moins prompte, selon le degré d’énergie qu’elle a, & différente, selon le vice particulier de l’humeur. Boerhaave a prodigieusement multiplié, diversement combiné, & très méthodiquement classé les prétendus vices des humeurs, de façon à établir pour chaque maladie une matiere morbifique particuliere ; il a cru appercevoir dans le sang & les humeurs qui circulent dans les vaisseaux formés d’un corps organique, les mêmes altérations qui auroient pû leur arriver par différens mélanges, ou par leur dégénération spontanée laissées à elles mêmes & en repos dans des vaisseaux ouverts exposés à l’action de l’air : ainsi il a substitué à l’histoire & à l’évaluation juste des phénomenes de la nature sa propre maniere de les concevoir ; de-là sont venues ces divisions minutieuses & ces classes nombreuses de vices simples & spontanés des humeurs, de viscosité glutineuse spontanée, de diverses acrimonies méchaniques, salines huileuses & savonneuses, & de celles qui résultoient de la differente combinaison des quatre especes ; ces soudivisions ultérieures d’acrimonie saline & muriatique ammoniacale, acide, alkalescente, fixe, volatile, simple ou composée, d’acrimonie huileuse, spiritueuse, saline, terrestre & âcre, &c. Les humoristes modernes ont retenu beaucoup de ces vices ; ils ont prétendu que l’on en observoit toujours quelqu’un dans toutes les maladies, & qu’il n’y en avoit point sans matiere, sans altération propre & primitive des humeurs ; & c’est sur cette idée purement théorique qu’est fondée la regle générale sur l’usage prétendu indispensable des évacuans. Quelques-uns ont jugé que la sueur & la transpiration retenues ou dérangées, fournissoient toujours la matiere morbifique, qui jettoit les premiers fondemens de la maladie ; d’autres en plus grand nombre, ont pensé que la matiere morbifique dans toutes les maladies aiguës, n’étoit autre chose que des humeurs viciées qui se préparoient & s’accumuloient dans l’estomac par une suite de mauvaises digestions, d’où elles étoient versées par la voie des veines lactées continuellement ou périodiquement dans la masse des humeurs, & y produisoient d’ordinaire un épaississement considérable, qui, suivant eux, déterminoit la fievre, l’accès ou le redoublement. En conséquence, dans le traitement des maladies aiguës, ils ont eu principalement en vue d’épuiser le foyer de ces humeurs, & d’en tarir la source ; c’est d’une théorie aussi fausse qu’insuffisante, qu’a pris naissance un des dogmes fondamentaux de la Médecine pratique la plus accréditée, c’est qu’il faut dans les maladies aiguës purger au moins tous les deux jours ; le peu de succès repond à l’inconséquence du précepte : & il est très-certain qu’il seroit moins indifferent & plus nuisible, s’il étoit exécuté aussi efficacement qu’il est vivement recommandé, & qu’on s’empresse de le suivre avec ponctualité. Les anciens médecins chimistes ont aussi prétendu que toutes les maladies étoient avec matiere ; ils en at-

tribuoient l’origine à des fermens morbifiques indéterminés,

mais pas plus obscurs ni plus incertains que la matiere morbifique des méchaniciens modernes. Les éclectiques, pour soutenir les droits de leur ame ouvriere, se sont accordés sur ce point avec les humoristes, persuadés que l’ame étoit la cause efficiente de toutes les maladies, & qu’elle n’agissoit pas sans motif ; ils se sont vus contraints de recourir toujours à un vice humoral, à une matiere morbifique qui excitât le courroux & déterminât les effets de ce principe aussi spirituel que bienfaisant. L’absurdité de l’humorisme trop généralisé, & la connoissance assurée de quelques affections purement nerveuses ont fait tomber quelques médecins dans l’excès opposé ; ils ont conclu de quelques faits particuliers bien constatés, au général, & n’ont pas fait difficulté d’avancer qu’il n’y avoit point de maladies avec matiere, & que tous ces vices des humeurs n’étoient que des suppositions chimériques ; que le dérangement des solides étoit seul capable de produire toutes les différentes especes de maladie : & partant de cette idée, ils ont bâti un nouveau système pratique ; les émolliens, relâchans, narcotiques leur ont paru les secours les plus indiqués par l’état de spasme & de constriction toujours supposé dans les solides ; ils ont borné à ces remedes diversement combinés, toute leur matiere médicale. On voit par là, & c’est ce qui est le plus préjudiciable à l’humanité, que toutes ces variétés de théorie ont produit des changemens qui ne peuvent manquer d’être nuisibles dans la pratique : on ne s’est pas contenté de déraisonner, on a voulu faire des applications, & l’on a rendu les malades des victimes d’une bisarre imagination. Il s’est enfin trouvé des médecins sages qui, après avoir mûrement & sans préjugé pesé les différentes assertions, & sur-tout consulté la nature, ont décidé qu’il y avoit des maladies où les nerfs seuls étoient attaqués, & on les appelle nerveuses. Voyez ce mot. Que d’autres étoient avec matiere ; c’est-à-dire, dépendoient de l’altération générale des humeurs, opérée par la suppression de quelque excrétion, & qui ne peut se guérir sans une évacuation critique ; elles sont connues sous le nom de maladies numorales. Voyez ce mot. Telles sont toutes les fievres putrides simples, ou inflammatoires, quelques autres maladies aigués, toutes les maladies virulentes, contagieuses, &c. Les maladies chroniques sont presque toutes absolument nerveuses dans leur origine, dépendent du désordre trop considérable & de la lésion sensible de quelque viscere ; mais ces vices ne peuvent pas subsister long-tems sans donner lieu à quelque altération dans les humeurs, qu’on observe toujours quand la maladie a fait quelque progrès. (m)

Matiere médicale, (Thérapeutique.) ensemble, total, système des corps naturels qui fournissent des médicamens. Voyez la fin de l’article Médicament. (b)

Matiere perlée de Kruger, (Chim. & Mat. méd.) qu’on appelle encore magistere d’antimoine. Les chimistes modernes donnent ce nom à une poudre blanche, subtile, qui se précipite des lotions de l’antimoine diaphorétique, soit d’elle-même, soit par l’addition d’un acide, & principalement de l’acide vitriolique.

La nature de ce précipité n’a point été encore déterminée par les Chimistes ; car sans compter les définitions évidemment fausses, telles que celle de Boherhaave, qui le nomme un soufre fixe d’antimoine, les idées qu’en donnent Mender & Hoffman ne paroissent rien moins qu’exactes. Le premier avance que « cette poudre n’est rien autre chose qu’une chaux fine de régule », & Hoffman qui observe qu’on obtient cette matiere perlée en une quan-