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CHI

CHIER. v. n. Décharger son ventre des gros excrémens. Ventrem exonerare, alvum solvere.

Chier, est aussi quelquefois actif. On dit, chier du musc. Ce verbe est banni du langage ordinaire. Il faut se servir d’une périphrase.

Le bas peuple crie aux masques qui courent au temps du carnaval, il a chié au lit. Et on appelle un vilain masque, un chien-en-lit.

On dit proverbialement & figurément, chier de peur ; pour dire, avoir une peur excessive & honteuse. On dit aussi, cet homme a chié dans ma malle ; pour dire, cet homme m’a trompé, je ne me fierai plus à lui. On dit populairement d’un homme mal-fait : voilà un homme bien chié. Acad. Fr. On dit : il en chiera les aiguillons, pour dire, il s’en repentira.

Nicod dérive ce mot du grec, χίζω (chizô), signifiant la même chose ; & est de l’avis de Henri Estienne. Mais Ménage le dérive de cacare, d’autres du mot allemant scheissen, qui a la même signification.

CHIERE. s. f. Vieux mot qui signifioit autrefois visage, & que l’on a dit au lieu de chère, comme on a dit chief, au lieu de chef. Borel dit qu’il vient de cara, vieux mot, qui en latin signifie aussi visage, selon Corippus : ce qui vient du grec ϰάοη (kaoê), qui veut dire tête. C’est de-là que viennent les mots accarer, mettre en face ; & acariâtre, qui a le visage refrogné. Les Espagnols disent cara pour visage.

CHIERSI ou QUIERSI. Bourg sur l’Oise, où nos Rois de la seconde race avoient un palais ou château. Carisiacum. Chiersi est fameux dans l’Histoire Ecclesiastique du IXe siècle, à cause des deux Conciles qui s’y tinrent en 858, où l’hérétique Godescale fut condamné, & en 857, ou selon d’autres, 856, pour la réformation du Clergé de France. Le P. Sirmond l’a confondu avec Crecy sur Serre. Voyez Valois, Not. Gall, au mot Carisiacum, p. 127.

☞ CHIENG. Nom d’une herbe, remarquable parmi les Chinois, dans la Province de Quanton. Selon le préjugé des Chinois, elle donne à connoître aux mariniers par le nombre des nœuds qui sont à la tige, dans quels mois de l’année, & combien il y aura de tempêtes. Moins il y a de nœuds, moins il y aura de tempêtes. Ils prétendent distinguer en quels mois arriveront ces tempêtes, par la distance des nœuds depuis la racine. On peut bien mettre cela au nombre des erreurs populaires.

CHIEUR, EUSE. Qui chie, ou qui ne fait que chier, Qui cacat, qui cacaturit.

CHIEURE. Voyez Chiure.

CHIFFE. s. f. On appelle chiffes, de vieux morceaux de toile de chanvre ou de lin, qui servent à la fabrique du papier.

Chiffe. Terme de mépris, par lequel on désigne une étoffe foible & mauvaise, en disant, ce n’est que de la chiffe.

CHIFFLER. v. n. Siffler ; mais il n’est plus en usage en ce sens. Sibilare.

Chiffler. Mot burlesque ; pour dire, boire d’autant. Large ac liberaliter potare. Je veux chiffler à longs traits à la santé des vivans & des morts. S. Amant.

CHIFFLET. s. m. Ce mot ne se dit plus. En sa place on dit sifflet. Exilis fistula.

CHIFFON. s. m. Vieux morceau d’étoffe, de linge, vieille guenille, & généralement chose de nulle valeur. Detritus panniculus, vilis lacinia. Il n’a que des chiffons dans sa garderobe. Il est aussi synonyme à chiffes. On fait le papier avec de vieux chiffons qu’on pilonne dans les moulins à papier, & qu’on réduit en pâte liquide dont on fait ce papier.

Chiffon, se dit aussi du linge & des habits qui sont frippés, bouchonnés & mal en ordre. Detritum linteum, detritus panniculus. Cette étoffe est trop mince, ce linge est trop délié, sitôt qu’on les a mis deux fois, ce ne sont plus que des chiffons.

Chiffon, se dit familièrement du papier, sur tout des feuilles volantes, des feuilles déchirées, écrites ou non. On dit d’un Auteur qui a laissé des manuscrits, des mémoires informes, qu’on ne lui a trouvé que des chiffons.

Chiffon se dit, en mauvaise part, d’une fille qui ne se conduit pas sagement ; c’est une Demoiselle Chiffon.

Chiffon, onne. adj. En termes de jardinage, petite branche de mauvaise venue, qui nuit à la belle figure d’un arbre, & consume inutilement le suc destiné aux bonnes branches. Branche chiffonne. Tenuis, vilis. Il faut avoir soin de retrancher les branches chiffonnes.

☞ La branche qui est extrêmement déliée avec des yeux peu enflés & fort écartés les uns des autres est une branche chiffonne.

CHIFFONNER. v. a. Fripper, bouchonner du linge, des habits. Deterere. On a chiffonné son habit. Cette fille a laissé chiffonner son mouchoir.

On dit populairement, cela me chiffonne l’imagination ; pour dire, cela me déplaît, cela me donne quelque inquiétude. On dit aussi : que me chiffonnez-vous là ? allez-vous en chiffonner ailleurs. Molestare.

Chiffonné, ée. part.

CHIFFONNIER, IÈRE. s. f. Celui ou celle qui crie de vieux chapeaux & de vieux habits. Panniculorum propola. On le dit plus particulièrement de ceux qui vont rechercher dans les ordures de vieux chiffons & de vieux drapeaux pour faire du papier & autres choses. Amasseur de chiffons ou vieux haillons qui se trouvent dans les ordures.

Les réglemens de Police font défenses à tous Chiffonniers & Chiffonnières de vaguer & aller dans les rues de Paris & dans les fauxbourgs, qu’à la pointe du jour, & non pendant la nuit, sous prétexte d’amasser des chiffons, ce qui pourroit donner lieu aux vols des auvents, grilles, enseignes, & favoriser les ouvertures des boutiques, salles & cuisines qui sont au rez-de-chaussée, étant facile auxdits Chiffonniers d’en tirer les linges avec les crocs dont ils se servent, &c. De la Mare, Traité de la Police, Liv. IV, Tom. II, ch. 4.

Chiffonnier, se dit figurément d’un homme qui ramasse & qui débite sans choix, tout ce qu’il entend dire par la ville. On dit aussi figurément d’un homme vétilleux & tracassier, que c’est un chiffonnier, que ce n’est qu’un chiffonnier. Acad. Fr.

Comment enfin nommer cette vermine
Des chiffonniers de la double colline ? R.

CHIFFRE. s. m. Caractère qui sert à exprimer les nombres. Numerorum nota, nota arithmetica. Chiffre romain, est celui qui se marque par certaines lettres de l’alphabet, comme mil sept cens quinze, s’exprime ainsi, mdccxv. Numerorum notæ romanæ.

Le chiffre arabe, qu’on appelle aussi chiffre statique, est celui dont on se sert en arithmétique, algèbre, trigonométrie & astronomie, Vulgares seu arabicæ numerorum notæ. Mais les Arabes reconnoissent qu’ils ont reçu ces caractères des Indiens, & il les appellent figures indiennes. On a commencé à compter par ces figures du temps des Sarazains ; & on croit que Planude, qui vivoit sur la fin de XXXe siècle, est le premier des Chrétiens qui se soit servi de ce chiffre. Alphonse X, Roi de Castille, s’en étoit servi avant lui pour construire ses Tables astronomiques.

Le chiffre arabique est composé de neuf signes & un zéro. Les voici, 0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9. Le zéro ne signifie rien, les suivantes marquent de suite depuis un jusqu’à neuf. Quand elles sont plusieurs accouplées ensemble, la première est censée celle qui est à droite, & en remontant de droit à gauche, elles croissent toutes de dix ; de sorte que la première en ce sens ne marque que des unités, la seconde des dixaines, la troisième des centaines,