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ficile à fondre, plus on y met de plomb ; on met jusqu’à seize ou vingt parties de plomb pour une partie de mine. Cette opération se nomme scorifier : les scories sont composées du plomb qui se vitrifie avec la pierre, & avec ce qui n’est point or ou argent dans la mine, & ce qui est métal tombe dessous en régule. Si ce régule paroît bien métallique, on le passe à la coupelle ; s’il est encore mêlé de scories, s’il est noir, on le fait refondre avec un peu de verre de plomb.

Pour séparer l’argent du mercure avec lequel il est amalgamé, on a un fourneau qui a une ouverture au sommet ; on couvre cette ouverture d’une espece de chapiteau de terre de forme cylindrique, qu’on peut laisser ou enlever à discrétion. Quand on a mis dans le fourneau la masse d’argent & le mercure, & qu’on a appliqué le couvercle & allumé le feu, le vif-argent s’éleve en forme de vapeurs, & s’attache au chapiteau, d’où on le retire pour le faire servir une seconde fois.

Lorsque l’argent est bien purifié, qu’on en a ôté, autant qu’il est possible, toute la matiere étrangere, soit métallique ou autre, qui pourroit y être mêlée, on dit qu’il est de douze deniers ; c’est-là l’expression dont on se sert pour désigner le titre de l’argent le plus pur, & sans aucun mêlange ni alliage : mais s’il s’y en trouve, on déduit le poids du mêlange du poids principal, & le reste marque le titre de l’argent. Le denier est de 24 grains ; ainsi lorsque sur le poids de douze deniers il y a douze grains de mêlange, le titre de l’argent est onze deniers douze grains ; & ainsi des autres exemples.

Pour monter le titre de l’argent en le rafinant, on s’y prend de la maniere suivante : on met une coupelle ou une tête à rougir au feu, ensuite on y met le plomb ; quand le plomb est fondu, & bien clair, on y ajoûte une quantité d’argent proportionnée ; savoir, une livre de plomb pour quatre à cinq onces d’argent ; on met quelquefois davantage de plomb, lorsque l’argent a beaucoup d’alliage. A mesure que ces deux métaux se fondent ensemble, le cuivre, qui auparavant étoit mêlé avec l’argent, s’en va en fumée, ou sort avec l’écume & la litharge ; le plomb s’évapore de même, & il ne reste dans la coupelle que l’argent, qui est au degré de finesse qui lui convient. V. Litharge, Affinage, Coupelle, Coupelet.

Indépendamment de la maniere de raffiner l’argent avec le plomb, il y en a une autre qui se fait avec le salpetre. V. Raffiner & Affinage. Mais toutes ces méthodes sont incommodes & ennuyeuses ; ce qui a donné lieu à M. Homberg de chercher à abreger cette opération ; & il y a réussi. Sa méthode consiste à calciner l’argent avec moitié de sa pesanteur ordinaire de nitre ; & après avoir fondu le tout ensemble, d’y jetter à différentes fois une certaine quantité de limaille d’acier ; par cette opération le soufre abandonne l’argent pour se joindre au fer, & l’un & l’autre se convertissent en écume qui nage sur l’argent ; & on trouve au fond du creuset le métal purifié.

L’argent, en Chimie, s’appelle luna, lune : on en fait différentes préparations, principalement une teinture. Pour avoir la teinture d’argent, dissolvez des plaques d’argent minces dans l’esprit de nitre, & jettez cette dissolution dans un autre vase plein d’eau de sel ; par ce moyen l’argent se précipite aussi-tôt en une poudre blanche qu’on lave plusieurs fois dans l’eau de fontaine : on met cette poudre dans un matras, & on jette par-dessus de l’esprit-de-vin rectifié, & du sel volatil d’urine : on laisse digérer le tout sur un-feu modéré pendant quinze jours ; durant ce tems l’esprit-de-vin contracte une belle couleur bleu-céleste. Cette couleur lui vient du cui-

vre ; car il y a environ deux gros de cuivre pour l’alliage

sur chaque marc d’argent ; & l’argent monnoyé en a plus que celui de vaisselle. Ceux qui ignorent la Chimie jettent le reste ; & ceux qui font usage de cette teinture de lune, l’employent contre l’épilepsie, l’apoplexie, la paralysie, & la plûpart des maladies de la tête, comme l’hydropisie de cerveau : mais toutes les préparations d’argent en général sont suspectes, sans en excepter les pilules de Boyle, composées de sels de l’argent & du nitre ; quoiqu’on les adoucisse avec trois fois autant de sucre, elles ne laissent pas d’être corrosives, & d’affoiblir l’estomac ; elles ne conviennent qu’à l’extérieur, pour ronger & guérir les parties attaquées d’ulceres invétérés.

On peut convertir l’argent en crystal par le moyen de l’esprit de nitre ; & c’est ce qu’on appelle improprement vitriol d’argent. Voyez Cristal.

La pierre infernale d’argent n’est rien autre chose que le crystal d’argent fondu dans un creuset à une chaleur modérée, & ensuite jettée dans des moules de fer.

Lorsqu’on verse dans une dissolution d’argent faite par l’eau-forte de l’esprit de sel, ou du sel commun fondu dans de l’eau, l’argent se précipite en une poudre qu’on nomme chaux d’argent ; cette chaux d’argent se fond aisément au feu ; elle s’y dissipe si le feu est fort ; & si au contraire le feu est médiocre, & qu’on ne l’y laisse pas long-tems, la chaux d’argent se change en une masse qui est un peu transparente, & qu’on peut couper comme de la corne : dans cet état on la nomme lune cornée. Voyez Lune cornée.

On peut conjecturer sur ce qui précede, que la maniere de séparer l’argent d’avec la terre de mine, est la même que celle dont on sépare l’or de la mine ; c’est-à dire, par le moyen du vif-argent ; avec cette différence que pour l’argent, on ajoute sur 50000 livres pesant de mine, mille livres de sel de roche, ou de quelqu’autre sel naturel. Voyez la description au long de cette curieuse opération à l’article Or.

L’argent est après l’or le métal le plus fixe. Kunckel ayant laissé pendant un mois de l’argent bien pur en fonte dans un feu de verrerie, trouva après ce tems qu’il n’avoit diminué que d’une soixante-quatrieme partie. Haston de Claves exposa de même de l’argent dans un fourneau de verrerie, & l’ayant laissé deux mois dans cet état, il le trouva diminué d’un douzieme, & couvert d’un verre couleur de citron. On ne peut douter que cette diminution ne provînt de la matiere qui s’étoit séparée & vitrifiée à la surface de l’argent ; & on peut assûrer que ce verre n’est point un argent dont les principes ayent été détruits par le feu ; c’est plûtôt un composé de cuivre, de plomb, & d’autres matieres étrangeres qui se trouvent presque toûjours dans l’argent.

L’argent est moins ductile que l’or ; il l’est plus qu’aucun des autres métaux. Voyez Ductilité. Le pouce cube d’argent pese six onces cinq gros & vingt-six grains. Nous venons de considérer l’argent comme métal ou comme production de la nature ; nous allons maintenant le considérer comme monnoie.

Argent est dans notre langue un terme générique sous lequel sont comprises toutes les especes de signes de la richesse courans dans le commerce ; or, argent monnoye, monnoies, billets de toute nature, &c. pourvû que ces signes soient autorisés par les lois de l’état. L’argent, comme métal, a une valeur comme toutes les autres marchandises : mais il en a encore une autre, comme signe de ces marchandises. Considéré comme signe, le prince peut fixer sa valeur dans quelques rapports, & non dans d’autres ; il peut établir une proportion entre une quantité de ce métal, comme métal, & la même