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sent pour avoir donné aux hommes les premieres notions de l’Astronomie.

Si on croit Diodore de Sicile, Uranus, pere d’Atlas, forma l’année sur le cours du soleil & sur celui de la lune. Atlas inventa la sphere ; ce qui donna lieu à la fable qu’il portoit le ciel sur ses épaules. Le même auteur ajoûte qu’il enseigna cette science à Hercule, qui la porta en Grece : ce ne sauroit être Hercule fils d’Alcmene, puisqu’Atlas, selon le témoignage de Suidas, vivoit onze âges avant la guerre de Troie ; ce qui remonte jusqu’au tems de Noé & de ses fils. En descendant plus bas on trouve des traces plus marquées de l’étude que l’on faisoit de l’Astronomie dans les tems fabuleux. Newton a remarqué que les noms des constellations sont tous tirés des choses que les poëtes disent s’être passées dans le tems de la guerre de Troie, & lors de l’expédition des Argonautes : aussi les fables parlent-elles de personnes savantes dans l’Astronomie ; elles font mention de Chiron, d’Ancée, de Nausicaë, &c. qui tous paroissent avoir contribué au progrès de cette science.

Ce dont on ne peut douter, c’est que plusieurs nations ne se soient appliquées à l’étude du ciel long-tems avant les Grecs : Platon convient même que ce fut un Barbare qui observa le premier les mouvemens célestes ; occupation à laquelle il fut déterminé par la beauté du ciel pendant l’été, soit en Egypte, soit en Syrie, où l’on voit toûjours les étoiles ; les nuées & les pluies ne les dérobant jamais à la vûe. Ce philosophe prétend que si les Grecs se sont appliqués fort tard à l’Astronomie, c’est au défaut seul d’une atmosphere, telle que celle des Egyptiens & des Syriens, qu’il faut s’en prendre.

Aussi quelque audace qu’ayent eu les Grecs pour s’attribuer les premiers commencemens des sciences & des beaux arts, elle n’a cependant jamais été assez grande pour qu’ils se soient donné l’honneur d’avoir jetté les fondemens de l’Astronomie. Il est vrai qu’on apprend par un passage de Diodore de Sicile, que les Rhodiens prétendoient avoir porté cette science en Egypte : mais ce récit est mêlé de tant de fables, qu’il se détruit de lui-même ; & tout ce qu’on en peut tirer de vraissemblable, c’est que comme les Rhodiens étoient de grands navigateurs, ils pouvoient avoir surpassé les autres Grecs par rapport aux observations astronomiques qui regardent la Marine ; tout le reste doit être regardé comme fabuleux. Quelques auteurs, il est vrai, ont donné les premieres observations célestes à Orphée, (comme Diogene Laerce sur l’autorité d’Eudemus, dans son Histoire Astrologique, qui a été suivie par Théon & par Lucien) à Palamede, à Atrée, & à quelques-autres, ce qu’Achilles Tatius tâche de prouver par des passages d’Eschyle & de Sophocle, dans son commentaire sur les phénomenes d’Aratus ; mais il est certain que le plus grand nombre des auteurs Grecs & Latins est d’un avis contraire : presque tous les attribuant aux Chaldéens ou Babyloniens.

L’Astronomie & l’Astrologie prirent donc naissance dans la Chaldée, au jugement du grand nombre des auteurs : aussi le nom de Chaldéen est-il souvent synonyme à celui d’Astronome, dans les anciens écrivains. Il y en a qui sur l’autorité de Joseph aiment mieux attribuer l’invention de ces sciences aux anciens Hébreux, & même aux premiers hommes.

Quelques Juifs & quelques Chrétiens s’accordent avec les Musulmans, pour en faire honneur à Enoch : quant aux autres Orientaux, ils regardent Cain comme le premier astronome : mais toutes ces opinions paroissent destituées de vraissemblance à ceux qui sont versés dans la langue de ces premiers peuples de la terre ; ils ne rencontrent dans l’Hébreu pas un terme d’Astronomie : le Chaldéen au contraire en est plein. Cependant il faut convenir qu’on trou-

ve dans Job & dans les livres de Salomon, quelque

trace légere de ces sciences.

Quelques-uns ont donné une parfaite connoissance de l’Astronomie à Adam ; & l’on a fait, comme nous venons de le dire, le même honneur aux descendans de Seth, mais tout cela gratuitement. Il ne faut pas cependant douter que l’on n’eût quelque connoissance de l’Astronomie avant le déluge : nous apprenons par le journal de ce terrible évenement, que l’année étoit de 360 jours, & qu’elle étoit formée de 12 mois ; arrangement qui suppose quelque notion du cours des astres. Voyez Ante-diluvienne.

M. l’abbé Renaudot paroît incliner pour l’opinion qui attribue l’invention de l’Astronomie aux anciens Patriarches ; & il se fonde pour cela sur plusieurs raisons.

1°. Sur ce que les Grecs & les Latins ont compris les Juifs sous le nom de Chaldéens ; 2°. sur ce que la distinction des mois & des années, qui ne se pouvoit connoître sans l’observation du cours de la lune & celui du soleil, est plus ancienne que le déluge, comme on le voit par différens passages de la Genese ; 3°. sur ce qu’Abraham étoit sorti de Chaldée, de Ur Chaldoeorum, & que des témoignages de Berose & d’Eupolemus, cités par Eusebe, liv. IX. de la Préparation évangélique, prouvent qu’il étoit οὐρανία ἔμπειρος, savant dans les choses célestes, & qu’il avoit inventé l’Astronomie & l’Astrologie judiciaire ; καὶ τὴν Ἀστρολογίαν, καὶ τὴν Χαλδαῖχην ; 4°. sur ce qu’on trouve dans la sainte Ecriture plusieurs noms de planetes & de constellations.

D’un autre côté, M. Basnage prétend que tout ce qu’on débite sur ce sujet a fort l’air d’un conte. Philon nous apprend que l’on instruisit Moyse dans la science des astres ; il ne faut pas douter que ce législateur n’en eût quelque connoissance : mais l’on ne sauroit croire que l’on eût fait venir des Grecs pour l’instruire, comme le dit cet auteur Juif. Du tems de Moyse il n’y avoit point de philosophes dans la Grece ; & c’est de l’Egypte ou de la Phénicie que les Grecs ont tiré leurs premieres connoissances philosophiques. A l’égard de Job, ceux qui le qualifient astronome, se fondent sur quelques passages où l’on croit qu’il nomme les endroits les plus remarquables du ciel, & des principales constellations. Mais outre que les interpretes ne sont point d’accord sur le sens des termes employés dans ces textes, la connoissance des noms de certaines constellations ne seroit point une preuve que Job fût astronome.

Quoi qu’il en soit, il ne paroît pas qu’on puisse douter que l’Astronomie n’ait commencé dans la Chaldée ; au moins c’est le jugement qu’on doit en porter d’après toutes les preuves historiques qui nous restent ; & M. l’abbé Renaudot en rapporte un fort grand nombre dans son mémoire sur l’origine de la sphere, imprimé dans le premier volume du Recueil de l’Académie Royale des Sciences & des Belles-Lettres.

Nous trouvons dans l’Ecriture sainte divers passages, qui marquent l’attachement des Chaldéens à l’étude des astres. Nous apprenons de Pline, que l’inventeur de cette science chez les Chaldéens fut Jupiter Belus, lequel fut mis ensuite au rang des dieux : mais on est fort embarrassé à déterminer qui est ce Belus, & quand il a vécu. Parmi les plus anciens astronomes Chaldéens, on compte Zoroastre : mais les mêmes difficultés ont lieu sur le tems de son existence, aussi bien que sur celle de Belesis, & de Berose.

Ne seroit-ce point s’exposer à partager avec Rudbeck le ridicule de son opinion, que de la rapporter ? Il prétend que les Suédois ont été les premiers inventeurs de l’Astronomie ; & il se fonde sur ce que la grande diversité dans la longueur des jours en Suede, a dû conduire naturellement ses habitans à conclurre que la terre étoit ronde, & qu’ils étoient voisins de