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destinée à fournir à quelqu’un ces besoins ; qu’on appelle aussi par cette raison pension alimentaire.

Ainsi l’on dit que les enfans doivent les alimens à leurs pere & mere, s’ils sont en nécessité, & un pere ou une mere à ses enfans, même naturels : un mari est obligé de nourrir & entretenir sa femme quand elle ne lui auroit point apporté de dot ; comme la femme est obligée de fournir des alimens à son mari lorsqu’il n’a pas de quoi vivre : le beau-pere & la belle-mere sont pareillement obligés d’en fournir à leur gendre & à leur bru ; & le gendre & la bru à leur beau-pere ou leur belle-mere, tant que l’alliance dure.

Le pere n’est pas obligé de fournir des alimens à un enfant qu’il est dans le cas de deshériter ; ni l’ayeul à ses petits enfans si leur pere s’est marié sans son consentement, à moins qu’il n’ait fait les sommations respectueuses.

Pour la faveur des alimens, il est défendu de faire aucune stipulation sur les revenus à écheoir pour les éteindre ou les diminuer ; on n’en admet point la compensation. Les contestations pour cause d’alimens doivent être jugées sommairement, & le jugement qui intervient doit être exécuté nonobstant l’appel. Les alimens légués par testament sont ordonnés par provision, si l’héritier est absent ou qu’il differe d’accepter la succession. Quand le Prince accorde des Lettres de surséance, ils en sont exceptés. Si les alimens ont été légués jusqu’à l’âge de puberté, elle est réputée pour ce cas ne commencer qu’à dix-huit ans.

C’est aussi en conséquence de la faveur que méritent les alimens, que le Boulanger & le Boucher, & autres marchands de fournitures de bouche, sont, dans quelques Jurisdictions, préférés aux autres créanciers. (H)

Alimens (les) méritent une attention singuliere dans la pratique de la Medecine ; car on peut les regarder 1°. comme causes des maladies lorsqu’ils sont ou vicieux ou pris en trop grande quantité : 2°. comme remedes dans les maladies, ou comme faisant partie du régime que doivent tenir les malades pour obtenir leur guérison.

Des alimens considérés comme cause de maladies.

On peut considérer dans les alimens leur quantité, leur qualité, le tems de les prendre, les suites des alimens mêmes. Tous ces motifs peuvent faire envisager les alimens comme causes d’autant de maladies, & tendent à prouver que ce n’est pas sans raison que les plus grands Medecins insistent si fort sur la diete dans la pratique ordinaire de Medecine.

I. La quantité trop grande des alimens devient la cause de nombre de maladies En effet, les alimens amassés dans l’estomac en plus grande quantité qu’il n’en peut porter, causent à ce viscere un grand travail : la digestion devient pénible, les deux orifices du ventricule se trouvent fermés de maniere que les alimens ne peuvent en sortir ; ce qui excite des cardialgies, des douleurs dans l’épigastre, des gonflemens des hypochondres, des suffocations qui sont plus grandes lorsqu’on est couché sur le dos & sur le côté gauche ; parce que le diaphragme étant horisontal, le poids & la plénitude de l’estomac l’emportent sur la contraction de ce muscle, & le ventricule ne se vuide que par des convulsions, sans avoir changé le tissu des alimens ; ce qui cause des diarrhées, des lienteries, & des coliques avec dyssenterie. S’il passe dans les vaisseaux lactées quelques parties de ces alimens indigestes & non divisés, elles épaississent le chyle, comme nous l’allons voir.

II. La qualité vicieuse des alimens produit un effet encore plus dangereux : en se digérant ils se mêlent avec les humeurs à qui elles communiquent leur mau-

vaise qualité. Ces qualités sont l’alkalescence, l’acidité,

la qualité rance, la viscosité & la glutinosité ; toutes ces qualités méritent l’attention des Praticiens, & font un des plus grands objets dans les maladies.

1°. Tous les alimens tirés du regne animal sont alkalins, de même que toutes les plantes légumineuses & cruciferes. Les chairs des animaux vieux ou fort exercés sont encore plus alkalines. Les sels volatils des parties des animaux s’exaltent de même que les huiles, & produisent l’effet des alkalis volatils. Voyez Alkali.

2°. L’acidité des alimens est occasionnée par les fruits acides, les herbes, les fruits d’été, les boissons acides, le lait, les vins acides, l’esprit-de-vin, la bierre, & enfin toutes les substances où l’acide domine. Cette acidité produit des maladies dans ceux où les organes sont trop foibles pour dénaturer ces acides & empêcher leur effet pernicieux. V. Acide.

3°. La qualité rance des alimens est sur-tout remarquable dans les chairs salées, le lard, les graisses trop vieilles, de même que les huiles ; elle est aussi produite par le séjour trop long de ces alimens dans l’estomac sans être digérés. Elle produit les mêmes maladies que l’alkalicité des humeurs, & demande les mêmes remedes.

4°. L’acrimonie muriatique est produite par les alimens salés, les poissons, les chairs salées, la grande quantité de sel dans les alimens & leur assaisonnement de trop haut goût : la quantité des épiceries & aromates engendrent des maladies qui dépendent de l’acrimonie muriatique, telles que le scorbut des pauvres & des gens de mer, & le scorbut des gens oisifs, & sur-tout des riches & des gens de Lettres. Voyez Scorbut & Acrimonie.

5°. La viscosité & la glutinosité se trouvent dans les alimens durs, ténaces, compacts, dont le suc est muqueux, visqueux & comme de la colle ; tels sont les viandes dures, les extrémités des animaux, les peaux, les cartilages, les tendons ; telles sont les plantes légumineuses, les féves & les pois, les féves de marais, &c. Cette viscosité produit les maladies de l’épaississement & de la viscosité des humeurs ; l’obstruction des petits vaisseaux, les flatuosités, les coliques venteuses & souvent bilieuses avec diarrhées.

Mais ces différentes sortes d’alimens ne produisent ces effets qu’à raison de leur trop grande quantité ou de la disposition particuliere du tempérament : d’ailleurs le défaut de boisson suffisante ou même le trop de boisson servent encore à diminuer les forces des organes de la digestion.

III. Le tems de prendre les alimens influe sur leur altération. Si on les prend lorsque l’estomac est plein & chargé de crudités ou de salure, ils ne servent qu’à l’augmenter : lorsque l’estomac est vuide, & leur quantité immoderée ou leur qualité vicieuse, ils ne peuvent produire que des effets pernicieux.

Si on mange après une grande évacuation de sang, de semence ou de quelqu’autre humeur, la digestion devient difficile à cause de la déperdition des esprits animaux.

3°. Lorsque l’on mange dans le tems de la fievre, alors les sucs digestifs ne peuvent se séparer par l’érétisme & la trop grande tension des visceres ; il se forme un nouveau levain qui entretient & augmente celui de la fievre.

La cure des maladies dont la cause est produite par les alimens, se réduit à enlever la salure qu’ils ont formée, à empêcher la régénération d’une nouvelle, & à fortifier l’estomac contre les effets produits, ou par la quantité ou par la qualité des alimens.

Le premier moyen consiste à employer les émétiques, si l’estomac est surchargé, selon la nature & la force du tempérament ; l’émétique est préférable aux purgatifs, d’autant que ceux-ci mêlent une