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BLE

dit aussi, autant de morts que de blessés, il n’y eut qu’un chapeau perdu ; pour dire, il n’y arriva pas grand mal.

BLESSÉ, ÉE. part. Vulneratus, sauciatus. Il est blessé à mort. Il est aussi adjectif.

Faut-il que nous vivions & qu’Erixane meure ?
Blessé comme je suis, la puis-je secourir !
L’aimant comme je fais, la puis-je voir mourir ?

Lem.
.

On dit qu’un homme a le cerveau blessé, pour dire, qu’il n’est pas sage. Acad. Fr.

Blessé, se dit aussi substantivement. Il faut avoir soin des malades & des blessés.

BLESSURE. s. f. Plaie, contusion, ☞ impression que fait un coup qui entame ou qui meurtrit les chairs. Vulnus, plaga. Ce brave est mort de ses blessures. Ce Capitaine prouve sa valeur par les marques des blessures qu’il a reçues. Ses blessures sont larges & profondes, mais elles ne sont pas mortelles. Il s’est chargé de blessures pour vous gagner des batailles. Vaug. Il étoit extrêmement affoibli de la blessure qu’il avoit reçue. Id.

Blessure, se dit aussi figurément ☞ des choses qui offensent l’honneur, la réputation, & de la violente impression que les passions font sur l’ame. Je suis assez embarrassé à guérir les blessures de la République. Si vous méprisez cet ouvrage, il ne va pas jusqu’à vous ; & cette langue pleine de venin ne vous a point fait de blessures. Maug. Vos corrections devoient être des blessures de charité, & non pas de haine. Nic. Si vous voyez cette femme, vos blessures ne manqueront pas se r’ouvrir. S. Evr.

Morbleu, ce sont pour moi de mortelles blessures,
De voir qu’avec le vice on garde des mesures. Mol

Une action lâche est une blessure à l’honneur. L’amour fait souvent de grandes blessures dans le cœur. J’ai montré mes blessures aux deux mers d’Italie. Main.

BLET, ETTE. adj. M & f. Ce mot se trouve dans Pomey, pour signifier qui est trop mur, qui à est demi-pourri. Des fruits blets. Fracidus.

BLETTE. s. f. Terme de Botanique. Blitum. Plante qu’on appelle ainsi du mot grec βλίτον, qui signifie une chose vile, à cause que quelques-unes de ses espèces sont communes, & viles par conséquent. L’espèce qui nous est la plus familière, Blitum spicarum, vient sans culture, dans les coins, le long des chemins, & dans des jardins. Sa racine est blanchâtre, longue d’environ quatre à cinq pouces, épaisse à son collet de quelques lignes, & divisée en fibres chevelues. Les tiges qui en partent sont en partie couchée sur terre & en partie droites, branchues, longues d’environ un pied, cannelées, rougeâtres le plus souvent, pleines de suc, garnies de feuilles alternes, semblables à-peu-près à celles de la Pariétaire, mais moins longues ; lisses & relevées d’une nervure qui parcourt toute leur longueur, & qui donne des branches latérales, qui vont se terminer à son contour. Les tiges & branches portent des épis de fleurs assez serrés. Chaque fleur est composée de trois petites étamines, soutenues par un calice verdâtre, quelquefois lavé en dehors d’un purpurin sale, découpé profondément en trois parties, qui sont comme pliées en gouttières. Du milieu du calice & de ces trois étamines s’élève un pistil, qui devient un fruit enveloppé d’une vessie membraneuse qui servoit de calice à la fleur. Cette vessie en se crevant laissé échapper une semence menue, noire, polie, & luisante comme celle de l’amaranthe. La blette est du nombre des plantes émollientes.

Il y en a de rouge & de blanche. L’une & l’autre se divisent en grande & petite. La blette rouge grande croît facilement. Sa racine est de la grosseur du pouce, & d’un goût insipide, de même que toute la plante. Sa tige est fistuleuse, rouge par dedans & par dehors comme du sang. On en tire un suc qui est de la même couleur. Ses feuilles sont aussi rouges, plus petites que celles de la poirée, mais plus ridées. Ses fleurs sont composées de quelques filets chargés de sommets de couleur pâle. La blette blanche, grande & fort semblable à la précédente, n’en differe que par la couleur.

☞ BLETTERANS. Bletterum. Petite ville de Franche-Comté, sur le ruisseau de la Seille, à neuf lieues de Dole & de Châlon.

BLEU, BLEUE. adj. Qui est de la couleur d’azur. Cæruleus, cærulus, cyaneus. ☞ Les corps paroissent de différentes couleurs, selon qu’ils réflechissent les rayons d’une certaine espèce. Un corps paroît bleu, lorsque ses parties ont une contexture qui le rend propre à réfléchir les rayons bleus en plus grande quantité que les autres. Le bleu est la cinquième des 7 couleurs primitives. Voyez Couleur. La belle couleur bleue qui est naturelle, est faite de lapis lazuli. On se sert en peinture d’un bleu artificiel, qui est fait de sable, de sel, de nitre & de limaille de cuivre. Les Peintres emploient encore une autre couleur bleue, que l’on fait en Flandre ; mais comme elle verdit aisément, ils ne s’en servent que dans les paysages. On l’appelle cendre verte. Il y a aussi un autre bleu dont on se sert dans les grottes, c’est-à-dire, pour la fabrique du dedans des grottes, & on l’appelle bleu de forges. Le bleu des Teinturiers est une couleur qui se fait avec le pastel, qui croît dans le haut du Languedoc ; ou avec la voède, ou petit pastel qui croît en Normandie ; ou avec de l’indigo qui vient des Indes. Les nuances du bleu sont le bleu blanc, le bleu naissant, le bleu pâle, le bleu mourant, bleu mignon, bleu céleste, il tient le milieu de la nuance ; bleu reine, bleu turquin, c’est un bleu foncé : bleu de Roi, fleur de guède, bleu pers Aldego, bleu pers, [entre le vert & le bleu, c’est la couleur de certains yeux] & bleu d’enfer, ou noirâtre. Du bleu & du jaune se compose le vert. Du bleu & du rouge d’écarlate de France se fait la couleur du Roi, l’amaranthe, la couleur de pensée, le violet. Du bleu & du rouge cramoisi se compose le colombin, le pourpre, le gris de lin, & autres gris, suivant qu’ils sont plus ou moins bouillis. Les bleus pâles, ou bleus beaux sont teints de pure cuve d’Inde. Les bleus célestes ou complets doivent avoir un pied d’oseille de Lyon, puis être passés sur une cuve d’Inde. C’est une condition nécessaire à la lumière pour paroître bleue d’être discontinuée ; telle est celle de la flamme du soufre, de l’esprit de vin, du bois pourri, des vers luisans, des écailles de quelques poissons, &c. Les sucs des fleurs bleues & violettes deviennent verts par les alcalis, & prennent un beau rouge par les acides. Il paroît du bleu dans l’eau où l’on a mis tremper du bois néphrétique. Le bleu des Teinturiers ne reçoit point de changement par les acides, ni par les alcalis ; c’est pourquoi on se sert de pastel avant que de donner une autre couleur, & quand on veut donner le bon teint à quelque étoffe.

C’est le très grand éloignement qui nous fait croire que les cieux sont bleus. ☞ La couleur azurée du firmament vient, suivant Newton, de ce que les vapeurs, lorsqu’elles commencent à se condenser, & avant qu’elles soient parvenues à la grosseur suffisante pour réfléchir d’autres couleurs, sont propres à réfléchir les rayons bleus.

☞ Suivant M. de la Hire, un corps noir vû à travers un autre corps blanc, paroît bleu. Ainsi le firmament, dont l’immense étendue est absolument dépourvue de lumière, étant apperçu à travers l’air qui est éclairé par la lumière du soleil, doit paroître de couleur bleue.

Anciennement le bleu étoit le symbole de la mer. C’est pourquoi aux jeux Circenses les combattans qui représentoient la mer étoient habillés de bleu. A Rome celui qui devoit commander la cavalerie, prenoit un étendart bleu, parce que Neptune, qui est le Dieu de la mer, a produit le cheval ; & ceux qui avoient fait une belle action sur mer, étoient honorés d’une enseigne de couleur bleue.

Ce mot vient de l’allemand blew, ou blauve, ainsi qu’écrivent les bollandistes, Mart. Tom. III, p. 256. C. Signifiant la même chose. Saumaise lui donne une origine latine, & croit qu’on a dit blutum, quasi ablutum aut dilutum, parce que c’est une espèce de cou-