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* AGNONE ou ANGLONE, (Géog.) ville considérable du Royaume de Naples dans l’Abruzze près du Mont-Marel.

AGNUS-CASTUS, en latin vitex, arbrisseau dont la fleur est composée d’une seule feuille, & dont le pistil devient un fruit composé de plusieurs capsules. Cette fleur semble être divisée en deux levres ; sa partie postérieure forme un tuyau ; il sort du calice un pistil qui est fiché comme un clou dans la partie postérieure de la fleur ; dans la suite il devient un fruit presque sphérique, divisé en quatre cellules, & rempli de semences oblongues. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

Agnus Castus, (Mat. med.) on se sert de sa feuille, de sa fleur, & surtout de sa semence pour résoudre, pour attenuer, pour exciter l’urine & les mois aux femmes, pour ramollir les duretés de la rate, pour chasser les vents ; on en prend en poudre & en décoction ; on l’applique aussi extérieurement. (N)

AGNUS DEI, (Théol.) est un nom que l’on donne aux pains de cire empreints de la figure d’un agneau portant l’étendart de la croix, & que le pape bénit solemnellement le dimanche in albis après sa consécration, & ensuite de 7 ans en 7 ans, pour être distribué au peuple.

Ce mot est purement Latin & signifie agneau de Dieu, nom qu’on lui a donné à cause de l’empreinte qu’il porte.

L’origine de cette cérémonie vient d’une coûtume ancienne dans l’église de Rome. On prenoit autrefois le dimanche in albis, le reste du cierge pascal béni le jour du samedi saint, & on le distribuoit au peuple par morceaux. Chacun les brûloit dans sa maison, dans les champs, les vignes, &c. comme un préservatif contre les prestiges du démon, & contre les tempêtes & les orages. Cela se pratiquoit ainsi hors de Rome : mais dans la ville, l’archidiacre au lieu du cierge pascal, prenoit d’autre cire sur laquelle il versoit de l’huile, & en faisant divers morceaux en figures d’agneaux, il les bénissoit & les distribuoit au peuple. Telle est l’origine des agnus Dei que les papes ont depuis bénis avec plus de cérémonies. Le sacristain les prépare long-tems avant la bénédiction. Le pape revêtu de ses habits pontificaux, les trempe dans l’eau-benite & les bénit. Après qu’on les en a retirés, on les met dans une boëte qu’un soûdiacre apporte au pape à la messe après l’agnus Dei, & les lui présente en répétant trois fois ces paroles : ce sont ici de jeunes agneaux qui vous ont annoncé l’alleluia ; voilà qu’ils viennent à la fontaine pleins de charité, alleluia. Ensuite le pape les distribue aux cardinaux, évêques, prélats, &c. On croit qu’il n’y a que ceux qui sont dans les ordres sacrés qui puissent les toucher ; c’est pourquoi on les couvre de morceaux d’étoffe proprement travaillés, pour les donner aux laïques. Quelques écrivains en rendent bien des raisons mystiques, & leur attribuent plusieurs effets. L’ordre Romain. Amalarius, Valafrid Strabon, Sirmond dans ses notes sur Ennodius ; Théophile, Raynaud.

Agnus Dei, partie de la Liturgie de l’Eglise Romaine, ou priere de la messe entre le pater & la communion. C’est l’endroit de la messe où le prêtre se frappant trois fois la poitrine, répete autant de fois à voix intelligible, la priere qui commence par ces deux mots agnus Dei. (G)

* AGNUS SCYTHICUS. (Hist. nat. bot.) Kircher est le premier qui ait parlé de cette plante. Je vais d’abord rapporter ce qu’a dit Scaliger pour faire connoître ce que c’est que l’agnus scythicus, puis Kempfer & le savant Hans Sloane nous apprendront ce qu’il en faut penser. « Rien, dit Jules César Scaliger, n’est comparable à l’admirable arbrisseau de Scythie. Il croît principalement dans le Zaccolham, aussi célebre par son antiquité que

par le courage de ses habitans. L’on seme dans cette contrée une graine presque semblable à celle du melon, excepté qu’elle est moins oblongue. Cette graine produit une plante d’environ trois piés de haut, qu’on appelle boramets, ou agneau, parce qu’elle ressemble parfaitement à cet animal par les piés, les ongles, les oreilles & la tête ; il ne lui manque que les cornes, à la place desquelles elle a une touffe de poil. Elle est couverte d’une peau légere dont les habitans font des bonnets. On dit que sa pulpe ressemble à la chair de l’écrevisse de mer, qu’il en sort du sang quand on y fait une incision, & qu’elle est d’un goût extrèmement doux. La racine de la plante s’étend fort loin dans la terre : ce qui ajoûte au prodige, c’est qu’elle tire sa nourriture des arbrisseaux circonvoisins, & qu’elle périt lorsqu’ils meurent ou qu’on vient à les arracher. Le hasard n’a point de part à cet accident : on lui a causé la mort toutes les fois qu’on l’a privée de la nourriture qu’elle tire des plantes voisines. Autre merveille, c’est que les loups sont les seuls animaux carnassiers qui en soient avides. (Cela ne pouvoit manquer d’être.) On voit par la suite que Scaliger n’ignoroit sur cette plante que la maniere dont les piés étoient produits & sortoient du tronc ».

Voilà l’histoire de l’agnus scythicus, ou de la plante merveilleuse de Scaliger, de Kircher, de Sigismond, d’Hesberstain, d’Hayton Arménien, de Surius, du Chancelier Bacon, (du Chancelier Bacon, notez bien ce témoignage) de Fortunius Licetus, d’André Lebarrus, d’Eusebe de Nuremberg, d’Adam Olearius, d’Olaus Vormius, & d’une infinité d’autres Botanistes.

Seroit-il bien possible qu’après tant d’autorités qui attestent l’existence de l’agneau de Scythie, après le détail de Scaliger, à qui il ne restoit plus qu’à savoir comment les piés se formoient, l’agneau de Scythie fût une fable ? Que croire en Histoire naturelle, si cela est ?

Kempfer, qui n’étoit pas moins versé dans l’Histoire naturelle que dans la Medecine, s’est donné tous les soins possibles pour trouver cet agneau dans la Tartarie, sans avoir pû y réussir. « On ne connoît ici, dit cet auteur, ni chez le menu peuple ni chez les Botanistes, aucun zoophite qui broute ; & je n’ai retiré de mes recherches que la honte d’avoir été trop crédule ». Il ajoûte que ce qui a donné lieu à ce conte, dont il s’est laissé bercer comme tant d’autres, c’est l’usage que l’on fait en Tartarie de la peau de certains agneaux dont on prévient la naissance, & dont on tue la mere avant qu’elle les mette bas, afin d’avoir leur laine plus fine. On borde avec ces peaux d’agneaux des manteaux, des robes & des turbans. Les voyageurs, ou trompés sur la nature de ces peaux par ignorance de la langue du pays, ou par quelqu’autre cause, en ont ensuite imposé à leurs compatriotes, en leur donnant pour la peau d’une plante la peau d’un animal.

M. Hans-Sloane dit que l’agnus scythicus est une racine longue de plus d’un pié, qui a des tubérosités, des extrémités desquelles sortent quelques tiges longues d’environ trois à quatre pouces, & assez semblables à celles de la fougere, & qu’une grande partie de sa surface est couverte d’un duvet noir jaunâtre, aussi luisant que la soie, long d’un quart de pouce, & qu’on emploie pour le crachement de sang. Il ajoûte qu’on trouve à la Jamaïque plusieurs plantes de fougere qui deviennent aussi grosses qu’un arbre, & qui sont couvertes d’une espece de duvet pareil à celui qu’on remarque sur nos plantes capillaires ; & qu’au reste il semble qu’on ait employé l’art pour leur donner la figure d’un agneau, car les raci-