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même de son tems, on la révoquoit en doute. Eusebe & S. Epiphane en conviennent. Dans les catalogues des Livres saints, dressés par le concile de Laodicée, par S. Grégoire de Nazianze, par S. Cyrille de Jérusalem, & par quelques autres Auteurs Grecs, il n’en est fait aucune mention. Mais on l’a toûjours regardé comme canonique dans l’Eglise Latine. C’est le sentiment de S. Justin, de S. Irenée, de Théophile d’Antioche, de Méliton, d’Apollonius, & de Clément Alexandrin. Le troisieme concile de Carthage, tenu en 397, l’inséra dans le canon des Ecritures, & depuis ce tems-là l’Eglise d’orient l’a admis comme celle d’occident.

Les Alogiens, hérétiques du deuxieme siecle, rejettoient l’Apocalypse, dont ils tournoient les révélations en ridicule, sur-tout celles des sept trompettes, des quatre Anges liés sur l’Euphrate, &c. S. Epiphane répondant à leurs invectives, observe que l’Apocalypse n’étant pas une simple histoire, mais une prophétie, il ne doit pas paroître étrange que ce livre soit écrit dans un style figuré, semblable à celui des Prophetes de l’ancien Testament.

La difficulté la plus spécieuse qu’ils opposassent à l’authenticité de l’Apocalypse, étoit fondée sur ce qu’on lit au ch. xj. v. 18. Ecrivez à l’ange de l’église de Thyatire. Or, ajoûtoient-ils, du tems de l’apôtre S. Jean il n’y avoit nulle église chrétienne à Thyatire. Le même S. Epiphane convient du fait, & répond que l’Apôtre parlant d’une chose future, c’est-à-dire de l’Eglise qui devoit être un jour établie à Thyatire, en parle comme d’une chose présente & accomplie, suivant l’usage des Prophetes. Quelques modernes ajoûtent, que du tems de S. Epiphane le catalogue des Evêques & les autres actes qui prouvoient qu’il y avoit eu une église à Thyatire dès le tems des Apôtres, étoient inconnus à ce Pere, & que son aveu ne favorise point les Alogiens. Enfin Grotius remarque qu’encore qu’il n’y eût aucune église de Payens convertis à Thyatire quand S. Jean écrivit son Apocalypse, il y en avoit néanmoins une de Juifs, semblable à celle qui s’étoit établie à Thessalonique avant que S. Paul y prêchât.

Il y a eu plusieurs Apocalypses supposées. S. Clément dans ses hypotyposes parle d’une Apocalypse de S. Pierre ; & Sozomene ajoûte, qu’on la lisoit tous les ans vers Pâques dans les églises de la Palestine. Ce dernier parle encore d’une Apocalypse de S. Paul que les Moines estimoient autrefois, & que les Cophtes modernes se vantent de posséder. Eusebe fait aussi mention de l’Apocalypse d’Adam ; S. Epiphane, de celle d’Abraham, supposée par les hérétiques Séthiens, & des révélations de Seth & de Narie femme de Noé, par les Gnostiques. Nicéphore parle d’une Apocalypse d’Esdras ; Gratian & Cédrene d’une Apocalypse de Moyse ; d’une autre attribuée à S. Thomas ; d’une troisieme de S. Etienne ; & S. Jérôme d’une quatrieme, dont on faisoit auteur le prophete Elie. Porphyre dans la vie de Plotin, cite les Apocalypses de Zoroastre, de Zostrein, de Nicothée, d’Allogenes, &c. livres dont on ne connoît plus que les titres, & qui vraissemblablement n’étoient que des recueils de fables. Sixt. senens. lib. II. & VII. Dupin, dissert. prælim. tom. III. & biblioth. des Aut. ecclésiast. (G)

APOCHYLINNE, en Pharmacie, suc végétal épaissi, que l’on appelle dans les boutiques suc épaissi. Voyez Suc épaissi.

* APOCINOS, nom d’une danse ancienne dont il ne nous est resté que le nom.

APOCOPE, s. f. (Gramm.) figure de diction qui se fait lorsqu’on retranche quelque lettre ou quelque syllabe à la fin d’un mot, comme dans ces quatre impératifs, dic, duc, fac, fer, au lieu de dice, duce, &c. ingenî pour ingenii, negotî pour negotii, &c.

Ce mot vient de ἀποκοπὴ, qui est composé de la

préposition άπὸ, & qui répond à l’a ou ab des Latins, & de κόπτω, je coupe, je retranche. (F)

* APOCRÉAS, s. f. (Lithurg.) c’est la semaine qui répond à celle que nous appellons la septuagésime. Les Grecs l’appellent apocréas ou privation de chair ; parce qu’après le Dimanche qui la suit on cesse de manger de la chair, & l’on use de laitage jusqu’au second jour après la quinquagésime, que commence le grand jeûne de Carême. Pendant l’apocréas, on ne chante ni triode ni alleluia. Dict. de Trév.

APOCRISIAIRE, s. m. dans l’Histoire ancienne, c’étoit un officier établi pour porter & faire les messages, intimer les ordres ou déclarer les réponses d’un Prince ou d’un Empereur.

Ce mot est formé du Grec ἀποκρίσις, responsum, réponse, d’où vient qu’il s’appelle souvent en Latin responsalis, porteur de réponses.

Cet officier devint ensuite Chancelier de l’Empereur & garda les sceaux. Nous trouvons quelquefois dans un Latin barbare Asecreta, Secrétaire, pour Apocrisiarius. Zozime le définit un Secrétaire des affaires étrangeres. C’est ce que Vopiscus, dans la vie d’Aurélien, appelle Notarius secretorum. Voyez Secrétaire, &c.

Les Patriarches donnerent ensuite ce nom aux Diacres qu’ils députoient pour les intérêts de leurs églises, & aux Ecclésiastiques qui étoient envoyés de Rome pour traiter des affaires du saint Siége : car outre les Soûdiacres & les défenseurs que les Papes envoyoient de tems en tems dans les provinces pour y exécuter leurs ordres, ils avoient quelquefois un Nonce ordinaire résident à la Cour Impériale, que les Grecs appelloient Apocrisiaire, & les Latins Responsalis ; parce que son emploi n’étoit autre que d’exposer au Prince les intentions du Pape, & au Pape les volontés de l’Empereur, & les réponses réciproques de l’un & de l’autre sur ce qu’il avoit à négocier : de sorte que ces Apocrisiaires étoient, à proprement parler, ce que sont les Ambassadeurs ordinaires des Souverains & les Nonces du Pape auprès des Princes. Saint Grégoire le grand avoit exercé cet emploi avant que d’être Pape, & plusieurs autres l’ont aussi exercé avant leur pontificat. Les Apocrisiaires n’avoient aucune jurisdiction à Constantinople, (non plus que les Nonces n’en ont point en France) si ce n’étoit qu’ils fussent aussi délégués du Pape pour le jugement de quelques causes d’importance. Quoiqu’ils fussent Nonces du Pape, ils cédoient néanmoins aux Evêques, comme il parut au concile de Constantinople en 536, où Pélage, Apocrisiaire du pape Agapet, & le premier de ses Nonces apostoliques qu’on trouve dans l’histoire, souscrivit après les Evêques. Ces Apocrisiaires étoient toûjours des Diacres, & jamais des Evêques ; car ceux-ci n’étoient employés qu’aux Ambassades extraordinaires, ou aux légations. Nous avons remarqué que les Patriarches en Orient avoient leur Apocrisiaire. Ainsi dans le synode tenu à Constantinople l’an 439, Dioscore, Apocrisiaire de l’église d’Alexandrie, soûtint la primatie de son Prélat contre celui d’Antioche. On trouve aussi des exemples d’Apocrisiaires que les Papes ont envoyés aux Patriarches d’Orient. On a encore donné le nom d’Apocrisiaire aux Chanceliers, que l’on appelloit aussi Référendaires. Ainsi Saint Oüen est appellé Apocrisiaire du Roi ; & Aimoin dit, qu’il étoit Référendaire. Voyez Légat. Ducange, Glossarium latinit. Thomass. Discipl. ecclésiast.

Bingham dans ses Antiquités ecclésiastiques, observe que la fonction d’Apocrisiaire des Papes peut avoir commencé vers le tems de Constantin, ou peu après la conversion des Empereurs, qui dut nécessairement établir des correspondances entre eux & les souverains Pontifes : mais on n’en voit guere le nom que vers le regne de Justinien, qui en fait mention