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ble à cette derniere sorte, lorsqu’il est nouveau ; en vieillissant il devient hépatique, & étant gardé il devient cassant, lucide & transparent.

L’aloès contient beaucoup d’huile & de sel essentiel, d’où vient son amertume.

Les aloès hépatique & succotrin sont de sort bons purgatifs : mais ils causent des hémorrhagies en raréfiant le sang, & d’autres évacuations fâcheuses ; ils sont emménagogues, apéritifs, stomachiques, pourvû qu’on les prenne en mangeant ; car si on les met dans un estomac vuide, ils y causent beaucoup de tranchées & purgent peu ; ils tuent les vers & les chassent ; employés à l’extérieur en teinture, ils desséchent, détergent & consolident les plaies.

C’est un grand atténuant, cordial & restaurant que l’aloès ; il brise & dissout les humeurs pituiteuses & gypseuses. Comme il purge violemment, il faut se donner de garde d’en ordonner l’usage en substance aux femmes enceintes & hystériques, il faut corriger sa vertu purgative avec la casse ; on l’ordonne depuis quatre grains jusqu’à une demi-dragme ; sa partie résineuse, extraite par l’esprit-de-vin, purgera violemment ; la partie gommeuse extraite par l’eau, sera un bon vulnéraire, sur-tout dans les ulceres de la vessie & des reins. La teinture de myrrhe & d’aloès sert à prévenir la mortification dans les plaies.

Si l’on veut donc employer ce remede sans craindre d’augmenter la raréfaction des humeurs, il est à propos de le débarrasser de son principe sulphureux & résineux, ou plûtôt de diviser ses soufres & sa résine. Les pilules de Becher remplissent fort bien ces vûes. Si ces principes ne sont pas divisés, ce remede agite beaucoup le sang & produit d’étranges effets.

M. Boulduc, parlant des purgatifs, dit que l’aloès est un des modérés, & selon l’analyse chimique qu’il en donne, l’aloès succotrin contient à peine la moitié autant de résine ou de matiere sulphureuse que l’aloès hépatique, mais un tiers de plus de substance saline ; c’est pour cela que le succotrin est préféré pour l’usage intérieur parce qu’il a moins de résine. L’hépatique s’emploie avec les baumes naturels, lorsqu’il est question de nettoyer une plaie ou de refermer une coupure récente ; c’est l’effet des particules résineuses & balsamiques dont il est composé.

Quoiqu’il soit besoin de corriger la résine d’aloès en la bridant avec des tempérans, il ne faut pas la séparer entierement des sels ; ceux-ci étant très-actifs rongent les veines & les extrémités déliées des fibres, s’ils ne sont tempérés & enchaînés par la partie résineuse. Les préparations du suc d’aloès demandent à être faites par d’habiles mains. Afin donc qu’elles soient moins nuisibles, loin de séparer la partie saline de la résineuse, M. Boulduc exige qu’on travaille à les unir par un sel alkali, comme le sel de tartre, &c. Il faut, ajoûte ce célebre Artiste, non-seulement aider la nature par des remedes, mais encore lui donner du secours dans la façon d’administrer les remedes mêmes. Hist. de l’Acad. R. des Scienc. 1708.

Les différentes préparations d’aloès se trouvent dans toutes les Pharmacopées ; telles sont l’aloès rosat, les pilules d’aloès lavé, la teinture d’aloès ; il entre dans différentes pilules, telles que celles de Bécher, les pilules de Rufus, les aléophangines, les marocostines. L’élixir de propriété doit ses vertus à la teinture tirée de cette résine, &c.

Aloès rosat le plus simple & le seul d’usage. Prenez de l’aloès succotrin luisant en poudre, quatre onces ; du suc dépuré de roses de Damas, une pinte : mettez le tout en digestion sur un feu modéré, jusqu’à ce que le phlegme superflu soit évaporé, & qu’il se fasse une consistence de pilules secundum artem.

Pilules d’aloès lavé. Prenez de l’aloès dissous dans du suc de roses & épaissi, une once ; de trochisques d’agaric, trois dragmes ; de mastic, deux dragmes ; du sirop de roses de Damas, quantité suffisante pour faire des pilules s. a.

Nota que, selon quelques Auteurs, les trois especes d’aloés ci-dessus, le succotrin, l’hépatique & le caballin, peuvent se tirer de la même plante par la seule différence de l’évaporation. (N)

Aloès. Voyez Aires.

ALOÉTIQUE, adj. On se sert de ce mot en Pharmacie pour exprimer toutes les préparations dont l’aloès fait la base ou le principal ingrédient. (N)

ALOGIENS, s. m. (Théol.) secte d’anciens hérétiques dont le nom est formé d’α privatif, & de λόγος, parole ou Verbe, comme qui diroit sans Verbe, parce qu’ils nioient que Jesus-Christ fût le Verbe éternel, & qu’en conséquence ils rejettoient l’évangile de S. Jean comme un ouvrage apocryphe écrit par Cerinthe, quoique cet Apôtre ne l’eût écrit que pour confondre cet hérétique, qui nioit aussi la divinité de Jesus-Christ.

Quelques Auteurs rapportent l’origine de cette secte à Théodose de Bysance, corroyeur de son métier, & cependant homme éclairé, qui ayant apostasié pendant la persécution de Sévere, répondit à ceux qui lui reprochoient ce crime, que ce n’étoit qu’un homme qu’il avoit renié, & non pas un Dieu ; & que de-là ses disciples qui nioient l’existence du Verbe, prirent le nom d’ἄλογοι : « ils disoient, ajoûte M. Fleury, que tous les Anciens, & même les Apôtres, avoient reçû & enseigné cette doctrine, & qu’elle s’étoit conservée jusqu’au tems de Victor, qui étoit le treizieme Evêque de Rome depuis S. Pierre : mais que Zephirin, son successeur, avoit corrompu la vérité ». Mais outre qu’un Auteur contemporain leur opposoit les écrits de Justin, de Miltiade, de Tatien, de Clément, d’Irénée, de Meliton, & autres Anciens qui disoient que Jesus-Christ étoit Dieu & homme ; il étoit sûr que Victor avoit excommunié Théodose : & comment l’eût-il excommunié, s’ils eussent été du même sentiment ? Hist. eccl. tome I. L. IV. n°. xxiij. p. 489.

D’autres avancent que ce fut S. Epiphane, qui dans sa liste des héréfies leur donna ce nom : mais ce sentiment paroît moins fondé que le premier ; d’autant plus que d’autres Peres, & grand nombre d’Auteurs ecclésiastiques, parlent des Alogiens comme des sectateurs de Théodose de Bysance. V. Tertul. L. des preser. c. dernier. S. Aug. de hær. c. xxxiij. Euseb. L. V. chap. xix. Baronius, ad ann. 196. Tillemont. Dupin, Bibliot. des Aut. eccles. 1. siecle. (G)

ALOGOS, ou sans raison, nom que les Egyptiens donnoient à Thyphon. Voyez Thyphon.

ALOI, s. m. terme d’Orfévre, de Bijoutier, & autres ouvriers en métaux précieux ; se dit du mêlange d’un métal précieux avec un autre, dans un certain rapport convenable à la destination du mêlange. L’aloi est à l’alliage, comme l’espece au genre, ou comme alliage est à mêlange. Mêlange se dit de toutes matieres mises ensemble : alliage se dit seulement d’un mêlange de métaux ; & aloi ne se dit que d’un alliage de métaux fait dans un certain rapport déterminé par l’usage de la matiere ou du mêlange, ou ordonné par les reglemens. Si le rapport déterminé par l’usage, ou ordonné par les reglemens, se trouve dans le mêlange, on dit du mêlange qu’il est de bon aloi ; sinon, on dit qu’il est de mauvais aloi : bon aloi est synonyme à titre, quand il s’agit des matieres d’or ou d’argent. Voyez Titre.

* ALOIDES, aloe palustris, plante qui a la feuille de l’aloès, seulement un peu plus courte & plus étroite, bordée d’épines, & chargée de gousses sem-