voriser par des Reglemens les habitans de la campagne. Ils ont tous fait défenses de saisir les meubles, les harnois, les instrumens & les bestiaux du Laboureur. Louis XIII. & Louis XIV. les ont confirmés. Cet article n’auroit point de fin, si nous nous proposions de rapporter toutes les Ordonnances relatives à la conservation des grains depuis la semaille jusqu’à la récolte. Mais ne sont-elles pas toutes bien justes ? Est-il quelqu’un qui voulût se donner les fatigues & faire toutes les dépenses nécessaires à l’agriculture, & disperser sur la terre le grain qui charge son grenier, s’il n’attendoit la récompense d’une heureuse moisson ?
La Loi de Dieu donna l’exemple. Elle dit : « Si l’homme fait du dégât dans un champ ou dans une vigne en y laissant aller sa bête, il réparera ce dommage aux dépens de son bien le meilleur. Si le feu prend à des épines & gagne un amas de gerbes, celui qui aura allumé ce feu supportera la perte ». La loi des hommes ajoûta : « Si quelque voleur de nuit dépouille un champ qui n’est pas à lui, il sera pendu, s’il a plus de quatorze ans ; il sera battu de verges, s’il est plus jeune, & livré au propriétaire du champ, pour être son esclave jusqu’à ce qu’il ait réparé le dommage, suivant la taxe du Préteur. Celui qui mettra le feu à un tas de blé, sera fouetté & brûlé vif. Si le feu y prend par sa négligence, il payera le dommage, ou sera battu de verges, à la discrétion du Préteur ».
Nos Princes n’ont pas été plus indulgens sur le dégât des champs. Ils ont prétendu qu’il fût seulement réparé, quand il êtoit accidentel ; & réparé & puni, quand il étoit médité. « Si les bestiaux se répandent dans les blés, ils seront saisis, & le berger sera châtié ». Il est défendu, même aux Gentils-hommes, de chasser dans les vignes, dans les blés, dans les terres ensemencées. Voyez l’Edit d’Henri IV. c. Follembray, 12 Janvier 1599. Voyez ceux de Louis XIV. Août 1689. & 20 Mai 1704. Ils ont encore favorisé la récolte en permettant d’y travailler même les jours de Fêtes. Mais nous renvoyons à l’article Grain & à d’autres articles, ce qui a rapport à la récolte, à la vente, au commerce, au transport, à la police des grains, & nous passons à la culture des terres.
Pour cultiver les terres avec avan age, il importe d’en connoître la nature : telle terre demande une façon, telle autre une autre ; celle-ci une espece de grains, celle-là une autre espece. On trouvera à l’article Terre & Terroir en général ce qui y a rapport, & aux plantes différentes le terroir & la culture qu’elles demandent : nous ne réserverors ici que ce qui concerne l’agriculture en général ou le labour.
1. Proportionnez vos bêtes & vos ustenciles, le nombre, la profondeur, la figure, la saison des labours & des repos, à la qualité de vos terres & à la nature de votre climat.
2. Si votre domaine est de quelqu’étendue, divisez-le en trois parties égales ou à peu près ; c’est ce qu’on appelle mettre ses terres en soles.
Semez l’une de ces trois parties en blé, l’autre en avoine & menus grains, qu’on appelle mars, & laissez la troisieme en jachere.
3. L’année suivante, semez la jachere en blé ; changez en avoine celle qui étoit en blé, & mettez en jachere celle qui étoit en avoine.
Cette distribution rendra le tribut des années, le repos & le travail des terres à peu près égaux, si l’on combine la bonté des terres avec leur étendue. Mais le Laboureur prudent, qui ne veut rien laisser au hasard, aura plus d’égard à la qualité des terres qu’à la peine de les cultiver ; & la crainte de la disette le déterminera plûtôt à fatiguer considérablement une année, afin de cultiver une grande
4. Ne dessolez point vos terres, parce que cela vous est défendu, & que vous ne trouveriez pas votre avantage à les faire porter plus que l’usage & un bon labourage ne le permettent.
5. Vous volerez votre maître, si vous êtes fermier, & que vous décompotiez contre sa volonté, & contre votre bail. Voyez Décompoter.
Terres à blé. Vous donnerez trois façons à vos terres à blé avant que de les ensemencer, soit de froment, soit de méteil, soit de seigle : ces trois façons vous les donnerez pendant l’année de jachere. La premiere aux environs de la Saint Martin, ou après la semaille des menus grains vers Pâques : mais elle est plus avantageuse & plus d’usage en automne. Elle consiste à ouvrir la terre & à en détruire les mauvaises herbes : cela s’appelle faire la cassaille, ou sombrer, ou égerer, ou jacherer, ou lever le guéret, ou guerter, ou mouvoir, ou casser, tourner, froisser les jacheres. Ce premier labour n’est gueres que de quatre doigts de profondeur, & les sillons en sont serrés : il y a pourtant des Provinces où l’on croit trouver son avantage à le donner profond. Chacun a ses raisons. On retourne en terre par cette façon le chaume de la dépouille précédente, à moins qu’on n’aime mieux y mettre le feu. Si on y a mis le feu, on laboure sur la cendre, ou bien on brûle le chaume, comme nous venons de dire ; ou on l’arrache pour en faire des meules, & l’employer ensuite à différens usages ; ou on le retourne, en écorchant légerement la terre. Dans ce dernier cas, on lui donne le tems de pourir, & au mois de Décembre on retourne au champ avec la charrue, & on lui donne le premier des trois véritables labours : ce labour est profond, & s’appelle labour en plante. Il est suivi de l’émotage qui se fait avec le casse-motte, mais plus souvent avec une forte herse garnie de fortes dents de fer. Il faut encore avoir soin d’ôter les pierres ou d’épierrer, d’ôter les souches ou d’essarter les ronces, les épines, &c.
Le second labour s’appelle binage ; quand on a donné la premiere façon avant l’hyver, on bine à la fin de l’hyver ; si on n’a donné la premiere façon qu’après l’hyver, on bine six semaines ou un mois après. On avance ou on recule ce travail, suivant la température de l’air ou la force des terres. Il faut que ce labour soit profond.
Le troisieme labour s’appelle, ou tierçage, ou rebinage. On fume les terres avant que de le donner, si on n’y a pas travaillé plûtôt. Il doit être profond quand on ne donne que trois façons ; on le donne quand l’herbe commence à monter sur le guéret, & qu’on est prêt à l’emblaver, & tout au plus huit à quinze jours avant.
Comme il faut qu’il y ait toûjours un labour avant la semaille, il y a bien des terres qui demandent plus de trois labours. On donne jusqu’à quatre à cinq labours aux terres fortes, à mesure que les herbes y viennent ; quand la semaille est précédée d’un 4e labour, ce labour est léger ; il s’appelle traverser. On ne traverse point les terres glaiseuses, enfoncées, & autres d’où les eaux s’écoulent difficilement. Quand on donne plus de trois labours, on n’en fait gueres que deux ou trois pleins ; deux l’hyver, un avant la semaille : les autres ne sont proprement que des demi-labours qui se font avec le soc simple, sans coutre & sans oreilles.
Terres à menus grains. On ne laisse reposer ces terres depuis le mois de Juillet ou d’Août qu’elles