Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, II.djvu/1027

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En latin, melampyrum luteum latifolium, ou cratæogonum vulgare. Voyez Froment.

CRATÉE. s. f. terme de Mythologie, Déesse des Sorciers & des Enchanteurs, selon Homère, mère de la fameuse Scylla. On croit que c’est la même qu’Hécate.

Cratée ou Crétée. s. m. Roi de Crète, selon la Mythologie. Il étoit fils de Minos & de Pasiphaé fille du Soleil. Il partagea la Souveraineté avec Deucalion son frère, & fut tué par son propre fils, ainsi que l’Oracle le lui avoit prédit. Althéménès qui étoit ce fils, voulant prévenir ce malheur s’exila lui-même, & il retira à Rhodes. Le chagrin que l’absence d’un si bon fils causa à Cratée, l’obligea de l’aller chercher. Il équipa un vaisseau pour ce sujet, & aborda à l’île de Rhodes. Les habitans, croyant que c'étoient des ennemis, prirent les armes. Althéménès y accourut comme les autres, & tira une flèche sur le plus apparent, qui étoit son père, & le tua. Ce malheureux fils ayant reconnu son malheur, pria les Dieux de ne le laisser pas survivre à son père. Il fut exaucé, la terre s’ouvrit & l’engloutit.

CRATERE, pour dire coupe, n’est plus en usage que dans l’Université de Paris. On dit les cratères de Sorbonne, les cratères du Collège de Navarre. Ce sont des coupes d’argent en forme d’écuelles sans oreilles. Celles du Collège du Cardinal le Moine sont grandes, & en forme d’un chapeau qui a les bords abaissés. De Méziriac, dans son Commentaire sur la Lettre de Briseïs à Achille, fait une critique exacte du mot crater, qui est dans les Auteurs grecs, & qui a été mal traduit, selon lui, par Vigenère & par Amyot. Crater, dit-il, étoit un grand vaisseau dont on ne se servoit point pour boire ; mais seulement pour y mêler l’eau avec le vin, dont on devoit boire pendant le repas, & de ce vaisseau on puisoit le vin ainsi mêlé avec des coupes ; ou premièrement ils en versoient dans des pots & dans des chopines, & de-là dans les tasses. Ce qu’il prouve par quelques vers de l’Iliade d’Homère, & il ajoûte qu’Amyot a commis une faute dans tous les endroits de Plutarque où il est parlé de cette sorte de vaisseau, l’ayant pris pour une coupe. Il vaudroit mieux, dit de Méziriac, retenir le mot de crater, ou l’expliquer par quelque périphrase, que de mettre une chose pour une autre.

CRAU. Crava, Campi Lapidei. Petit pays de Provence, entre la fausse Crapone, & la branche orientale du Rhône. Ce pays est si plein de pierres, qu’on n’y voit pas un pouce de terre, quoiqu’il n’y en ait point dans toute la Camargue, qui n’en est séparée que par une branche du Rhône. On a fort cherché la cause de cette différence sans la trouver. On ne laisse pas d’y semer du blé en quelques endroits, & il vient entre les pierres une herbe très-nourrissante pour les bestiaux. De Valois, Notit. Gall. p. 123, en parle, & rapporte tout ce que les anciens en ont dit. Il écrit la Crau, ou las Craux. On l’appelle Champ Herculien. Bouche, Hist. de Provence, L. I, C. IV, §. 3. Hercule, dit la fable, combattant contre Giron le Géant, fils de Neptune, & manquant de flèches, invoqua Jupiter, qui lui envoya une pluie de cailloux. Ce sont les cailloux dont est couverte l’île de la Crau, à l’embouchure du Rhône, campagne que Pline appelle un monument des combats d’Hercule.

Ce mot Crau vient peut-être de αράζω, qui veut dire crier ; ou crau s’est dit comme grau, ou gravier. Gave, en Provençal signifie gravier. Ce sont apparemment des noms celtiques, comme l’insinue Cambden, qui dit que craig, en langue britannique, signifie une pierre. Bouche.

CRAVAN. s. m. vilain coquillage qui s’attache au fond d’un vaisseau qui a été long temps à la mer.

CRAVAN. Oiseau aquatique, qui ressemble beaucoup au canard sauvage pour la grandeur & pour la figure, dont le plumage est noir,un peu basané, en latin anas muscaria, parce qu’il prend les mouches qui volent sur l’eau.

Cravan. Ville. Voyez Crevan.

CRAVATE. Nom de peuples. Cordas, Chrovatus, Croatus. Les Cravates sont les Croates, ou peuples de Croatie. Voyez ces noms, & les articles suivans.

Cravate. s. m. espèce de cheval qui vient de Croatie en Allemagne, qui ordinairement est fort vite. Equus Croata. Les Cravates battent à la main, & portent au vent. Ils ont l’encolure haute, & tendent le nez en branlant la tête.

Cravates, en termes de Guerre, corps de Cavalerie étrangère, commandé par un Colonel. Croatæ equites. Ils servent d’enfans perdus dans les batailles, de batteurs d’estrade dans un camp à aller en parti, à enlever des quartiers, &c.

☞ Pour parler régulièrement, il faudroit dire Croate. Voiture même avoit écrit ainsi : mais depuis il s’est toujours servi du mot Cravates, & l’usage général a prévalu de dire & d’écrire Cravate.

☞ CRAVATE. s. f. linge qui se met au tour du cou ; toile fine qui fait plusieurs tours autour du cou, se noue par-devant & dont les deux bouts pendent sur la poitrine. Cœsitium colla circumvolutum, nodoque sub mento constrictum Une cravate de mousseline, de taffetas. La mode de cet ajustement est de 1636 ; elle nous vint d’Allemagne. On en attribue la première invention aux Croates, qu’on appelle ordinairement Cravates.

☞ On ne porte plus guère de cravates. On leur a substitué les tours de cou.

☞ On a aussi appelé cravate, une espèce de tour de cou que les femmes portoient autour de leur robe, qui faisoit le tour de leur sein & de leurs épaules.

☞ En termes de jeu de Trictrac, la cravate est une marque que l’on met à son fichet, pour montrer qu’on a la grande bredouille. Voyez Bredouille.

☞ CRAULANT, ANTE. part. du vieux verbe neutre, crauler, branler, tomber. Poësies du Roi de Navarre.

CRAYE. s. f. Voyez Craie.

CRAYON. s. f. petite pierre, pâte ou matière colorée, qui sert à marquer, écrire, dessiner, peindre au pastel. Stylus ex plumbo, ex hæmatise usto, ex carbone. La terre rouge appelée Rubrica laminata seu terra synopica, se nomme en françois, crayon rouge ou sanguine. Sa couleur est unie, quelquefois tachée. On s’en sert pour dessiner. On en tire des carrières de Cappadoce. On fait du crayon noir avec du charbon de saule & avec de la mine de plomb. On en fait qu’on nomme, pastel, avec de la pâte de toutes sortes de couleurs. On écrit avec du crayon sur des tablettes. On marque avec du crayon des endroits d’un livre qu’on veut retrouver. Il y a une des pointes du compas qui sert de porte crayon.

Crayon signifie aussi les portraits, les desseins qu’on fait avec le crayon. Opus rubricâ, plumbo, carbone adumbratum. Les crayons de du Moutier, de Nanteuil, sont fort estimés. Ce Peintre a fait le crayon d’un tel.

☞ On le dit figurément de la description qu’on fait d’une personne. Vous nous avez fait un fidèle crayon de cet homme-là, vous nous l’avez bien dépeint.

Crayon signifie aussi le premier dessein ; la première ébauche d’un tableau qu’on trace avec du crayon. Adumbratio, deformatio. Il n’a encore fait qu’un crayon de ce tableau. Ce n’est là qu’un crayon grossier, un léger crayon.

☞ On le dit dans un sens figuré des ouvrages d’esprit. Cette pièce n’est pas achevée : ce n’est encore qu’un crayon, un premier crayon.

☞ On dit aussi figurément que l’homme est un foi-