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BOE

consistent en esclaves, en simbons ou coquilles de Lovando, en boesjes, ou coquilles des Indes, en petites pièces d’étoffes, & semblables bagatelles, qu’on estime autant en ce pays-là que l’or & l’argent en France. Dapper.

BOËSSE, qu’on nomme aussi Gratte-boësse. s. f. Instrument de plusieurs fils de léton, joints ensemble en forme de brosse ronde, avec lequel on ébarbe dans les hôtels des Monnoies, les lames d’or, d’argent & de cuivre, au sortir des moules, pour les mettre en état d’être passées au dégrossi & au laminoir. C’est aussi un terme de Sculpteur & de Ciseleur.

BOËSSER, ou GRATTE-BOËSSER. v. a. Ebarber les lames des métaux qui servent au monnoyage, ou nettoyer avec la boësse les ouvrages de sculpture & de ciselure qui se font de bronze & de plomb.

BOËTE. Voyez Boite.

☞ BŒTILE. Voyez Abadir.

BŒUF. s. m. Taureau qu’on a châtré pour l’engraisser, ou pour le rendre plus doux pour le labourage. Bos. Ce mot vient de bos, bovis, qui a été fait du grec βοῦς, lequel, selon le P. Kirker, est dérivé de βῶ, qui signifie, je nourris, parce que le bœuf par son travail nous nourrit en cultivant la terre qui produit le blé. Mais Guichart prétend que tous ces mots, aussi-bien qu’apis, bœuf adoré en Egypte, viennent de l’hébreu אבס, abas, c’est-à-dire, engraisser, d’où se fait אבוס, abus, participe passif, engraissé, d’où s’est formé βοῦς, bos, bœuf, pour le P. Pézron il les tire tous du celtique bu, qui signifioit la même chose.

Il est défendu par la loi, de convoiter le bœuf ou l’âne de son prochain. Moyse ne vouloit pas qu’on accouplât l’âne & le bœuf pour labourer. Les Indiens se servent de bœufs pour leurs voitures & pour leurs charriots, qui font 15 ou 20 lieues par jour, & jusqu’à 60 journées de chemin. Ces bœufs sont différens des nôtres, en ce qu’ils ont sur les épaules une bosse fort grosse & fort charnue. Le Pere Ovalle, en son voyage du Pérou, a dit qu’il a vu des bœufs sentir l’eau de quatre à cinq lieues, & y courir, quelque force qu’on employât pour les arrêter. Les Athénienes firent marquer un bœufs sur leurs monnoies, d’où est venu le proverbe grec, le bœuf sur la langue, qui se disoit d’un Orateur corrompu par argent. On appelle une paire de bœufs, les deux bœufs attelés sous un même joug. Crois-tu, Milon, que se vanter de porter un bœuf, ce ne soit pas se vanter de lui ressembler beaucoup. Fonten.

Le blé, pour se donner, sans peine ouvrant la terre,
N’attendoit point qu’un bœuf pressé de l’aiguillon,
Traçât à pas tardifs un pénible fillon. Boil

Les bœufs d’Auvergne sont les plus beaux du Royaume, les mieux tenus & les mieux engraissés, & qui sont d’un meilleur goût. Rochef.

Les bœufs étoient autrefois l’attelage du char des Grands Seigneurs François, dit le P. Mabillon. Act. SS. Ben. Sæc. V. p. 310.

Seulement au printemps, quand Flore dans les plaines
Faisoit taire des vents les bruyantes haleines,
Quatre bœufs attelés d’un pas tranquille & lent,
Promenoient dans Paris le Monarque indolent. Boil.

Le Duc de Brunswic se plaisoit à assommer des bœufs. Scalig. Verbo Brunswic. Rochef. Dans l’Egypte on révéroit le bœuf Apis. Voyez Apis. A la cérémonie du couronnement de l’Empereur, on dit que l’on rôtit un bœuf tout entier, rempli de plusieurs animaux ; qu’on en sert un plat à l’Empereur, & qu’on abandonne le reste au peuple.

Les bœufs, ou Uris d’Italie, haïssent fort le rouge, & se ruent sur ceux qui portent cette couleur : on les appelle buffalis. Rochef.

Il y a un bœuf sauvage aux Indes, qui est fort grand ; & on dit que quand il se trouve la queue embarrassée alentour d’un arbre, il y demeure plutôt que de souffrir la honte de perdre quelqu’un de ses poils.

Il y a en Afrique une sorte de bœufs, qui sont petits comme des veaux d’un mois, qui travaillent fort bien. Scalig. In verbo bœuf. Rochef. Au contraire, ceux d’Ethiopie sont beaucoup plus grands que les nôtres. Elien dit, deux fois plus grands, & dit vrai. Voyez Ludof, Hist. Æth. L. I, c. 10, & T. II, p. 145. Bien plus, Marc Paul, L. II, c. 45, dit qu’il y en a dans la Province de Bengale moins gros à la vérité, mais aussi hauts qu’un éléphant ; & L. I, c. 50, il dit qu’il y a dans la Tartarie des bœufs de même grandeur, & très-beaux, parce qu’ils sont blancs & noirs. On trouve en Afrique une espèce de bœufs sauvages, que les originaires du pays appellent guahe, & les Espagnols vacas brevas, des vaches farouches. Cet animal est aussi léger qu’un cerf, mais plus petit qu’un bœuf : sa queue est d’un brun foncé, ses cornes sont aigües ; & sa peau est bonne à faire des souliers, quand elle est corroyée. Dapper.

Il y a dans l’Île de Madagascar, trois sortes de bœufs, dont les uns sont cornus, les autres sans cornes, avec des têtes rondes, appelés bourry ; & d’autres dont les cornes sont lâches & pendantes, n’étant fermement attachées qu’au cuir de la tête. Ils ont tous de grosses nuques élevées comme une bosse pleine de graisse, que les habitans font fondre, & dont ils se servent comme de beurre. Dapper.

Le bœuf a servi de corps à plusieurs devises. Celle de René, Roi de Sicile, étoit un bœuf, avec ce mot, pas à pas. D’autres ont mis, Tardè, sed tutò, pour signifier la prudence & la maturité des résolutions. Henri Farnès, pour marquer les qualités d’un Prince qui gouverne, avoit pris pour devise un bœuf à la charrue, & pour ame, arte & viribus.

Bœuf marin, est une autre sorte d’animal qui ressemble au bœuf, & qui se nourrit dans l’eau. Bos marinus. On en trouve dans le Nil & dans le Niger, selon ce que rapporte M. d’Ablancourt dans son Marmol. Cet animal est de la grandeur d’une génisse de six mois, & a la peau extrêmement dure, mais la chair fort bonne.

☞ C’étoit une loi dans Athènes de ne point immoler le bœuf qui laboure. La superstition alla si loin dans la suite, que le bœuf fut mis au nombre des divinités, sur-tout parmi les Egyptiens, d’où ce culte passa ensuite aux Indiens avec plusieurs autres cérémonies d’Egypte.

☞ Les Romains n’étoient pas si scrupuleux : ils offroient des bœufs en sacrifice à Cybèle mere des Dieux, & on appeloit pour cette raison ces sacrifices taurobolia, pour remercier cette Déesse de la terre, de ce qu’elle avoit appris aux hommes l’art de domter ces animaux, & de les dresser au labourage.

☞ Les Grecs offroient aussi des taureaux noirs à Neptune, pour calmer la furie de la mer, lorsqu’elle est agités. Leur superstition alla jusqu’à faire des hécatombes, c’est-à-dire, des sacrifices de cent bœufs à Jupiter. Strabon dit que ces hécatombes viennent des Lacédémoniens qui faisoient tous les ans un sacrifice de cent bœufs, au nom des cent villes qui étoient de leur juridiction. Mais dans la suite ces dépenses ayant paru excessives, on réduisit ce nombre à vingt-cinq, s’imaginant, par une subtilité puérile, que comme ces bœufs avoient chacun quatre pieds, il suffisoit que le nombre de cent se trouvât dans ces parties, pour faire une hécatombe.

☞ Un ancien surpris d’une tempête furieuse, se voyant en danger, promit d’offrir une hécatombe, s’il échappoit du naufrage. Sa pauvreté ne lui permettant pas de s’acquitter de son vœu, il s’avisa de faire cent petits bœufs de pâte, qu’il offrit aux Dieux protecteurs. Quelques-uns attribuent cette hécatombe ambigüe à Pythagore, qui, selon Diogène Laërce, offrit aux Dieux une hécatombe de cent animaux artificiels, en reconnoissance de ce qu’il avoit trouvé quelque nouvelle démonstration de sa Trigonométrie.

☞ Moyse défend de lier la bouche du bœuf qui foule le grain. Pour entendre ce passage, il faut savoir que dans la Judée, dans l’Egypte, & après la moisson, on dressoit autour d’un arbre dans une aire bien battue, les gerbes l’une contre l’autre, l’épi en haut : puis on