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Arbre de Judée ou Arbre de Judas. Voyez Gainier. (I)

Arbre, (Hist. nat. bot.) qui porte des savonnettes, arbor sapinda ; genre de plante observé par le P. Plumier. Ses fleurs sont composées ordinairement de quatre pétales disposés en rose. Le pistil sort d’un calice composé de quatre feuilles, & devient dans la suite un fruit sphérique qui renferme une petite noix aussi sphérique, dans laquelle il y a une amande de même figure. Tournefort, Inst. rei herb. V. Plante. (I)

* Cet arbre est désigné dans les Botanistes par arbor saponaria Americana. Il croît à la Jamaïque & dans d’autres contrées des Indes occidentales. Son fruit est mûr en Octobre : lorsqu’il est sec, il est sphérique, d’une couleur rougeâtre, plus petit qu’une noix de galle, amer au goût, mais sans odeur.

On le recommande dans les pâles couleurs. Le fruit passe pour un spécifique contre cette maladie ; il la guérit infailliblement, sur-tout quand on a fait usage des eaux ferrugineuses. On en croit la teinture, l’extrait & l’esprit plus énergiques encore.

Arbre de vie, thuya, (Hist. nat. bot.) arbrisseau dont les embryons écailleux deviennent des fruits oblongs. On trouve entre les écailles des semences bordées d’un feuillet délié. Ajoûtez aux caracteres de ce genre la structure singuliere de ses feuilles, qui sont formées par de petites écailles posées les unes sur les autres. Tournefort, Inst. rei herb. V. Plante. (I)

On apporta cet arbre de Canada en France au roi François I. Ses feuilles sont résolutives, dessicatives, carminatives, sudorifiques ; son bois est détersif, sudorifique, propre pour résister aux venins, aux maux des yeux ou des oreilles, étant pris en poudre ou en infusion.

Il est ainsi nommé, parce qu’il est toûjours verd, & qu’il rend une odeur douce & agréable. On l’appelle encore cedre américain ou arbre toûjours verd. Il est chaud & apéritif ; il provoque les regles, guérit les pâles couleurs, dissout les tumeurs ; son huile appliquée sur la goutte la soulage. Son action est analogue a celle du feu ; elle irrite & elle dissout ; elle purge les lits de puces & de poux. Boerh. Inst. (N)

Arbre de vie, (Théol.) c’étoit un arbre planté au milieu du paradis, dont le fruit auroit eu la vertu de conserver la vie à Adam, s’il avoit obéi aux ordres de Dieu : mais cet arbre de vie fut pour lui un arbre de mort, à cause de son infidélité & de sa desobéissance.

Arbre de la science du bien & du mal, c’étoit un arbre que Dieu avoit planté au milieu du paradis. Il avoit défendu à Adam d’y toucher sous peine de la vie : quo enim die comederis ex eo, morte morieris. On dispute si l’arbre de vie & l’arbre de la science du bien & du mal étoient un même arbre. Les sentimens sont partagés sur cela. Voici les raisons qu’on apporte pour & contre le sentiment qui tient que c’étoit deux arbres différens. Moyse dit que Dieu ayant planté le jardin d’Eden, y mit toutes sortes de bons arbres, & en particulier l’arbre de vie au milieu du paradis ; comme aussi l’arbre de la science du bien & du mal. Et lorsqu’il eut mis l’homme dans le paradis, il lui dit : mangez de tous les fruits du jardin, mais ne mangez pas du fruit de la science du bien & du mal : car au moment que vous en aurez mangé, vous mourrez. Et lorsque le serpent tenta Eve, il lui dit : pourquoi Dieu vous a-t-il défendu de manger de tous les fruits du jardin ? Eve répondit : Dieu nous a permis de manger des fruits du paradis, mais il nous a défendu d’user du fruit qui est au milieu du jardin, de peur que nous ne mourions. Le serpent répliqua : vous ne mourrez point ; mais Dieu sait qu’aussi-tôt que vous en aurez mangé, vos yeux seront ouverts, & vous serez comme des dieux, sachant le bien & le mal. Et après

qu’Adam & Eve eurent violé le commandement du Seigneur, Dieu les chassa du paradis, & leur dit : voilà Adam qui est devenu comme l’un de nous, sachant le bien & le mal ; mais à présent de peur qu’il ne prenne encore du fruit de vie, qu’il n’en mange, & ne vive éternellement, il le mit hors du paradis. Genes. ij. 9. ibid. v. 17. Genes. iij. 1. 2. 3. & v. 22.

De tous ces passages on peut inférer en faveur du sentiment qui n’admet qu’un arbre dont Dieu ait défendu l’usage à Adam. 1o. Qu’il n’est pas nécessaire d’en reconnoître deux ; le même fruit qui devoit conférer la vie à Adam, pouvant aussi donner la science. 2o. Le texte de Moyse peut fort bien s’entendre d’un seul arbre : Dieu planta l’arbre de la vie, ou l’arbre de la science. Souvent dans l’Hébreu la conjonction & est équivalente à la disjonctive ou ; & de la même maniere, de peur qu’il ne prenne aussi du fruit de vie, & ne vive éternellement, se peut expliquer en ce sens : de peur que, comme il en a pris, croyant y trouver la science, il n’y retourne aussi pour y trouver la vie. 3o. Enfin le démon attribue véritablement au même arbre le fruit de la vie & le fruit de la science : vous ne mourrez point ; mais Dieu sait qu’aussi-tôt que vous aurez mangé de ce fruit, vous saurez le bien & le mal. Il les rassûre contre la peur de la mort, & leur promet la science en leur offrant le fruit défendu.

Mais l’opinion contraire paroît mieux fondée dans la lettre du texte. Moyse distingue manifestement ces deux arbres, l’arbre de la vie, & l’arbre de la science : pourquoi les vouloir confondre sans nécessité ? la vie & la science sont deux effets tous différens : pourquoi vouloir qu’ils soient produits par le même fruit ? Est-ce trop que de défendre à Adam l’usage de deux arbres ? Le discours que Dieu tient à Adam après son péché, paroît bien exprès pour distinguer ici deux arbres : de peur qu’il ne prenne aussi du fruit de vie, & ne vive éternellement, comme s’il disoit, il a déjà goûté du fruit de la science, il faut l’éloigner du fruit de vie, de peur qu’il n’en prenne aussi. Le démon à la vérité rassûre Eve & Adam contre la crainte de la mort : mais il ne leur offre que le fruit de la science, en leur disant que dès qu’ils en auront goûté, ils seront aussi éclairés que les dieux ; d’où vient qu’après leur péché, il est dit que leurs yeux furent ouverts. Ces raisons nous font préférer ce dernier sentiment au premier. Voyez S. Augustin, lib. VI. de l’ouvrage imparfait contre Julien, cap. xxx. p. 1359. & suiv.

On demande quelle étoit la nature du fruit défendu. Quelques-uns ont cru que c’étoit le froment ; d’autres que c’étoit la vigne ; d’autres le figuier, d’autres le cerisier ; d’autres le pommier : ce dernier sentiment a prévalu, quoiqu’il ne soit guere mieux fondé que les autres. On cite pour le prouver le passage du Cantique des cantiques : je vous ai éveillée sous un pommier, c’est là que votre mere a perdu son innocence ; comme si Salomon avoit voulu parler en cet endroit de la chûte de la premiere femme. Rabb. in Sanhedrin, fol. 70. Theodos. apud Theodoret. quæst. xxviij. in Gent. Isidor. Pelus. liv. I. épitr. ij. canticor. viij. 5.

Plusieurs Anciens ont pris tout le récit de Moyse dans un sens figuré, & ont cru qu’on ne pouvoit expliquer ce récit que comme une allégorie.

S. Augustin a cru que la vertu de l’arbre de vie, & de l’arbre de la science du bien & du mal, étoit surnaturelle & miraculeuse : d’autres croyent que cette vertu lui étoit naturelle. Selon Philon l’arbre de vie marquoit la piété, & l’arbre de la science la prudence. Dieu est auteur de ces vertus. Les Rabbins racontent des choses incroyables & ridicules de l’arbre de vie. Il étoit d’une grandeur prodigieuse ; toutes les eaux de la terre sortoient de son pié ; quand on auroit marché cinq cens ans, on en auroit à peine fait le tour. Peut-être que tout cela n’est qu’une allégorie : mais la chose ne mérite pas qu’on se fatigue à en chercher le sens