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rison, alors la ligne d’aspect dans laquelle est le centre de l’arc-en-ciel sera considérablement élevée au-dessus de l’horison, & l’arc-en-ciel fera pour lors plus d’un demi-cercle ; & même si le lieu est extrèmement élevé, & que la pluie soit proche du spectateur, il peut arriver que l’arc-en-ciel forme un cercle entier.

7°. Comment l’arc-en-ciel peut paroître interrompu & tronqué à sa partie supérieure : rien n’est plus simple à expliquer. Il ne faut pour cela qu’un nuage qui intercepte les rayons, & les empêche de venir de la partie supérieure de l’arc à l’œil du spectateur. Car dans ce cas, n’y ayant que la partie inférieure qui soit vûe, l’arc-en-ciel paroîtra tronqué à sa partie supérieure. Il peut encore arriver qu’on ne voye que les deux jambes de l’arc-en-ciel, parce qu’il ne pleut point à l’endroit où devroit paroître la partie supérieure de l’arc-en-ciel.

8°. Par quelle raison l’arc-en-ciel peut paroître quelquefois renversé ? si le soleil étant élevé de 41d 46′, ses rayons tombent sur la surface de quelque lac spatieux dans le milieu duquel le spectateur soit placé, & qu’en même tems il pleuve, les rayons venant à se réfléchir dans les gouttes de pluie produiront le même effet que si le soleil étoit sous l’horison, & que les rayons vinssent de bas en haut : ainsi la surface du cone sur laquelle les gouttes colorées doivent être placées, sera tout-à-fait au-dessus de la surface de la terre. Or dans ce cas, si sa partie supérieure est couverte par des nuages, & qu’il n’y ait que sa partie inférieure sur laquelle les gouttes de pluie tombent, l’arc sera renversé.

9°. Pourquoi l’arc-en-ciel ne paroît pas toûjours exactement rond, & qu’il est quelquefois incliné : c’est que la rondeur exacte de l’arc-en-ciel dépend de son éloignement, qui nous empêche d’en juger : or si la pluie qui le forme est près de nous, on appercevra ses irrégularités ; & si le vent chasse la pluie ensorte que la partie supérieure soit plus sensiblement éloignée de l’œil que l’inférieure, l’arc paroîtra incliné ; en ce cas, l’arc-en-ciel pourra paroître oval, comme le paroît un cercle incliné vû d’assez loin.

10°. Pourquoi les jambes de l’arc-en-ciel paroissent quelquefois inégalement éloignées : si la pluie se termine du côté du spectateur dans un plan tellement incliné à la ligne d’aspect, que le plan de la pluie forme avec cette ligne un angle aigu du côté du spectateur, & un angle obtus de l’autre côté ; la surface du cone sur laquelle sont placées les gouttes qui doivent faire paroître l’arc-en-ciel, sera tellement disposée que la partie de cet arc qui sera du côté gauche paroîtra plus proche de l’œil que celle du côté droit.

C’est un phénomene fort rare de voir en même tems trois arcs-en-ciel ; les rayons colorés du troisieme sont toûjours fort foibles à cause de leurs triples réflexions : aussi ne peut-on jamais voir un troisieme arc-en-ciel, à moins que l’air ne soit entierement noir par-devant & fort clair par-derriere.

M. Halley a vû en 1698 à Chester trois arcs-en-ciel en même tems, dont deux étoient les mêmes que l’arc-en-ciel intérieur & l’extérieur qui paroissent ordinairement ; le troisieme étoit presque aussi vif que le second, & ses couleurs étoient arrangées comme celles du premier arc-en-ciel ; ses deux jambes reposoient à terre au même endroit où reposoient celles du premier arc-en-ciel, & il coupoit en haut le second arc-en-ciel, divisant à peu près cet arc en trois parties égales. D’abord on ne voyoit pas la partie de cet arc qui étoit à gauche ; mais elle parut ensuite fort éclatante : les points où cet arc coupoit l’arc extérieur parurent ensuite se rapprocher, & bien-tôt la partie supérieure du troisieme arc-en-ciel se confondit avec l’arc-en-ciel extérieur. Alors l’arc-en-ciel extérieur perdit sa couleur en cet endroit, comme cela

arrive lorsque les couleurs se confondent & tombent les unes sur les autres. Mais aux endroits où les deux couleurs rouges tomberent l’une sur l’autre en se coupant, la couleur rouge parut avec plus d’éclat que celle du premier arc-en-ciel. M. Senguerd a vû en 1685 un phénomene semblable, dont il fait mention dans sa Physique. M. Halley faisant attention à la maniere dont le Soleil luisoit, & à la position du terrain qui recevoit ses rayons, croit que ce troisieme arc-en-ciel étoit causé par la réflexion des rayons du soleil qui tomboient sur la riviere Dée qui passe à Chester.

M. Celsius a observé en Dalécarlie province de Suede, très-coupée de lacs & de rivieres, un phénomene à peu près semblable, le 8 Août 1743, vers les 6 à 7 heures du soir, le Soleil étant à 11 degrés 30 minutes de hauteur ; & le premier qui en ait observé de pareils, a été M. Etienne, chanoine de Chartres, le 10 Août 1665. V. le Journal des Sav. & les Tran. phil. de 1666, & l’Hist. Ac. des Sc. an. 1743.

Vitellion dit avoir vû à Padoue quatre arc-en-ciel en même tems ; ce qui peut fort bien arriver, quoique Vicomercatus soûtienne le contraire.

M. Langwith a vû en Angleterre un arc-en-ciel solaire avec ses couleurs ordinaires ; & sous ce premier arc-en-ciel on en voyoit un autre, dans lequel il y avoit tant de verd, qu’on ne pouvoit distinguer ni le jaune ni le bleu. Dans un autre tems il parut encore un arc-en-ciel avec ses couleurs ordinaires, au-dessous duquel on remarquoit un arc bleu, d’un jaune clair en haut, & d’un verd foncé en bas. On voyoit de tems en tems au-dessous deux arcs de pourpre rouge, & deux de pourpre verd : le plus bas de tous ces arcs étoit de couleur de pourpre, mais fort foible ; & il paroissoit & disparoissoit à diverses reprises. M. Musschenbroeck explique ces différentes apparences par les observations de M. Newton sur la lumiere. V. l’Essai de Phys. de cet auteur, art. 1611.

Arc-en-ciel lunaire ; la Lune forme aussi quelquefois un arc-en-ciel par la réfraction que souffrent ses rayons dans les gouttes de pluie qui tombent la nuit. Voyez Lune. Aristote dit qu’on ne l’avoit point remarqué avant lui, & qu’on ne l’apperçoit qu’à la pleine Lune. Sa lumiere dans d’autres tems est trop foible pour frapper la vûe après deux réfractions & une réflexion.

Ce Philosophe nous apprend qu’on vit paroître de son tems un arc-en-ciel lunaire dont les couleurs étoient blanches. Gemma Frisius dit aussi qu’il en a vû un coloré ; ce qui est encore confirmé par M. Verdries, & par Dan. Sennert qui en a observé un semblable en 1599. Snellius dit en avoir vû deux en deux ans de tems, & R. Plot en a remarqué un en 1675 : en 1711 il en parut un dans la province de Darbyshire en Angleterre.

L’arc-en-ciel lunaire a toutes les mêmes couleurs que le solaire, excepté qu’elles sont presque toûjours plus foibles, tant à cause de la différente intensité des rayons, qu’à cause de la différente disposition du milieu. M. Thoresby qui a donné la description d’un arc-en-ciel lunaire dans les Trans. philos. n°. 331. dit que cet arc étoit admirable par la beauté & l’éclat de ses couleurs, il dura environ dix minutes, après quoi un nuage en déroba la vûe.

M. Weidler a vû en 1719 un arc-en-ciel lunaire lorsque la Lune étoit à demi-pleine, dans un tems calme, & où il pleuvoit un peu : mais à peine pût-il reconnoître les couleurs, les supérieures étoient un peu plus distinctes que les inférieures ; l’arc disparut aussi-tôt que la pluie vint à cesser. M. Musschenbroeck dit en avoir observé un le premier d’Octobre 1729 vers les 10 heures du soir : il pleuvoit très-fort à l’endroit où il voyoit l’arc-en-ciel : mais il ne put distinguer aucune couleur, quoique la Lune eût alors beaucoup d’éclat. Le même auteur rapporte que le