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galeries qui doivent régner autour du théatre, pour la commodité de la communication, sont ordinairement destinés à être garnis de pots à feu à saucissons & à aigrettes : ceux-ci conviennent particulierement aux angles, tant pour la beauté de leur figure, que pour éloigner le feu ; on peut aussi y mettre des pots d’escopeterie.

Nous avons dit qu’il convenoit de mettre dans les angles & les places isolées des caisses de fusées volantes qui doivent partir ensemble pour former des gerbes de feu ; ces caisses peuvent être déguisées sous les figures des gaînes de termes portant des vases d’escopeterie, ou des bases de termes pleins d’artifices, qui communiquent le feu aux caisses en finissant.

Les places les plus convenables aux girandoles faites pour tourner verticalement, sont les milieux des faces, lorsqu’on n’en veut faire paroître qu’une à chacune. A l’égard du soleil brillant, qui doit imiter le vrai soleil qui nous éclaire, & qui est unique dans son espece, il doit aussi, pour la justesse de l’imitation, paroître seul dans l’endroit le plus apparent & le plus éminent du théatre. Les courantins qu’on destine ordinairement à porter le feu depuis la maison où est placée la personne la plus distinguée, doivent, pour la commodité être placés à une fenêtre sur leur corde, & aboutir à l’endroit du théatre où répondent les étoupilles destinées à former la premiere illumination des lances à feu. Les trompes peuvent être placées au-devant des balustrades sur les saillies de la corniche, en les inclinant un peu en dehors d’environ douze ou quinze degrés, pour qu’elles jettent leurs garnitures un peu loin du théatre. Cette position est aussi convenable pour la commodité de l’Artificier, qui a par ce moyen la liberté de les aller decoeffer pour y mettre le feu quand il juge à propos, parce que leur sommet est à la portée de sa main, & un peu écarté des artifices dont l’appui de la balustrade a été bordé ; & c’est par la raison de cette proximité qu’on a dû les couvrir d’un chaperon ou étui de carton, qui empêche que les feux dont la trompe est environnée, n’y puissent pénétrer avant qu’on ôte ce couvercle, ce qu’on appelle décoeffer.

Lorsqu’on a plusieurs trompes sur une face, on peut les faire joüer par couple à distances égales du milieu ; & afin de les faire partir en même tems, on les allume par le moyen des bouts de lances à feu ajoûtées au-dessus du chapiteau, dont la longueur égale ou inégale, comme on le juge à propos, fait qu’elles partent en même tems ou successivement, suivant la durée de ces bouts de lances, qui ont dû être mesurés pour cet effet. C’est un moyen sûr & commode pour allumer toutes sortes d’artifices à point nommé, y ajoûtant la communication du feu par des étoupilles qui le portent subitement à la gorge des lances à feu. On conçoit bien que les étoupilles de communication ne peuvent être mises à découvert que pour les premiers feux, & qu’il faut les enfermer soigneusement dans des cartouches ou des communications, s’il s’agit d’une seconde scene de différens feux.

La symmétrie des jeux des artifices qui doivent paroître en même tems, est principalement nécessaire pour ceux qui sont fixes & s’élevent beaucoup, comme les aigrettes & les fontaines, parce qu’on a le tems de les comparer : c’est pourquoi il faut qu’elles commencent & finissent en même tems.

La troisieme attention que doit avoir un bon Artificier, & celle qui lui fait le plus d’honneur, parce qu’elle fait connoître son génie, est de disposer ses artifices sur le théatre, de maniere que leurs effets produisent une grande variété de spectacle, & tout au moins trois scenes différentes ; car quelque beaux que soient les objets, on s’ennuie de les voir toûjours se répéter, ou trop long-tems dans le même état.

De l’exécution ou de l’ordre qu’on doit garder pour faire joüer un feu d’artifice. Supposé qu’on fasse précéder le feu d’un bûcher avant celui des artifices, on commence le spectacle dès avant la fin du jour par allumer le bûcher à une distance convenable du theatre : pendant que les voiles de la nuit tombent, & que les spectateurs s’assemblent, on les divertit par une symphonie de ces instrumens qui se font entendre de loin, comme trompettes, timbales, cornets, fifres, hautbois, cromornes, bassons, &c. auxquels on peut cependant mêler par intervalle & dans le calme, ceux dont l’harmonie est plus douce, comme les flutes à bec & traversieres, violons, basses, musettes, &c. par ces accords des sons on dispose l’esprit à une autre sorte de plaisir qui est celui de la vûe, du brillant & des merveilleuses modifications du feu. Lorsque la nuit est assez obscure pour qu’on ait besoin de lumiere, on allume des fanaux & des lampions arrangés où on les juge nécessaires pour éclairer, ce qui doit se faire subitement par le moyen des étoupilles ; & lorsque la nuit est assez noire pour que les feux paroissent dans toute leur beauté, on donne le signal du spectacle par une salve de boîtes ou de canons, après quoi l’on commence le spectacle par des fusées volantes qu’on tire à quelque distance du théatre des artifices, ou successivement ou par couple, & même quelquefois par douzaine, mêlant alternativement celles dont les garnitures sont différentes, comme en étoiles, serpenteaux, pluies de feu, &c. allant par gradation des moyennes aux plus grosses qu’on appelle fusées d’honneur. Voyez Fusée, Gerbe, &c.

Après ces préludes, on fait ordinairement porter le feu au théatre par un courantin au vol de corde masqué de la figure de quelque animal, lequel partant de la fenêtre où est la personne la plus distinguée, qui y met le feu quand il en est tems, va tout d’un coup allumer toutes les lances à feu qui bordent le théatre, pour l’éclairer & commencer le spectacle.

ARTIFICIEL, on appelle en Géométrie lignes artificielles des lignes tracées sur un compas de proportion ou une échelle quelconque, lesquelles représentent les logarithmes des sinus & des tangentes, & peuvent servir, avec la ligne des nombres, à résoudre assez exactement tous les problèmes de trigonométrie, de navigation, &c. Les nombres artificiels sont les sécantes, les sinus, & les tangentes. V. Sécante, Sinus, & Tangente. Voyez aussi Logarithme. (E)

ARTIFICIER, s. m. on appelle ainsi celui qui fait des feux d’artifice, & qui charge les bombes, les grenades, & leurs fusées. Les artificiers sont subordonnés aux capitaines des bombardiers ; ils reçoivent les ordres de ces derniers, & veillent à leur exécution de la part des bombardiers.

ARTILLERIE, s. f. gros équipage de guerre, qui comprend toutes sortes de grandes armes-à-feu, comme canons, mortiers, bombes, petards, mousquets, carabines, &c. Voyez Canon, Mortier, Fusil, Pétard, &c. On n’a pû attaquer cette place, parce que l’on manquoit de grosse artillerie. Figueroa nous apprend dans son Ambassade, qu’en 1518 les Persans ne vouloient jamais se servir ni d’artillerie ni d’infanterie ; par la raison que cela pouvoit empêcher de charger l’ennemi, ou de faire retraite avec autant d’agilité, en quoi ils faisoient consister principalement leur adresse dans les combats, & leur gloire militaire.

Le mot artillerïe s’applique aussi quelquefois aux anciennes machines de guerre, comme aux catapultes, aux béliers, &c. Voyez Bélier, Machine, Catapulte, &c.

L’artillerie se prend aussi pour ce que l’on appelle autrement pyrotechnie, ou l’art des feux d’artifice, avec tous les instrumens & l’appareil qui lui