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Une vraie marne, c’est-à-dire celle qui est calcaire & précisément de la nature de la craie, sera très propre à bonifier un terrein humide & bas, qui suivant l’expression assez juste du laboureur, est aigre & froid ; cette aigreur ou cette acidité vient du séjour des eaux & des plantes qu’elles ont fait pourrir dans ces sortes d’endroits : alors la vraie marne étant une terre calcaire, c’est-à-dire absorbante & alkaline, sera propre à se combiner avec les parties acides qui dominoient dans un tel terrein, & qui nuisoient à sa fertilité. Par la combinaison de cet acide avec la marne, il se formera, suivant le langage de la Chimie, des sels neutres qui peuvent contribuer beaucoup à favoriser la végétation.

Il est donc important de savoir avant toute chose ce que c’est que l’on appelle marne, de s’assurer si celle que l’on trouve dans un pays est pure & calcaire, ou si c’est à de l’argille ou de la terre mêlée d’argille que l’on donne le nom de marne. Pour s’éclaircir là-dessus, on n’aura qu’à l’essayer avec de l’eau-forte, ou simplement avec du vinaigre : si la terre s’y dissout totalement, ce sera une marque que c’est de la marne pure, véritable & calcaire ; s’il ne s’en dissout qu’une portion, & qu’en mettant une quantité suffisante de dissolvant il reste toujours une partie de cette terre qui ne se dissolve point, ce sera un signe que la marne étoit mêlée d’argille ou de glaise. S’il ne se dissout rien du tout, ce sera une preuve que la terre que l’on a trouvée est une vraie argille ou glaise, à qui l’on ne doit par conséquent point donner le nom de marne.

Il faudra aussi consulter la nature des terreins que l’on voudra marner ou mêler avec de la marne ; il y en a qui étant déja calcaires, spongieux par eux-mêmes, ne demandent point à être divisés davantage : dans ce cas la vraie marne calcaire ne doit pas leur convenir ; on réussira mieux à fertiliser de pareils terreins, en leur joignant de la glaise ou de l’argille. Voyez Glaise.

En général on peut dire que la marne fertilise entant qu’elle est calcaire, c’est à-dire entant qu’elle est composée de particules faciles à dissoudre dans les eaux, & propres à être portées par ces mêmes eaux en molécules déliées à la racine des plantes dans lesquelles ces molécules passent pour contribuer à leur accroissement.

La marne varie pour la couleur ; il y en a de blanche, de grise, de rougeâtre, de jaune, de brune, de noire, &c. ces couleurs sont purement accidentelles & ne viennent que des substances minérales étrangéres avec lesquelles cette terre est mêlée. (—)

MARNIERE, s. f. (Economie rustique.) est le lieu ou la mine d’où l’on tire la marne. Voyez Marne.

MARNOIS, s. m. (Marine.) ce sont des bateaux de médiocre grandeur qui viennent de Brie & de Champagne jusqu’à Paris sur la Marne & sur la Seine.

MARO & GÉMÉLICOLLES, (Géog. anc.) montagnes de la Sicile ainsi nommées par Pline liv. III. ch. viij. Solin & d’autres géographes leur donnent le nom commun de Nebrodes. La montagne Maro s’appelle aujourd’hui Madonia, & celle de Gémélli Monte di mele.

MAROC, Empire de, (Géogr.) grand empire d’Afrique dans la partie la plus occidentale de la Barbarie, formé des royaumes de Maroc, de Fez, de Tafilet, de Sus, & de la province de Dara. Voyez M. de Saint-Olon.

Cet empire peut avoir 250 lieues du nord au sud, & 104 de l’est à l’ouest ; il est borné du côté du nord par la Méditerranée, à l’orient & à l’occident par la mer Atlantique, & au midi par le fleuve Dara. Les chrétiens cependant tiennent quelques places sur les côtes ; les Espagnols ont du côté de la Méditerranée

Ceuta, Meilila & Orans ; les Portugais possedent Magazan sur l’Océan.

Tout le reste appartient à l’empire de Maroc, qui se forma dans le dernier siecle. Le fameux Mouley-Archi, roi de Tafilet, & Moula-Ismaël son frere, réunirent les royaumes de Maroc, de Fez, de Tafilet & de Sus, la vaste province de Dara sous une même puissance.

Ainsi cet empire, qui comprend une partie de la Mauritanie, fut mis autrefois par Auguste sous le seul pouvoir de Juba. Il est peuplé des anciens Maures, des Arabes Bédouins qui suivirent les califes dans leurs conquêtes, & qui vivent sous des tentes comme leurs ayeux, des Juifs chassés par Ferdinand & Isabelle, & des noirs qui habitent par-delà le mont Atlas.

On voit dans les campagnes, dans les maisons, dans les troupes, un mélange de noirs & de métis.

Ces peuples, dit M. de Voltaire, trafiquerent de tout tems en Guinée ; ils alloient par les deserts, aux côtes où les Portugais vinrent par l’Océan. Jamais ils ne connurent la mer que comme l’élément des pirates. Enfin toute cette vaste côte de l’Afrique depuis Damiete jusqu’au mont Atlas, étoit devenue barbare, dans le tems que nos peuples septentrionaux autrefois plus barbares encore, sortoient de ce triste état pour tâcher d’atteindre un jour à la politesse des Grecs & des Romains. (D. J.)

Maroc, royaume de, (Géog.) royaume d’Afrique dans la partie la plus occidentale de la Barbarie. Il est borné au nord par le fleuve Ommirabi, à l’orient par le mont Atlas, au midi par la riviere de Sus, & au couchant par l’Océan occidental. Ce royaume s’etend le long de la côte, depuis l’embouchure de la riviere de Sus, que les anciens appelloient Suriga, jusqu’à la ville d’Azamor.

Les forces de ce royaume sont peu redoutables par mer, parce que le nombre des bâtimens qu’il équipe en mauvais ordre, n’ont ordinairement qu’une douzaine de 15 à 20 pieces de canon mal servies. S’ils font des prises, le roi en a sa moitié, mais il prend tous les esclaves en payant 50 écus pour chacun de ceux qui ne sont pas compris dans sa moitié.

Les forces de terre ne valent pas mieux que celles de mer, parce qu’elles n’ont ni armes ni discipline.

Quoique le royaume de Maroc soit divisé en sept provinces assez grandes, il est cependant très-peu peuplé, à cause de son terrein sablonneux & ingrat, qui ne permet pas l’abondance des grains & des bestiaux ; il produit seulement une grande quantité de cire & d’amandes qui se débitent en Europe.

On compte dans tout ce royaume 25 à 30 mille cabanes d’adouards, qui font 80 à 100 mille hommes payant annuellement au roi la dixme de leurs biens depuis l’âge de 15 ans. Un adouard est une espece de village ambulant composé de quelques familles arabes, qui campent sous des tentes tantôt dans un lieu, tantôt dans l’autre ; chaque adouard a son marabou & son chef, qui est elu. Rien n’est comparable à la misere & à la malpropreté de ces arabes.

Le roi de Maroc prend le titre de grand chérif, c’est-à-dire de premier successeur de Mahomet, dont il prétend descendre par Aly & par Fatime, gendre & fille de ce faux prophete.

Sa religion, pleine de superstitions, est fondée sur l’alcoran, que les Maures & les Arabes expliquent à leur maniere, selon l’interprétation de Melich.

Quoique les esclaves chrétiens appartiennent au roi, ils n’en sont pas moins malheureux par la rudesse de leurs travaux, leur mauvaise nourriture, les lieux souterreins où on les fait coucher.

Les juifs, quoiqu’utiles & en grand nombre dans