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est un aliment de choix, du son de farine détrempé dans l’eau est pour l’âne un aliment très-nourrissant ; l’avoine répare ses forces lorsqu’elles sont épuisées ; & on dit que plus il boit d’eau, plus il engraisse. On a remarqué qu’il plonge bien peu les levres dans l’eau lorsqu’il boit, & qu’il supporte long-tems la soif. Il y en a qui sont quelquefois deux jours sans boire. Cet animal a l’oüie fort fine : il prend quelquefois une figure hideuse en relevant ses levres, & en mettant ses dents à découvert ; ce qui lui arrive lorsque quelque chose le blesse dans son harnois, & lorsqu’il leve la tête pour éventer une ânesse qu’il sent de loin, & bien d’autres fois sans que l’on puisse deviner ce qui le détermine à faire cette figure, que l’on donne pour le symbole de l’ironie. La voix de l’âne est effrayante ; elle est extrèmement forte, dure, élevée, & très-desagréable à l’oreille ; & lorsqu’il se met à braire, il continue pendant un tems assez considérable, & il recommence à plusieurs reprises.

Les ânes craignent le froid, aussi y en a-t-il peu, ou point du tout, en Angleterre, en Danemarc, en Suede, en Pologne, en Hollande, & dans tous les pays septentrionaux ; & il s’en trouve au contraire beaucoup en Italie, en France, en Allemagne, en Grece, où on a vanté les ânes d’Arcadie comme les meilleurs.

L’âne est un animal stupide, lent & paresseux ; & cependant on convient généralement qu’il est courageux, dur au travail, & patient : mais ordinairement on ne peut le faire marcher qu’à force de coups ; sa peau est si dure qu’il n’est sensible qu’au bâton, & souvent on est obligé de le frapper à grands coups redoublés. Cependant l’âne est un des animaux les plus utiles : c’est une bête de somme qui porte de grands fardeaux à proportion de sa grosseur, surtout lorsqu’on le charge sur les reins ; cette partie étant plus forte que le dos. Il sert de monture : son allure est assez douce & assez prompte : mais il est peu docile, & on ne le manie qu’avec peine. C’est aussi une bête de trait ; on lui fait traîner de petites charrettes, & il tire la charrue dans les terres qui ne sont pas trop fortes. Que de services on peut tirer d’un animal qui coûte si peu à nourrir ! Aussi est-il la ressource des gens de la campagne, qui ne peuvent pas acheter un cheval & le nourrir. L’âne les soulage dans tous leurs travaux ; il est employé à tout, pour semer, pour recueillir & pour porter les denrées au marché. Le lait d’ânesse a de grandes propriétés dans la Medecine ; on le préfere dans certains cas au lait de chevre & au lait de vache. On doit commencer à faire travailler les ânes à trois ans, ils sont très-forts jusqu’à dix ou douze, & même jusqu’à quatorze & quinze ; ils vivent environ trente ans, & même plus. On croit que la vie de la femelle est plus longue que celle du mâle : mais il est rare que cet animal aille au bout de sa carriere naturelle, la plûpart meurent beaucoup plûtôt, excedés de fatigues & de travaux. La peau sert à faire des cribles, des tambours : celle qui recouvre le dos, peut servir à faire des souliers. Voyez Arist. hist. anim. lib. VI. cap. xxiij. Ald. de quadr. solip. lib. I. cap. ij. Voyez Quadrupede.

Asne Sauvage, onager. (Hist. nat.) Les anciens ont fait de l’âne sauvage une espece différente de celle de l’âne domestique, & ils lui ont donné un nom différent. M. Ray dit expressément qu’il n’auroit pas cru qu’il y eût d’autre différence entre l’âne sauvage & l’âne domestique, que celle qui se trouve ordinairement entre deux animaux de la même espece, dont l’un est sauvage & l’autre domestique ; si Belon & Rauwolf qui ont vû l’âne sauvage, n’en avoient fait une espece particuliere. Rauwolf dit que les ânes sauvages sont fréquens en Syrie, que leurs peaux sont très-fortes, & qu’on les prépare de façon que leur surface extérieure est parsemée de petits tubercules

à peu près comme une fraise ; on s’en sert pour faire des fourreaux d’épées, des gaines de coûteaux, &c. C’est ce qu’on appelle du chagrin. Synop. method. anim. quad. pag. 62. Voyez Chagrin. Les descriptions que nous avons de l’âne sauvage sont si imparfaites, qu’on ne sait pas trop quel est cet animal. Il y a grande apparence qu’on l’a souvent confondu avec le zebre, qui est en effet assez ressemblant à l’âne. Voyez Zebre. (I)

Asne Marin, asinus marinus. On a donné ce nom au polype de mer. Voyez Polype de mer. (I)

Asne, s. m. C’est en terme de Tabletier-Cornettier, un outil sur lequel on évuide les dents d’un peigne. Voyez Évuider. L’âne est une espece de tenailles placées sur un établi posé en forme de prie-dieu, sur un montant qui sert de banc, sur lequel l’ouvrier se met à cheval. A la mâchoire supérieure de l’âne est une corde qui descend jusqu’à la hauteur du pié de l’ouvrier, qui lâche ou serre cette corde avec son pié, selon qu’il en est besoin pour les différentes façons qu’il donne au peigne. L’âne est aussi à l’usage des ouvriers en marquetterie. V. Planche de marquetterie, fig. 3. Les échancrures A C du banc A C D N reçoivent les cuisses de l’ouvrier. B est l’extrémité d’une marche sur laquelle l’ouvrier pose son pié. L’action de son pié tend la corde O H. La corde O H tire le levier G HI. Son extrémité I presse la mâchoire mobile K I, & l’ouvrage est serré dans l’étau P. On conçoit que les mâchoires sont plus ou moins écartées, selon que l’ouvrage qu’on a à serrer entr’elles, est plus ou moins gros ; & que par conséquent il falloit avoir la liberté d’approcher ou d’éloigner le levier G HI ; c’est ce qu’on s’est ménagé par le moyen de la cremaillere E G H ; dans les crans de laquelle on peut faire passer le levier G HI.

ANÉANTISSEMENT, s. m. (Métaph.) l’action de réduire une chose à rien, de détruire absolument son existence. Voyez Substance, Existence.

L’anéantissement est opposé à la création : anéantir est réduire quelque chose au néant ; & créer est du néant faire quelque chose. Tout anéantissement est nécessairement surnaturel & métaphysique. Les corps n’admettent point naturellement une destruction totale, quoiqu’ils soient susceptibles d’altérations & de changemens. Voyez Corps, Altération, Corruption .

Quelques Philosophes objectent contre cette notion de l’anéantissement, qu’elle suppose un acte pour l’opérer ; au lieu que l’anéantissement, disent-ils, doit être une conséquence inévitable de la pure inaction de Dieu sur la créature ; c’est-à-dire de la cessation de l’action, par laquelle il l’a créée ; car la conservation d’une chose n’en étant que la pure création continuée, ainsi que tout le monde en convient, il est évident qu’elle doit oesser d’être, dès l’instant que Dieu cesse de la créer. (X)

ANECDOTES, s. f. p. (Hist. anc. & mod.) nom que les Grecs donnoient aux choses qu’on faisoit connoître pour la premiere fois au public, composé d’α privatif avec un ν pour la douceur de la prononciation, & d’ἔκδοτος qui vient lui-même d’ἐκ & de δίδωμι. Ainsi anecdotes veut dire choses non publiées. Ce mot est en usage dans la Littérature pour signifier des histoires secretes de faits qui se sont passés dans l’intérieur du cabinet ou des cours des Princes, & dans les mysteres de leur politique.

Ciceron dans la xvij. de ses épîtres à Atticus, Liv. XIV. s’est servi de ce mot anecdote. Procope a intitulé anecdotes un livre, dans lequel il peint avec des couleurs odieuses l’Empereur Justinien, & Théodore épouse de ce Prince. Il paroît que de tous les anciens, cet auteur est le seul qui se soit donné une pareille licence ; au moins n’a-t-on point d’autre écrit en ce genre que le sien. Varillas parmi les modernes