Toutes les parties des fluides s’attirent mutuellement, comme il paroît par la ténacité & par la rondeur de leurs gouttes, si on en excepte l’air, le feu & la lumiere, qu’on n’a jamais vûs sous la forme de gouttes. Ces mêmes fluides se forment en gouttes dans le vuide comme dans l’air, ils attirent les corps solides, & en sont réciproquement attirés ; d’où il paroît que la vertu attractive se trouve répandue partout. Qu’on mette l’une sur l’autre deux glaces de miroir bien unies, bien nettes & bien seches, on trouvera alors qu’elles tiennent ensemble avec beaucoup de force, de sorte qu’on ne peut les séparer l’une de l’autre qu’avec peine. La même chose arrive dans le vuide, lorsqu’on retranche une petite portion de deux balles de plomb, ensorte que leurs surfaces deviennent unies à l’endroit de la section, & qu’on les presse ensuite l’une contre l’autre avec la main, en leur faisant faire en même tems la quatrieme partie d’un tour ; on remarque que ces balles tiennent ensemble avec une force de 40 ou 50 livres. En général tous les corps dont les surfaces sont unies, seches & nettes, principalement les métaux, se collent & s’attachent mutuellement l’un à l’autre quand on les approche ; de sorte qu’il faut quelque force pour les séparer. Mussch. Essay de Phys.
Les corps s’attirent réciproquement, non-seulement lorsqu’ils se touchent, mais aussi lorsqu’ils sont à une certaine distance les uns des autres : car mettez entre les deux glaces de miroir dont nous venons de parler, un fil de soie fort fin, alors ces deux glaces ne pourront pas se toucher, puisqu’elles seront éloignées l’une de l’autre de toute l’épaisseur du fil ; cependant on ne laissera pas de voir que ces deux glaces s’attirent mutuellement, quoiqu’avec moins de force que lorsqu’il n’y avoit rien entre elles. Mettez entre les glaces deux fils que vous aurez tors ensemble, ensuite trois fils tors de même, & vous verrez que l’attraction diminuera à mesure que les glaces s’éloigneront l’une de l’autre. Mussch. ibid.
On peut encore faire voir d’une maniere bien sensible cette vertu attractive par une expérience curieuse. Prenez un corps solide & opaque, qui finisse en pointe, soit de métal, soit de pierre, ou même de verre ; si des rayons de lumiere paralleles passent tout près de la pointe ou du tranchant de ce corps dans une chambre obscure, alors le rayon qui se trouvera tout près de la pointe, sera attiré avec beaucoup de force vers le corps ; & après s’être détourné de son chemin, il en prendra un autre, étant brisé par l’attraction que ce corps exerce sur lui. Le rayon un peu plus éloigné de la pointe est aussi attiré, mais moins que le précédent ; & ainsi il sera moins rompu, & s’écartera moins de son chemin. Le rayon suivant qui est encore plus éloigné, sera aussi moins tiré & moins détourné de sa premiere route. Enfin, à une certaine distance fort petite, il y aura un rayon qui ne sera plus attiré du tout, ou du moins sensiblement, & qui conservera sans se rompre sa direction primitive. Mussch. ibid.
C’est à M. Newton que nous devons la découverte de cette derniere espece d’attraction, qui n’agit qu’à de très-petites distances ; comme c’est à lui que nous devons la connoissance plus parfaite de l’autre, qui agit à des distances considérables. En effet, les lois du mouvement & de la percussion des corps sensibles dans les différentes circonstances où nous pouvons les supposer, ne paroissent pas suffisantes pour expliquer les mouvemens intestins des particules des corps, d’où dépendent les différens changemens qu’ils subissent dans leurs contextures, leurs couleurs, leurs propriétés ; ainsi notre Philosophie seroit nécessairement en défaut, si elle étoit fondée sur le principe seul de la gravitation, porté même aussi loin qu’il est possible. Voyez Lumiere, Couleur, &c.
Mais outre les lois ordinaires du mouvement dans les corps sensibles, les particules dont ces corps sont composés, en observent d’autres, qu’on n’a commencé à remarquer que depuis peu de tems, & dont on n’a encore qu’une connoissance fort imparfaite. M. Newton, à la pénétration duquel nous en devons la premiere idée, s’est presque contenté d’en établir l’existence ; & après avoir prouvé qu’il y a des mouvemens dans les petites parties des corps, il ajoûte que ces mouvemens proviennent de certaines puissances ou forces, qui paroissent différentes de toutes les forces que nous connoissons. « C’est en vertu de ces forces, selon lui, que les petites particules des corps agissent les unes sur les autres, même à une certaine distance, & produisent par-là plusieurs phénomenes de la nature. Les corps sensibles, comme nous avons déjà remarqué, agissent mutuellement les uns sur les autres ; & comme la nature agit d’une maniere toûjours constante & uniforme, il est fort vraissemblable qu’il y a beaucoup de forces de la même espece ; celles dont nous venons de parler s’étendent à des distances assez sensibles, pour pouvoir être remarquées par des yeux vulgaires : mais il peut y en avoir d’autres qui agissent à des distances trop petites, pour qu’on ait pû les observer jusqu’ici ; & l’électricité, par exemple, agit peut-être à de telles distances, même sans être excitée par le frottement ».
Cet illustre auteur confirme cette opinion par un grand nombre de phénomenes & d’expériences, qui prouvent clairement, selon lui, qu’il y a une puissance & une action attractive entre les particules, par exemple, du sel & de l’eau ; entre celles du vitriol & de l’eau, du fer & de l’eau-forte, de l’esprit de vitriol & du salpetre. Il ajoûte que cette puissance n’est pas d’une égale force dans tous les corps ; qu’elle est plus forte, par exemple, entre les particules du sel de tartre & celles de l’eau-forte, qu’entre les particules du sel de tartre & celles de l’argent : entre l’eau-forte & la pierre calaminaire, qu’entre l’eau-force & le fer : entre l’eau-forte & le fer, qu’entre l’eau-forte & le cuivre ; encore moindre entre l’eau-forte & l’argent, ou entre l’eau forte & le mercure. De même l’esprit de vitriol agit sur l’eau, mais il agit encore davantage sur le fer ou sur le cuivre.
Il est facile d’expliquer par l’attraction mutuelle la rondeur que les gouttes d’eau affectent ; car comme ces parties doivent s’attirer toutes également. & en tous sens, elles doivent tendre à former un corps, dont tous les points de la surface soient à distance égale de son centre. Ce corps seroit parfaitement sphérique, si les parties qui le composent étoient sans pesanteur : mais cette force qui les fait descendre en embas, oblige la goutte de s’allonger un peu, & c’est pour cette raison, que les gouttes de fluide attachées à la surface inférieure des corps, dont le grand axe est vertical, prennent une figure un peu ovale. On remarque aussi cette même figure dans les gouttes d’eau qui sont placées sur la surface supérieure d’un plan horisontal ; mais alors le petit axe de cette figure est vertical, & sa surface inférieure, c’est-à-dire, celle qui touche le plan, est plane ; ce qui vient tant de la pesanteur des particules de l’eau, que de l’attraction du corps sur lequel elles sont placées, & qui altere l’effet de leur attraction mutuelle. Aussi, moins la surface sur laquelle la goutte est placée, a de force pour attirer ses parties, plus la goutte reste ronde : c’est pour cette raison, que les gouttes d’eau qu’on voit sur quelques feuilles de plantes, sont parfaitement rondes ; au lieu que celles qui se trouvent sur du verre, sur des métaux, ou sur des pierres, ne sont qu’à demi rondes, ou quelquefois encore moins. Il en est de même du mercure, qui se partage sur le papier en petites boules parfaitement rondes, au