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la matiere ainsi extraite des corps solides a toutes les propriétés de l’air ; si cet air n’est pas passager, ou si l’air permanent qu’on tire des corps n’y existoit pas déjà. M. Boyle prouve par une expérience faite dans la Machine pneumatique avec une meche allumée, que cette fumée subtile que le feu éleve même des corps secs, n’a pas autant de ressort que l’air, puisqu’elle ne sauroit empêcher l’expansion d’un peu d’air enfermé dans une vessie qu’elle environne. Physic. mech. Exper. Néanmoins dans quelques expériences postérieures, en dissolvant du fer dans l’huile de vitriol & de l’eau, ou dans de l’eau-forte, il a formé une grosse bulle d’air qui avoit un véritable ressort, & qui en conséquence de son ressort, empêchoit que la liqueur voisine ne prit sa place ; lorsqu’on y appliqua la main toute chaude, elle se dilata aisément comme tout autre air, & se sépara dans la liqueur même en plusieurs bulles, dont quelques-unes s’éleverent hors de la liqueur en plein air. Ibid.

Le même Physicien nous assûre avoir tiré une substance vraiment élastique de plusieurs autres corps ; comme du pain, du raisin, de la bierre, des pommes, des pois, du bœuf, &c. & de quelques corps, en les brûlant dans le vuide, & singulierement du papier, de la corne de cerf : mais cependant cette substance, à l’examiner de près, étoit si éloignée de la nature d’un air pur, que les animaux qu’on y enfermoit, non-seulement ne pouvoient respirer qu’avec peine, mais même y mouroient plus vîte que dans un vuide, où il n’y auroit point eu d’air du tout. Physic. mechan. exper.

Nous pouvons ajoûter ici une observation de l’Académie Royale des Sciences, qui est que l’élasticité est si éloignée d’être la qualité constitutive de l’air, qu’au contraire s’il se joint à l’air quelques matieres hétérogenes, il devient plus élastique qu’il ne l’étoit dans toute sa pureté. Ainsi M. de Fontenelle assûre en conséquence de quelques expériences faites à Paris par M. de la Hire, & à Boulogne par M. Stancari, que l’air rendu humide par le mélange des vapeurs est beaucoup plus élastique, & plus capable d’expansion, que quand il est pur ; & M. de la Hire le juge huit fois plus élastique que l’air sec. Hist. de l’Acad. an. 1708.)

Mais il est bon d’observer aussi que M. Jurin explique ces expériences d’une autre maniere, & prétend que la conséquence qu’on en tire, n’en est pas une suite nécessaire. Append. ad V aren. Geogr.

Tout ce que nous venons de dire, s’entend de l’air considéré en lui-même : mais, comme nous l’avons remarqué, cet air n’existe nulle part pur de tout mêlange. Or ces substances hétérogenes des propriétés & des effets desquels nous avons à traiter ici, sont selon M. Boyle, d’une nature toute différente de celle de l’air pur. Boerhaave même fait voir que c’est un cahos & un assemblage de toutes les especes de corps créés. Tout ce que le feu peut volatiliser s’éleve dans l’air : or il n’y a point de corps qui puisse résister à l’action du feu. Voyez Feu, Volatil, &c.

Par exemple, il doit s’y trouver 1°. des particules de toutes les substances qui appartiennent au regne minéral : car toutes ces substances, telles que les sels, les soufres, les pierres, les métaux, &c. peuvent être converties en fumée, & par conséquent prendre place parmi les substances aériennes. L’or même, le plus fixe de tous les corps naturels, se trouve dans les mines fortement adhérent au soufre, & peut conséquemment être élevé avec ce minéral. Voyez Or, &c.

2°. Il faut aussi qu’il y ait dans l’air des particules de toutes les substances qui appartiennent au regne animal. Car les émanations abondantes qui sortent perpétuellement des corps des animaux par la

transpiration qu’opere sans cesse la chaleur vitale, portent dans l’air pendant le cours entier de la vie d’un animal plus de particules de sa substance qu’il n’en faudroit pour récomposer plusieurs corps semblables. Voyez Transpiration, Emanation, &c.

De plus, quand un animal mort reste exposé à l’air, toutes ses parties s’évaporent & se dissipent bien-tôt ; de sorte que la substance dont étoit composé un animal, un homme par exemple, un bœuf ou tout autre, se trouve presque toute convertie en air.

Voici une preuve entre mille autres, qui fait bien voir que l’air se charge d’une infinité de particules excrémenteuses ; on dit qu’à Madrid, on n’est point dans l’usage d’avoir des privés dans les maisons ; que les rues en servent la nuit : que cependant l’air enleve si promptement les particules fétides, qu’il n’en reste aucune odeur le jour.

3°. Il est également certain que l’air est aussi chargé de végétaux ; car on sait que toutes les substances végétales deviennent volatiles par la putréfaction, sans même en excepter ce qu’il y a de terreux & de vasculaire qui s’échappe à son tour. Voyez Végétal, Plante, &c.

De toutes ces émanations qui flotent dans le vaste océan de l’atmosphere, les principales sont celles qui consistent en parties salines. La plûpart des Auteurs imaginent qu’elles sont d’une espece nitreuse : mais il n’y a pas à douter qu’il n’y en ait de toutes sortes ; du vitriol, de l’alun, du sel marin, & une infinité d’autres. Voyez Sel, Nitre, &c.

M. Boyle observe même qu’il peut y avoir dans l’air quantité de sels composés qui ne sont point sur terre : formés par la rencontre fortuite & le mêlange de différens esprits salins. Ainsi l’on voit des vitrages d’anciens bâtimens, corrodés comme s’ils avoient été rongés par des vers, quoique aucun des sels que nous connoissons en particulier, ne fût capable de produire cet effet.

Les soufres sont sans doute une partie considérable de la substance aérienne, à cause du grand nombre de volcans, de grottes, de cavernes, & de soûpiraux ; d’où il sort une quantité considérable de soufres qui se répand dans l’atmosphere. Voyez Soufre, Volcan, &c.

Et l’on peut regarder les aggrégations, les séparations, les frottemens, les dissolutions & les autres opérations d’une matiere sur une autre, comme les sources d’une infinité de substances neutres & anonymes qui ne nous sont pas connues.

L’air, pris dans cette acception générale, est un des agens les plus considérables & les plus universels qu’il y ait dans la nature, tant pour la conservation de la vie des animaux, que pour la production des plus importans phénomenes qui arrivent sur la terre. Ses propriétés & ses effets-ayant été les principaux objets des recherches & des découvertes des Philosophes modernes ; ils les ont réduits à des lois & des démonstrations précises qui font partie des branches des Mathématiques qu’on appelle Pneumatique & Airométrie. Voyez Respiration, Pneumatique & Airometrie, &c.

Parmi les propriétés & les effets méchaniques de l’air, les principaux sont sa fluidité, sa pesanteur & son élasticité. 1°. Commençons par la fluidité. Cette propriété de l’air est constante par la facilité qu’ont les corps à le traverser, par la propagation des sons, des odeurs & émanations de toutes sortes qui s’échappent des corps ; car ces effets désignent un corps dont les parties cedent au plus léger effort, & en y cédant, se meuvent elles-mêmes avec beaucoup de facilité : or voilà précisément ce qui constitue le fluide. L’air ne perd jamais cette propriété, soit qu’on le garde plusieurs années dans une bouteille fermée,