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CRO

don, qu’on appelle sphærocephalus. Il y en a qui la prennent pour l’eringium marin.

CROCODILOPOLIS. Crocodilorum Civitas ; c’est-à-dire, Ville des crocodiles. Il y en a deux dans l’antiquité qui portent ce nom : l’une dans la haute Egypte, ou dans la Thébaïde, sur le bord du Nil, ainsi appelée, parce que les crocodiles y étoient adorés. Strabon en parle dans son VIIe. Livre. L’autre étoit aux confins de la Phénicie, & de la Palestine dans le Mont Carmel, au rapport de Pline, L. V. c. 9.

CROCOMAGMA. s. m. Terme de Pharmacie. Ce sont des trochisques composés avec le safran, la mirrhe, les roses rouges, l’amydon, & la gomme Arabique.

Ce mot vient du Grec κρόκος, safran, & de μάγμα, qui signifie le marc de quelque matière qu’on a épreinte.

CROCOTE ou CROCOTON. s. m. Terme d’Antiquaire. Crocoton ou Crocota. C’est un habit ancien. Apulée parle de gens habillés de crocotes Phrygiennes. Crocotisque Phrygiis induti, dans la description de la Pompe d’Isis. C’est ce qu’il appelle ailleurs dans le même Livre Stola Olympionica, décrite ainsi dans un autre endroit : floridè depictâ veste conspicuus, paré d’une veste à fleurs. Les Latins ont aussi appelé ce vêtement Palla & Lacerna, comme Ovide parlant d’un Joueur de flûte :

Vervit humum Tyriâ saturatâ murice Pallâ.


D’une veste de pourpre il balaye la terre. Ce qui est proprement le crocoton. D’où vient que Vopiscus dans la vie de Carinus appelle Tyrianthinum, à fleur de couleur de pourpre, le manteau du Joueur de flûte. Pallium Choraulæ. Baudelot. Hist. de Ptol. Aul. P. II. C. V. p. 264, 265. Au reste on ne voit pas pourquoi faire crocote féminin, & pourquoi dire la crocote & le crocoton ; il paroît mieux de ne point changer le genre. Le crocote étoit un habit à frange, comme l’expliquent les Lexiques, vestis simbriata, un habit de soie, léger, de couleur de safran, à l’usage des Comédiens, des femmes galantes, &c. Baudelot en voit une représentation dans un dessein tiré d’un Manuscrit du Vatican, & que Bartholin a publié dans son traité des flûtes.

Crocote. s. f. animal des Indes. Sa couleur est mêlée de celle du Lion & de celle du Tigre, & la conformation de ses parties tient quelque chose du Chien, & quelque chose du Renard. Parmi quantité de bêtes amenées à Rome pour les jeux célèbres à l’occasion du retour de l’Empereur Sévère, la dixième année de son règne & de ses victoires, il y avoit une crocote qui fut, comme on croit, la première qui eût jamais été vue à Rome. M. Cousin, p. m. 398. de sa Trad. de l’Hist. Rom. de Xiphilin.

CROCUS. s. m. Mot Latin qui signifie safran. Quelques-uns lui donnent le même nom en François. Voyez Safran.

Crocus, en termes de Chymie, se dit de plusieurs préparations à cause de leur couleur rouge. Le crocus Martis est une préparation de fer. Il y a le crocus Martis apéritif, & le crocus Martis astringent. V. Safran de Mars. C’est la même chose. Le crocus metallorum est une préparation d’antimoine, qu’on appelle autrement safran des métaux, ou foie d’antimoine. On en fait le vin émétique Voyez Antimoine.

CRODON. s. m. Fausse Divinité des anciens Saxons. Crodo, Crodus, ou Krodo, Krodus. Saxon le Grammairien, L. I. le nomme le premier entre les Dieux des Saxons, qui sont, dit-il, Codrus, Hama, Irmus, Flivius & Siba. Crantzius, Saxoniæ, L. II., c. 12. dit qu’il étoit honoré sur-tout à Harsbourg. Quelques-uns croient que Crodon étoit Saturne. George Fabricius, au premier Livre de ses Origines Saxones, rapporte la manière dont on le représentoit, qui convient en effet assez à Saturne. Il avoit, dit-il, la figure d’un moissonneur qui est ceint d’un morceau de linge. Il tenoit de la main droite un petit vase plein de roses, & une roue de char de la main gauche, qu’il élevoit en l’air. Il fouloit aux pieds une perche, poisson hérissé d’écailles & de piquants. C’est une pensée bien raisonnable de croire que le culte de ce Dieu avoit passé de la Grèce aux Germains voisins du Danube, de là dans la Saxe, & que, de même que le Dieu Irmus semble avoir été fait de l’Ἑρμῆς des Grecs, le nom Crodus pouvoit bien aussi venir du Κρόνος des Grecs, qui est le Temps, ou Saturne. Charlemagne abolit le culte de ce Dieu, aussi-bien que de toutes les autres Divinités Saxones. Voyez Vossius, de Idol. L. II. c. 33.

CRŒSUS ou CRÉSUS. s. m. Nem propre d’un Roi de Lydie, le plus riche dont il y ait mémoire dans l’antiquité. Crœsus. Ce mot est fort en usage dans notre langue, pour signifier un homme puissamment riche. On dit tous les jours, c’est un Crésus ; il est riche comme un Crésus ; il a des richesses de Crésus.

Doué en biens, tel fut Crésus tenu,
Qui tout-à-coup un Job est devenu. Marot.

CROIE. Ville capitale de l’Albanie. Croia, anciennement Antigenia, ou Eribonea. Elle est située sur la rivière d’Hismon, ou de Lisance. C’étoit autrefois une ville Episcopale de la Province de Durazzo. Cette ville est nommée dans l’Histoire de Scanderberg. Voyez la vie de ce Prince écrite en notre langue par le P. du Poncet Jésuite, & d’Herbelot au mot Croya.

CROILER. Terme de Fauconnier, qui se dit des oiseaux qui se vident par le bas. Subter se alvum reddere. On dit aussi emeutir. Quand un oiseau de proie croile, c’est marque de santé.

☞ CROIRE. v. a. quelquefois n. Ainsi on dit qu’un homme croit ou ne croit, & qu’il croit les mystères. Dans le sens vulgaire, c’est être persuadé de la vérité d’une proposition ou d’un fait. Donner son assentiment à une chose que l’on estime vraie, soit après un examen suffisant, soit qu’on n’ait point, ou qu’on aie mal examiné. Credere. On prononce je croi ; mais il n’y a que les Poètes à qui il soit permis d’écrire je croi. On écrit je crois en Prose. Vaug. Corn. Remarquez encore qu’on met rarement de après le verbe croire : il a cru bien faire, est mieux que, il a cru de bien faire. Il faut encore remarquer que croire étant une chose positive, exige l’indicatif, & qu’il faut dire, je crois qu’elle est aimable, & non pas qu’elle soit. Plusieurs Provinciaux ne sont point cette remarque. Corneille lui-même a dit dans le Menteur.

La plus belle des deux, je crois que ce soit l’autre

C’étoit une faute de Grammaire du temps même de Corneille. Mais pourquoi dit-on, je croi qu’elle est aimable, qu’elle a de l’esprit ? Et croyez-vous qu’elle soit aimable, qu’elle ait de l’esprit ? C’est, dit M. de Voltaire, que croyez-vous n’est point positif. Croyez-vous, exprime le doute de celui qui interroge. Je suis sur qu’il vous satisfera : êtes-vous sur qu’il vous satisfasse.

Vous voyez par cet exemple que les règles de la Grammaire sont fondées la plupart sur la raison & sur cette logique naturelle, avec laquelle naissent tous les hommes bien organisés.

Croire, en termes Théologiques, & en parlant de la foi, c’est, dit l’Auteur des Conférences d’Angers, donner son approbation & son consentement aux vérités révélées dont on a la connoissance ; c’est y adhérer, parce que Dieu les a révélées à son Eglise, qui nous les propose. Ce n’est pas proprement approbation & consentement, c’est adhésion d’esprit & de cœur & d’esprit, pour juger qu’elles sont vraies, puisque Dieu, qui ne peut, qui ne veut nous tromper, nous les a révélées ; de cœur, pour vouloir les