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quoiqu’on prononce dragme, nos Auteurs écrivent encore drachme, selon l’étymologie & l’origine de ce mot.

La drachme, selon quelques Auteurs, étoit chez les Grecs, ce qu’étoit le denier chez les Romains, qui valoit quatre sesterces. Budé est de ce sentiment, De Asse, L. II. & L. III. où il le prouve par les témoignages de Pline, de Plutarque, de Strabon, & de Valère Maxime, où en effet denarius est synonyme de δραχμὴ. Mais comme il y avoit peu de différence, ces Auteurs Grecs, qui dans ces endroits ne traitent pas exprès des poids & des mesures, peuvent s’être servis chacun dans leur langue du nom de monnoie, approchant de celle qu’ils vouloient marquer. Scaliger, dans sa Dissertation, De Re Nummariâ, pag. 42. ne dit pas absolument que le denier & la drachme sont la même chose ; mais d’un passage Grec du Jurisconsulte, C. XXVI. Mandati, où la drachme est composée de six oboles, il en conclut qu’au siècle de Sévère, de Caracalle & d’Alexandre, fils de Mammée, le denier & la drachme étoient la même chose. Mais Agricola, de Mens. & Ponder. L. IV. prouve par Pline, Celse & Scribonius Largus, qu’il n’y avoit que sept deniers à l’once ; & par Tite-Live, Appien, &c. que la drachme étoit à la taille de huit à l’once ; & il prétend que, quand quelques Grecs ont dit que l’once contenoit sept drachmes, ils ne parloient pas de la drachme Attique, mais du denier Romain, auquel ils donnoient en Grec le nom de drachme. Gronovius est aussi du sentiment d’Agricola, que la drachme est la 8e partie de l’once ; & ce sentiment est vrai, comme il paroît par Isidore, L. XIV. C. 24. par Fannius, qui le dit expressément, & qui de plus, donne 96 drachmes à la livre Romaine ; par Volsius, qui divise l’once en 24 scriptules, ou scrupules, dont la drachme en comprenoit trois. Cela donc supposé, & supposant encore que l’once Romaine ancienne étoit égale à l’once Romaine d’aujourd’hui, & par conséquent, de 40 grains moindre que la nôtre, comme l’a observé Gassendi, il s’ensuit que l’once Romaine ancienne pesoit 536 de nos grains, puisque la nôtre en pèse 576. Or, si l’on divise 536 par 8, on trouvera 67 grains pour le poids de la drachme Attique ; ce qui revient en effet au poids des médailles Antiques que j’ai pesées. Puis, en supposant l’argent d’Athènes, au même titre que le nôtre, & prenant le nôtre à 32 liv. le marc, l’on trouvera que la drachme Attique valoit 9 s. 3 d. ⅖ de denier de notre monnoie. Voyez Oisel dans ses Notets sur Aulu-Gelle, L. I. C. 8. Gronovius de Pecuniâ veteri, Budé, Scaliger, Agricola, cités ; ci-dessus Denier.

La drachme d’Égine étoit de deux tiers plus forte que celle d’Athènes ; car six drachmes d’Égine en faisoient dix d’Athènes.

La drachme, étoit aussi, une sorte de monnoie des Juifs, ayant d’un côté une harpe, & de l’autre une grappe de raisin. Bouteroque. Cette monnoie, dont parle Bouteroue, p. 29. que le P. Kirker a aussi décrite, Œdip. Ægyp. T. II. p. 100. & qui se voit au cabinet du Roi, & dans celui de M. de Pontcarré, Président du Parlement de Rouen, avec une partie d’une Inscription Latine de Trajan surajoutée, comme parle le P. E. Souciet, Jésuite dans sa Dissertation sur les médailles Hébraïques, pag. 15 & 16, où il en parle ; cette monnoie n’est point une drachme, au moins Attique. C’est un demi-sicle ; &, comme le sicle pesoit quatre drachmes Attiques & deux Alexandrines, cette monnoie pese deux drachmes Attiques, & une seulement d’Alexandrie. Au reste, il ne faut point l’appeler drachme. C’est un demi-sicle, & c’est ainsi que les Hébreux l’appeloient. Il n’y a que les Grecs qui donnassent en leur langue les noms de drachmes, de didrachmes, & de tétradrachmes, aux monnoies Hébraïques.

On dit que David laissa à Salomon dans son trésor dix mille drakermon : c’étoit une monnoie étrangère de même nature que les sols d’or, & qui pesoit une drachme.

Ce mot est dérivé de δραχμὴ & ce mot δραχμὴ vient de δραττεσθαι tenir, contenir. Cette monnoie fut ainsi appelée, parcequ’elle valoit une poignée de petites pièces de cuivre, nommées κερματα ou κερματια & par Sénèque minutias æris ; c’est-à-dire, autant qu’il en pouvoir tenir dans la main. Oisel, dans ses Notes sur Aulu-Gelle. L. I. C. 8. va plus loin, & prétend que δραχμὴ vient de l’Hébreu דרכמן darchemon, qui se trouve dans le 2o L. d’Esdras VIII. 79. Voyez l’Etymologicum de Vossius.

Drachme, est aussi un poids, dont se servent les Médecins, qui est la huitième partie d’une once, qu’on appelle autrement un gros, au poids de marc. Elle contient trois scrupules, ou soixante grains.

Drachme, en ce sens s’emploie quelquefois figurément, & en riant. Il me semble qu’il y a dans cette lettre cinq ou six dragmes d’amour. Voit.

DRACO. s. m. Ancien Législateur d’Athènes, dont Solon fit abroger toutes les loix, excepté celle qui regardoit le meurtre. Ces loix étoient si sévères, que l’on disoit qu’elles n’avoient point été écrites avec de l’encre, mais avec du sang. En effet, elles ordonnoient le même supplice pour les fautes légères, & pour les crimes même les plus énormes. Celui qui avoit volé un chou étoit puni de mort, comme celui qui avoit commis un assassinat ; &, lorsqu’on en demandoit la raison à Dracon, il répondoit que les petites fautes méritoient cette peine, & que, pour les plus grandes, il n’en connoissoit point de plus griéve que la mort. Sa fin fut glorieuse, mais très-malheureuse en même-temps ; car on dit qu’étant sur le théatre d’Égine, le peuple, au milieu des acclamations de joie, lui jeta par reconnoissance, une si grande quantité de bonnets, de tuniques, & autres habillemens, qu’il en fut accablé.

Draco. Voyez Drago.

Porto draco. Voyez Lionne, & Pirée.

☞ DRACONITES ou DRACONTIA. Pierre fabuleuse, au sujet de laquelle on a débité une infinité de rêveries. On lui avoit donné ce nom, parcequ’on prétendoit qu’on la tiroit de la tête d’un dragon. Mais, pour se la procurer, il falloit endormir le dragon avant que de lui couper la tête.

☞ DRACONNAIRE, ou le Porte-Dragon, Draconarius. Voyez Dragonnaire.

DRACUNCULES ou DRAGONNEAU. s. m. Terme de Médecine. Dracunculi. Maladie des enfans, dans laquelle ils sentent une grande démangeaison, causée, à ce qu’on croit, par de petits vers qui s’engendrent sous la peau, au dos, aux épaules, aux bras, & qu’on appele dracuncules. Les enfans qui ont des dracuncules, ou dragonneaux, deviennent presque étiques, & ils ne se nourrissent point, quoiqu’ils mangent de fort bonnes choses, ils sentent au dos, & quelquefois aux autres parties extérieures, une démangeaison insupportable, qui vient de ce que sous la peau il se forme des vers d’une matière visqueuse, qui ne se dissipe point par la transpiration. Cette maladie n’est pas tellement propre des enfans, que les personnes plus âgées ne l’aient quelquefois, puisqu’on dit que l’Empereur Henri V. en mourut : il l’avoit eue de naissance. En Pologne, les femmes guérissent de la manière suivante les enfans qui ont des dracuncules. On baigne, & on lave les enfans dans de l’eau chaude, dans laquelle on a jeté une mie de pain en miettes, & une poignée de cendres ; on fait écouler l’eau, & l’on ramasse en une masse la mie de pain : si on la divise le premier jour, on y voit une quantité prodigieuse de poils très-fins, que quelques-uns appellent poils de chien, & d’autres, poils de vers : c’est à ces poils, ou à ces vers, qu’on attribue la cause du mal. Après avoir donné aux enfans ce bain, on leur frotte les épaules & les bras de farine détrempée dans du vinaigre, ou de farine de froment détrempée avec du miel, & aussi-tôt il paroît sur la peau de petits tubercules, semblables à des graines de pavot de couleur cendrée : on appelle