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GABAA.


que Sçha’fât, situé plus bas ; on ne comprendrait guère, en effet, qu’il eût choisi comme point de repère le site le plus éloigné. Mais comment concilier les deux passages, et quel chiffre fout-il préférer ? On répond que, dans le premier, les vingt stades peuvent bien n’avoir qu’une valeur approximative : « Marchons encore une vingtaine de stades, dit le lévite, et nous rencontrerons une ville habitée par des gens de notre nation. » Cette explication est d’autant plus plausible que nous voyons, dans le même paragraphe de Josèphe, Ant. jud., V, ii, 8, quelques lignes au-dessus, combien les chiffres manquent d’exactitude ou tout au moins ont une certaine élasticité, puisqu’il place Bethléhem à trente stades de Jérusalem, alors qu’il aurait dû dire quarante (sept kilomètres 398 mètres). Ensuite, à la distance précise de 3 700 mètres, on ne trouve sur la route même suivie par le lévite aucune ruine de ville qui puisse répondre à celle de Gabaa ; tandis que, un peu plus loin, à une demi-heure environ au sud de Rama, où il n’eut pas le temps de parvenir, à cause de la nuit qui l’avait surpris en chemin, s'élève une colline répondant parfaitement aux données de l'Écriture et à celles dé Josèphe. Elle s’appelle Tell el-Fûl ou « la colline des fèves » (fig. 2).

Cette hauteur, par son élévation et sa forme conique, justifie très bien la dénomination de gib’dh. Elle est actuellement cultivée d'étage en étage. Sur la plate-forme supérieure, on remarque les restes d’une tour rectangulaire mesurant approximativement dix-huit mètres de long sur seize de large. Les fondations en ont été sondées par le lieutenant Warren, au mois de mai 1868, jusqu'à une assez grande profondeur : elles consistent en moellons peu réguliers cimentés seulement avec de la terre. Quant à la tour proprement dite, elle devait être bâtie avec des blocs plus considérables, dont quelques-uns sont encore en place. Au centre avait été construit une sorte de puits carré, aboutissant, dans sa partie inférieure, à une grande pierre percée d’un orifice circulaire et placée au-dessus d’une cavité peu considérable. Autour régnaient un chemin de ronde et une enceinte, aujourd’hui en grande partie démolie ; elle était construite avec des blocs assez mal équarris ; les vides étaient remplis avec des blocailles. Au nord et au bas de cette colline, s'étendent, le long de la route conduisant de Jérusalem à Naplouse, pendant l’espace de plusieurs centaines de mètres, des ruines assez indistinctes, au milieu desquelles on remarque quelques gros blocs et des citernes creusées dans le roc. Ces ruines appartiennent à la même localité antique, dont la colline était l’acropole naturelle, que l’art avait ensuite fortifiée. Cf. V. Guérin, Samarie, t. i, p. 188 ; Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1881-1883, t. iii, p. 158.

On appuie encore l’identification de Gabaa avec Tell el-Foûl sur un passage de saint Jérôme, racontant le pèlerinage de sainte Paule en Palestine. Il nous la montre se rendant d’Emmaûs par Béthoron à Jérusalem, laissant à droite Aïalon et Gabaon, puis « s’arrêtant quelque temps dans la ville de Gabaa, détruite jusqu’aux fondements », entrant enfin dans Jérusalem. Cf. S. Jérôme, Epis. t. cviii, t. xxii, col. 883. La seule conclusion certaine à tirer de ce texte, c’est que Gabaa est distincte de Gabaon et qu’elle se trouvait au nord et non loin de Jérusalem. Mais il est difficile d’y voir un argument pour ou contre Tell el-Foûl, de même que pour Sçha’fât. Il n’est pas moins impossible de confondre la ville dont nous parlons avec Géba', actuellement Djéba', trop éloignée pour que le lévite eût pu l’atteindre dans le court intervalle qui s'écoula entre le moment où il passa devant Jérusalem et celui où le soleil disparut complètement à l’horizon.

C’est en 1843 qu’un savant allemand, M. Gross, dans les Theolog. Studien und Kritiken, 1843, p. 1082, cherchant

Gabaa au sud de Rama, émit la conjecture qu’elle pouvait être à Tell el-Foûl. Depuis, Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, 1. 1 ; p. 577-579, s’appuyant sur les textes de Josèphe et de saint Jérôme que nous avons rapportés, a mis cette hypothèse plus en lumière, en sorte que la plupart des voyageurs et des exégètes l’ont acceptée. Telle est en particulier l’opinion de Stanley, Sinai and Palestine, Londres, 1866, p. 213 ; W. M. Thomson, The Land and the Book, Londres, 1881, t. i, p. 436, 437 ; V. Guérin, Samarie, t. i, p. 188197 ; Mühlau, dans Riehm, Handwörterbuch des Biblischen Altertums, Leipzig, 1884, t. i, p. 511 ; Fillion, La Sainte Bible, Paris, 1899, t. ii, p. 182 ; F. de Hummelauer, Comment. in lib. Judicum, Paris, 1888, p. 315, etc. — On identifie généralement Gabaa du livre des Juges avec Gabaa de Saül, mais est-elle identique à Gabaa de Benjamin ? Voir Gabaa 4.

A. Legendre.

4. GABAA DE BENJAMIN (hébreu : Gib’af Binyâmîn, I Reg., xiii, 2, 15 ; xiv, 16 ; Gib’af benê Binyâmîn, II Reg., xxiii, 29 ; Géba' Binyâmîn, I Règ., xiii, 16 ; III Reg., xv, 22 ; Gib’dh, I Reg., xi-v, 2 ; Septante : Γαϐεὲ τοῦ Βενιαμείν, I Reg., xiii, 2 ; Γαϐεὲ Βενιαμείν, I Reg., xiii, 15 ; Γαϐεὲ Βενιαμείν, I Reg., xiii, 16 ; xiv, 16 ; Γαϐαεθ υἱὸς Βενιαμείν, II Reg., xxiii, 29 ; βουνὸς Βενιαμείν, III Reg., xv, 22 ; βουνός, I Reg., xiv, 2 ; Vulgate : Gabaa Benjamin, I Reg., xiii, 2, 15, 16 ; xiv, 16 ; IV Reg., xv, 22 ; Gabaath filiorum Benjamin, II Reg., xxiii, 23 ; Gabaa, I Reg., xiv, 2), ville de la tribu de Benjamin qu’on identifie ou avec Gabaa de Jud., xix, xx, ou avec Gabaa de Jos., xviii, 24, aujourd’hui Djéba'. Voir Gabaa 2 et 3. Disons tout de suite que la Gabaa Benjamin de Jud., xx, 10, se rapporte incontestablement à la première, comme le prouve le contexte. Mais la question devient difficile lorsqu’on examine le récit du premier livre des Rois, xiii, xiv, dans lequel apparaît plus pleinement la forme « Gabaa de Benjamin ». Il est nécessaire de déterminer les points essentiels de ces luttes entre Saül et les Philistins. Nous trouvons d’abord Saül établi, avec un corps de deux mille hommes, à Machmas, aujourd’hui Mukhmas, et sur la montagne de Béthel (Beitin), c’est-à-dire dans le district élevé et accidenté qui s'étend entre ces deux localités. Voir la carte de Benjamin, t. i, col. 1588. Un second corps de mille hommes, commandé par Jonathas, fils aîné du roi, se tient à Gabaa de Benjamin, au sud. I Reg., xiii, 2. Les Philistins, qui ont çà et là placé des garnisons à travers le pays hébreu, pour le maintenir dans la soumission, ont entre autres à Gabaa (hébreu : Géba') un poste que Jonathas enlève dans un heureux coup de main. I Reg., xiii, 3. Il faut remarquer ici qu’au v. 3, le texte original donne, non plus Gib’dh, comme au v. 2, mais Géba', nom courant de la ville sacerdotale mentionnée dans Josué, xviii, 24, et ailleurs (Voir Gabaa 2) et située entre Tell el-Foûl et Moukhmas. On peut, il est vrai, objecter que Gabaa de Jud., xix, xx, est également appelée Géba', Jud., xx, 10. Mais on peut répondre aussi qu’alors elle est déterminée par le mot Binyâmîn. Puis, s’il s’agit de la même place, pourquoi lui donner deux dénominations différentes à dix mots d’intervalles ? Là du reste n’est pas la plus grande difficulté. — La victoire de Jonathas est le signal d’une guerre d’indépendance. Saül fait un appel aux armes, et le peuple se rassemble à Galgala. Les Philistins, de leur côté, se préparent à la lutte, et viennent prendre position à Machmas, que le roi a abandonné pour se rendre à Galgala. I Reg., xiii, 5. Les Israélites effrayés, resserrés entre le Jourdain et les montagnes, se cachent dans les cavernes ou s’enfuient dans le pays de Gad et de Galaad. Ceux mêmes qui demeurent avec Saül tremblent derrière lui. Après l’holocauste indûment offert en l’absence de Samuel, le prince désobéissant vient, avec Jonathas et une petite troupe de six cents hommes, à Gabaa de Benjamin, hébreu : Géba' Binyâmîn, v. 16, comme Jud.,