Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CRI

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 12-13).
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CRI. s. m. Voix haute & poussée avec effort : grande élévation ou effort de voix. Clamor. On le dit des hommes & des animaux. Les douleurs de la goutte font jetter de hauts cris. Dans le sac d’une ville on entend plusieurs cris & lamentations. Les Victorieux poussent des cris d’allégresse.

☞ Clameur & cri, mots synonymes par l’idée générale mais distingués par l’idée particulière qu’ils présentent à l’esprit. Cri désigne simplement une élévation de voix, souvent modifiée par des épithètes. Clameur dit quelque chose de tumultueux, d’excessif, & presque toujours sans fondement. Respecter le cri public ; mépriser les clameurs des sots, de la populace. Ce mot est ancien dans la langue. Il est Celtique ou bas Breton. Cri se dit de la voix ordinaire & naturelle de certains oiseaux. Le cri des hiboux, des orfraies est de mauvais augure. Le cri de la corneille annonce la pluie.

On le dit aussi d’une voix plaintive & quelquefois basse, qui sert à témoigner l’oppression qu’on souffre. Clamor. Un bon Prince ne doit pas fermer l’oreille aux cris, aux plaintes de son peuple. L’ame accablée par la douleur, se soulage & se relâche par des pleurs & par des cris. Mont. L’affliction lui causoit des cris. S. Evr.

Sion, le jour approche où le Dieu des armées
Va de son bras puissant faire éclater l’appui,
Et le cri de son peuple est monté jusqu’à lui. Rac.

Cri public, signifie, ban, publication qui se fait hautement, & après avoir amassé le peuple, soit en guerre, soit en fait de police. Promulgatio auctore Magistratu, Principis edictum, Regium edictum pronunciatum publicè. On a publié un tel ordre, un tel règlement, à son de trompe, & cri public, au son du tambour. Les cris se font dans les carrefours & lieux publics.

Scaliger dérive ce mot de quæritare. On appelle cri public, ce qui est publié à son de trompe, par ordre de Justice.

Cri, se dit aussi en parlant de ces petits Marchands qui vont vendre ou acheter par la ville de menues denrées Ou marchandises, qui annoncent à haute voix plusieurs choses pour la commodité du public. Propolarum venalitia præconia, rerum venalium præconium. Ainsi on appelle les cris de Paris, ceux des Gazetiers, des Gagne-petits, des Ramonneurs, des Revendeuses, &c.

Cri, en terme de chasse, se dit premièrement du cri naturel de plusieurs animaux, comme du léopard, de la panthère, de la giraffe, du tigre, du loup-cervier, du lievre, du lapin, du chevreuil & du faon. Clamor. Mais à l’égard du loup, on dit qu’il hurle. Ululat. Que le cerf, le daim brament. Clamat. Que le sanglier grumèle. Frendet. Que le bœuf, le bufle & l’ours beuglent. Mugiunt. Le cheval hennit. Hinnit. L’âne brait. Rudit.

Cri, se dit aussi à l’égard des chasseurs, du bruit qu’ils font quand ils parlent aux chiens pour les flatter, ou les animer à poursuivre la bête. Clamor. Comme hourvati, est un cri pour faire retourner les chiens, quand ils sont hors des voies ; geld, hela, cri pour les faire requêter quand ils sont en défaut ; hari, hari, pour les faire craindre quand ils branlent du change. Harlou est le cri qu’on fait à la vue du loup ; & hou, hou, quand on le poursuit. Velleau, est le cri qu’on fait aux chiens courans, à la vue du renard ou du lievre ; tayau, quand on lance le cerf, &c.

Cri ou Cri d’armes, en terme de Blason, est un certain mot qui sert de devise, & qu’on met au cimier des armes : ce qui vient d’un certain cri, ou signal que les chefs de maisons, ou les soldats crioient à la guerre. Alalagmus gentilitius. Autrefois nul n’étoit reconnu pour Gentilhomme de nom, d’Armes & de cri, que celui qui avoit droit de lever banniere ; l’un & l’autre servant à mener des gens à la guerre, à les rallier, & à les assembler près du drapeau. Il y avoit quatre sortes de cris. Le premier pour se rallier pendant ou après le combat : le second étoit un cri d’heureux présage ou d’invocation, comme celui de Clovis, qui voyoit balancer la victoire à la bataille de Tolbiac, Montjoie S. Denis. Le troisieme étoit un défi qui tenoit de la rodomontade ; & le quatrieme servoit à se reconnoître, & à se distinguer des ennemis. Le P. Anselme. L’ancien cri des Rois de France étoit Montjoie S. Denis. Il y avoit aussi des cris de défi, d’invocation, d’exhortation, de résolution, d’événement, de commandement, &c. les cris servoient aussi aux Hérauts dans les tournois, pour appeler les Chevaliers, parce que le cri de plusieurs étoit celui de leurs noms, de leurs maisons & de leurs villes. On dit en proverbe des Maisons d’Ally, Mailly & Crequy, Tel nom, telles Armes, & tel cri. Dans les tournois, chaque Chevalier avoit son cri, mais dans les occasions de guerre, il n’y avoit que les Chefs qui en pouvoient avoir. Le cri servoit à se rallier : à présent le cri de guerre n’est plus que le mot du guet. M. Du Cange a fait une dissertation curieuse du cri d’Armes.

On dit proverbialement qu’il n’y a qu’un cri après une personne ; pour dire qu’on la souhaite, qu’on l’attend avec empressement. On dit aussi qu’il n’y a qu’un cri sur quelque chose, sur une personne, pour dire que chacun en parle de même manière. On dit : chasser à cor & à cri ; pour dire, chasser avec le cor & les chiens. On dit figurément, chercher quelqu’un à cor & à cri, pour dire, le chercher, en demandant par-tout de ses nouvelles.