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ABEILLE — ABEL

maçonne), Megachile, Anthophora, sont largement représentées en Palestine. La mouche à miel de Syrie n’est pas la même variété que celle de nos contrées, mais ressemble à celle d’Italie ou de Ligurie, Apis ligustica, qui a des couleurs plus brillantes et porte sur l’abdomen des bandes jaunes transversales, d’où le nom qu’on lui donne aussi d’Apis fasciata.

On a élevé artificiellement les abeilles dès l’antiquité, à cause de la valeur de leur miel. Il est certain que du temps de Notre-Seigneur les Juifs s’occupaient de leur éducation. Philon le dit expressément des Esséniens, Fragm., édit. Mangey, t. i, p. 633 ; Eusèbe, Præp. Ev., viii, 11, t. xxi, col. 641, et la Mischna y fait plusieurs fois allusion, Kelim, 16, 7 ; Sabbath, 24, 3 ; Baba Katna, 10, 2 ; Oketsin, 3, 10. On ne sait pas avec la même certitude si les anciens Hébreux cultivaient ces précieux insectes. Plusieurs le pensent, parce qu’ils voient une allusion à la manière de récolter les essaims pour les enfermer dans les ruches dans le passage d’Isaïe, vii, 18 ; cf. v, 26, et Zach., x, 8, où Dieu appelle en sifflant l’abeille d’Assyrie. Les ruches usitées aujourd’hui en Syrie et en Égypte sont de forme cylindrique et faites avec de la terre mélangée de paille.

L’Écriture mentionne l’abeille au sens propre et au sens figuré. Au sens propre, c’est-à-dire comme produisant le miel, dans un épisode de l’histoire de Samson. Jud., xiv, 8. On a objecté contre ce récit que les abeilles évitent les corps morts. Il est vrai que ces insectes fuient les cadavres en putréfaction ; mais ils ne fuient pas un squelette complètement desséché. Hérodote, v, 114, rapporte un cas analogue arrivé à Amathonte, en Chypre. Or l’événement rapporté dans l’histoire de Samson n’eut lieu qu’un certain nombre de jours après la mort du lion, peut-être un temps assez considérable. Dans l’intervalle, le cadavre avait pu être tout à fait desséché, et les abeilles avaient eu le temps d’y faire leur miel. Le cas était extraordinaire, mais il n’est nullement impossible. Les animaux morts sont dévorés en Orient avec une rapidité effrayante. J’ai vu souvent à Alexandrette, en Syrie, les cadavres des chameaux perdus par les nombreuses caravanes qui y arrivent, réduits en quelques heures à l’état de squelette. Le soleil brûlant ne laisse plus bientôt sur les ossements aucune trace de putréfaction, et la mauvaise odeur ne peut par conséquent en éloigner les abeilles. — Ces insectes sont aussi cités au sens propre dans l’Ecclésiastique, à cause de l’excellence de leur miel : « L’abeille est un des plus petits volatiles, et son fruit est des plus doux. » Eccli., xi, 3. Une addition intéressante des Septante dans le livre des Proverbes, vi, 8, place ce petit tableau de l’abeille après celui de la fourmi : « Ou bien encore va voir l’abeille, et apprends comme elle est industrieuse, et comme son industrie est digne de notre respect, car les rois et les infirmes usent pour leur santé du fruit de son labeur. Or elle est glorieuse et désirée de tous, et si chétive qu’elle soit, on l’honore, parce qu’elle apprécie la sagesse. » Voir Miel.

L’abeille est mentionnée plusieurs fois dans l’Écriture comme terme de comparaison. Une armée nombreuse, qui presse ses ennemis, les enveloppe et leur fait de cruelles blessures, est comparée aux abeilles qui poursuivent et attaquent de toutes parts avec fureur ceux qui les ont troublées. Deut., i, 44 ; Ps. cxvii, 12 ; Is., vii, 18 ; cf. Iliade, ii, 87 et suiv. ; Hérodote, v, 10. La comparaison est d’autant plus exacte que les abeilles d’Orient, surtout les abeilles sauvages, sont plus méchantes que celles" de nos contrées, Th. Cowan, Guide de l’apiculteur, trad. Bertrand, in-12, Nyon, 1886, p. 136, et leur piqûre, à cause de l’inflammation prompte et violente qu’elle produit, est plus douloureuse. L’homme est impuissant à résister à la fureur de ces insectes, et l’on sait que des chevaux mêmes et des bœufs ont été tués en quelques minutes par les aiguillons d’essaims d’abeilles en furie.

Le nom hébreu de l’abeille était employé par les Israélites comme nom de femme. Voir Débora.

F. Vigouroux.

1. ABEL (hébreu : Hébel ; Septante : Ἄϐελ), second fils d’Adam et d’Ève. Les rabbins et, à leur suite, les Pères et les commentateurs ont donné à ce nom le sens de « souffle, vanité », cf. Eccle., i, 2, ou de « deuil ». Adam et Ève auraient ainsi appelé leur fils par une sorte de vue prophétique ou par un simple pressentiment de sa mort prématurée. Payne Smith et d’autres modernes rejettent cette explication gratuite, et lui en substituent une autre, qui n’a aucun fondement dans le texte biblique : d’après eux, le second fils d’Adam aurait porté de son vivant un autre nom, dont nous ne trouvons de trace nulle part, et on lui aurait donné ce nouveau nom ou ce surnom d’Abel seulement après qu’il aurait disparu comme un souffle ou une vapeur. Ces explications et d’autres encore, tirées de la même étymologie, manquent de vraisemblance et de solidité, et ont en outre le défaut de faire d’Abel un nom abstrait, et par conséquent une exception unique, un cas isolé au milieu des noms de la famille d’Adam, qui sont tous des appellatifs concrets.

Le déchiffrement des inscriptions assyriennes nous a révélé le vrai sens de ce nom, en nous en fournissant une interprétation philologique aussi simple que satisfaisante. Nous trouvons dans ces inscriptions le mot « Habel » sous la forme hablu, habal, et avec la signification de « fils ». C’est avec le même sens que ce mot entre dans la composition de noms propres célèbres : Assurban-habal (Sardanapale), Tuklat-habal-asar (Téglathphalasar), etc. On ne peut pas dire que c’est là une ressemblance fortuite, telle qu’on en constate parfois entre deux langues étrangères l’une à l’autre. L’assyrien et l’hébreu sont deux langues sœurs ; chacune d’elles a même avec l’autre plus d’affinité qu’avec les autres membres de la famille sémitique. En effet, l’assyrien n’est, sauf de légères différences, que l’ancien chaldéen apporté dans la vallée du Tigre par les émigrants ou les conquérants venus de la vallée de (l’Euphrate ; or c’est dans la Chaldée qu’Abraham et ses ancêtres ont parlé l’hébreu dans sa forme ancienne.

Il fallait donc s’attendre à rencontrer dans ces deux idiomes.de nombreux éléments communs, et à voir tel mot perdu par l’un des deux dialectes et conservé par l’autre. C’est ce qui est arrivé. On trouvera dans M. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5° édit., 1. 1, p. 403 et suiv., une longue liste de ces noms communs aux deux langues ; habal, « fils,» y représente l’hébreu habel, supplanté dans l’usage de cette dernière langue par son synonyme ben. Il est même à remarquer que la parenté, qu’on ne conteste pas entre certains de ces mots assez différents par leur orthographe, est encore plus visible et plus incontestable pour habal et habel, hébel, entre lesquels il y a identité plutôt que ressemblance. On ne saurait donc récuser cette étymologie.

Nous ignorons à quelle époque naquit Abel. Voici tout ce que la Genèse nous apprend de lui. Il fut le frère cadet de Caïn, et il devint pasteur de brebis, tandis que Caïn son frère cultiva la terre. Gen., iv, 2. Or, après bien des jours (hébreu : « à la fin des jours ; » peut-être après la récolte), Caïn offrit au Seigneur des fruits de ses champs ; Abel, de son côté, « lui offrit des premiers-nés de son troupeau et de leur graisse. Et le Seigneur regarda favorablement Abel et ses présents. » Gen., iv, 3-4. Saint Paul nous dit que c’est sa foi qui rendit Abel si généreux dans son offrande, et qu’à cause de cette foi Dieu témoigna qu’il agréait ses présents. Hebr., xi, 4.

De quelle manière Dieu manifesta-t-il sa complaisance pour Abel et l’acceptation de ses dons ? D’après la version de Théodotion, ce fut en les embrasant d’un feu céleste : ἐνεπύρισεν. La plupart des Pères sont de ce sentiment ; d’autres disent que c’est par les bénédictions répandues sur les biens d’Abel que Dieu rendit ce témoignage dont parle saint Paul. Quel qu’ait été le signe de cette accep-