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CRE

CRIE. s. f. Promulgatio. Ce mot, qui n’est plus en usage, se disoit autrefois pour cri, proclamation. Il y a encore à Bourges la pierre de la crie, c’est à-dire, ou se faisoient les cris publics.

☞ Il y avoit autrefois à Paris la pierre de marbre dans la cour du Palais qui servoit au même usage : il y en avoit même dans les autres Villes que l’on appeloit crie de la Ville.

CRIÉE. s. f. Publication en Justice des choses à mettre à l’enchère ou au rabais. Auctio. La criée des meubles exécutés se doit faire en place publique, & les jours de marché. On fera la criée & l’adjudication de cette terre à une telle heure à la barre de la Cour. Quand on a résolu l’entreprise d’un bâtiment public, on en fait la criée au rabais.

CRIÉE Parisis. Augmentation de prix des meubles qui s’achettent sur la prisée de l’inventaire. Quand on prend des meubles sur le pied de la prisée d’un inventaire, on est obligé d’y joindre le parisis, qu’on appelle autrement criée. Voyez Parisis. Une veuve peut prendre son préciput en meubles, suivant la prisée, en y ajoutant la criée.

Criée, se dit plus particulièrement de cette formalité essentielle aux décrets qui consiste en quatre publications qui se font à la porte des Eglises Paroissiales, des immeubles dont on poursuit la vente en Justice. Præconium, promulgatio. La première, la seconde criée, &c. On les appelle autrement les quatre quatorzaines, parce qu’il faut qu’il y ait quatorze jours d’intervalle entre chacune. En pays de Droit écrit on fait une quinte & surabondante criée. En ce sens on dit, certifications de criées, certificateur de criées, en parlant de l’attestation de ceux qui attestent que les criées ont été faites dans les règles. Un procès verbal de criées.

Criées, se prend quelquefois pour toute la suite de la procédure du décret. En ce sens on appelle un poursuivant criées, celui sous le nom duquel se fait toute la procédure. On dit qu’un bien est en criées, quand il est saisi réellement. Il faut s’opposer durant le cours des criées pour conserver son hypothèque.

CRIEL, ancien Bourg de la Vicomté d’Eu, qui a eu autrefois trois Paroisses, réduites aujourd’hui à une seule. Descript. Géogr. & Hist. de la haute Norm. T. I. p. 66.

☞ CRIER, v. n. Elever la voix avec effort, pousser un ou plusieurs cris. Clamare, clamorem edere. Il crioit de toutes ses forces. Il crioit si fort qu’on l’entendoit de bien loin. Ne faites point crier ces enfans.

☞ On dit que les boyaux crient à quelqu’un, pour dire qu’ils font du bruit. Intestina murmurant. En parlant d’une chose dure qui frotte rudement contre une autre, on dit figurément qu’elle crie, c’est à-dire qu’elle rend un son aigre & désagréable. Stridere, stridorem edere. Cette porte crie quand on la ferme. Cet essieu crie, Virgile a dit, stridentia plaustra, des chariots dont les roues sont mal graissées.

Nicod dérive ce mot du Grec κρίζω, signifiant la même chose. Ménage le dérive du latin quæritare, d’où les Italiens ont fait aussi gridare. D’autres croient qu’il vient de l’Allemand schreyen, signifiant s’écrier.

Crier, se dit aussi de cette élévation de voix précipitée par laquelle on demande du secours dans un accident inopiné. Crier au feu. Clamare aquam. Crier au meurtre, aux voleurs, à l’aide, au secours. Inclamare. On dit de même crier merci, crier miséricorde.

Crier, signifie aussi prononcer ses paroles d’un ton de voix élevé, vocem tollere. Il y a des gens qui veulent l’emporter sur les autres à force de crier, qui ne sauroient disputer sans crier.

J’ai des forces, du feu, de l’esprit, de l’étude ;
Et jamais sur les bancs on ne vit Bachelier,
Qui sût plus à propos interrompre & crier. Vill.

On dit plumer la poule sans crier ; pour dire, exiger des choses qui ne sont pas dues d’une maniere adroite, sans bruit & sans éclat.

☞ On dit encore crier à pleine tête, comme un fou, comme un enragé, comme un aveugle qui a perdu son bâton : crier à tue-tête. Expressions proverbiales & familières.

Crier, dans la signification de gronder, réprimander en élevant la voix. Objurgare, increpari, vociferari. Cette femme crie toujours après son mari, elle ne fait que crier, laissez-la crier. C’est un maître difficile, de mauvaise humeur, qui sans cesse crie après ses domestiques.

☞ C’est encore élever la voix pour se plaindre, quelquefois avec aigreur. Queri, conqueri, expostulare. On crie d’une chose, d’une injustice, contre une injustice. Il est accoutumé à entendre crier contre lui. On crie depuis long temps contre la dureté & l’insolence des Traitans. Le peuple crie contre les impôts. Il est si naturel de se plaindre & de crier, qu’il y auroit de la stupidité à souffrir sans dire mot.

Crier, élever la voix pour donner conseil. Admonere. Il y a long-temps qu’on lui crie qu’à son âge il devroit être plus sage.

Et que sert à Cotin la raison qui lui crie,
N’écris plus, gueris-toi de ta vaine folie ? Boil.

Crier, blâmer publiquement. Les prédicateurs dans les chaires crient contre la débauche, contre le luxe, contre le vice.

☞ On dit figurément qu’une chose crie vengeance, pour dire qu’elle demande vengeance. Cette injustice crie vengeance.

Crier, jetter certain cri, soit pour rallier les troupes dans un combat, soit pour témoigner sa joie dans une occasion particuliere. Les François en allant au combat criaient autrefois Montjoie Saint-Denis. V. Cri. On crie vivat, vive le Roi. On crie le Roi boit, le jour des Rois.

On dit proverbialement : on a tant crié Noël qu’il est venu ; pour dire, qu’on a tant demandé & desiré une chose, qu’elle est arrivée.

Crier. v. a. signifie, Proclamer en Justice pour trouver des enchérisseurs. Publicare, aliquid per auctionem vendere, præconium facere alicujus rei, auctionari. Ces meubles ont été criés & vendus au plus offrant & dernier enchérisseur. On a crié ces ouvrages, ces réparations au rabais. On le dit plus particulièrement des immeubles. On a crié cette terre dans les formes, on a fait les quatre quatorzaines. Au Châtelet de Paris il faut avoir un congé de crier, avant que de procéder aux criées.

Crier, signifie encore, Publier solemnellement dans les places publiques, & à son de trompe, des réglemens, des ordonnances, ou autres choses qu’il faut que tout le monde sache. Aliquid, auctore magistratu, principe, promulgare, denunciare, edicere. On a crié l’ouverture de la Foire. On a crie un tel à trois briefs jours.

Crier dans a lous, signifie citer quelqu’un, & lui ordonner de comparoître devant le Juge dans le temps marqué.

Crier, dans la même signification, se dit pour proclamer en Justice pour retrouver une chose égarée ou perdue. On fait crier un enfant perdu. On a crié ce bijou.

On le dit aussi de ceux qui vont vendre quelque chose par les rues. On crie de la salade, des choux, des navets, des fruits.

Crier Haro, est un usage de Normandie, qui fait qu’on arrête un homme, on saisit une chose d’autorité privée, pour les conduire sur le champ devant le Juge, ou en prison. On a crié haro sur lui & sur sa bête. Voy. Haro.

On dit aussi figurément, Crier haro sur une personne ; pour dire, Se plaindre hautement d’elle, lui dire des injures partout où on la trouve. Objurgare.