Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/COULEUR

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 959-962).
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☞ COULEUR. s. f. On peut considérer la couleur comme une propriété de la lumière des corps qui la renvoyent & nous affectent de telle ou telle espèce de couleur, en produisant sur nos organes tels ou tels ébranlemens, ou comme une sensation particulière de l’ame qui est une suite de cet ébranlement. Color.

☞ Il est évident que le mot couleur, pris dans cette dernière acception pou une modification de l’ame, ne peut appartenir au corps ; que la couleur que mon ame aperçoit, n’est point dans l’objet coloré. C’est aux Métaphysiciens à expliquer comment l’ame, en vertu des loix de son union avec le corps, s’accoutume à rapporter aux objets extérieurs, à des substances matérielles & divisibles, ses propres sensations qui ne peuvent appartenir qu’à une substance spirituelle & simple. Voyez Malebranche.

☞ On entend par couleur une sensation de l’ame excitée par l’action de la lumière sur la retine, & différente, suivant le différent degré de réfrangibilité de la lumière, & la vitesse ou la grandeur de ses parties, ou simplement l’impression que fait sur l’œil la lumière réfléchie & modifiée par la surface des corps, qui les fait paroître rouges, jaunes, bleus, &c.

☞ Dans le systême des Cartésiens, la lumière est un corps parfaitement homogène, & le même rayon de lumière différemment modifié, c’est-à-dire, différemment réfléchi à nos yeux, tantôt avec plus, tantôt avec moins de force, donne des couleurs d’une espèce différente. Le sentiment des couleurs est en nous, dit Descartes ; elles ne sont que des différences de la lumière réfléchie ; & cette différence vient de la diversité de la surface des corps, qui renvoyent diversement la lumière.

☞ Les objets sont invisibles par eux-mêmes, dit Malebranche. Nous croyons les voir, parce que la différente tissure de leur surface réfléchissant diversement, la lumière fait en nous divers sentimens de couleur que nous leur attribuons. Cependant les couleurs ne sont que des sentimens de la part de l’ame ; & de la part du corps, ce ne sont que des vibrations plus ou moins promptes de la matière éthérée. On doit ajouter que de la part des corps la couleur est la disposition de leur surface ; & comme la surface est disposée différemment dans les corps, les corps ne sont pas de même couleur. Ce système dont nous avons occasion de parler dans différens articles de ce Dictionnaire, est abandonné de presque tous les Physiciens depuis le célèbre Newton.

☞ L’explication des couleurs est un des points où triomphe la physique de ce grand homme.

☞ Suivant Newton, la lumière n’est pas un corps simple & homogène, c’est-à-dire, un corps composé de parties semblables entre elles, comme dans le système de Descartes, mais un corps mixte & hétérogène, c’est-à-dire, un corps composé de parties différentes les unes des autres : c’est un composé de différentes couleurs.

☞ Les rayons du soleil ont d’eux-mêmes les sept couleurs, que l’on nomme primitives, c’est-à-dire, le rouge, l’orange, le jaune, le vert, le bleu, l’indigo & le violet. Les rayons des différentes couleurs, ont différens degrés de réfrangibilité & de réflexibilité. Le rayon violet est celui qui de tous les rayons est le plus réfrangible & le plus réflexible ; & le rayon rouge celui qui de tous les rayons, est le moins réfrangible & le moins réfléxible. Les autres sont plus ou moins réfrangibles & réflexibles, suivant qu’ils sont plus ou moins près du rayon violet. Ces rayons une fois séparés & observés à part, conservent constamment leur couleur originaire, sans qu’aucune réfraction ou réflexion ou mêlange d’ombre puisse l’altérer. Voyez au mot Réfraction, les Expériences de Newton, qui prouvent la vérité de ces principes.

☞ C’est donc de cette différence de réfrangibilité & de réfléxibilité que dépend la différence des couleurs ; d’où il s’enfuit que toutes les couleurs qui existent dans la nature, sont telles que les doivent produire les qualités colorifiques & originales des rayons dont la lumière est composée ; & que si la lumière ne consistoit qu’en rayons également réfrangibles, il n’y auroit qu’une seule couleur dans le monde, & qu’il seroit impossible d’en produire une nouvelle, ni par réflexion, ni par réfraction.

☞ Le mélange des sept couleurs primitives forme le blanc. Ainsi un corps paroît blanc, lorsqu’il réfléchit tous les rayons de lumière sans les décomposer. Voyez Blanc.

☞ L’absence de toutes les couleurs primitives, forme le noir. Ainsi un corps paroît noir, lorsqu’il ne réfléchit aucun rayon de lumière. Voyez Noir.

☞ La réflexion d’un seul rayon primitif, est la cause des couleurs primitives que nous remarquons dans les corps, c’est-à-dire, que les corps paroissent différemment colorés, suivant qu’ils réfléchissent les rayons d’une certaine couleur, & absorbent les autres. Ainsi un corps paroîtra parfaitement rouge, lorsqu’il ne réfléchira que les rayons rouges ; jaune, quand il ne réfléchira que les rayons jaunes, &c.

☞ Les couleurs que l’on nomme secondaires, ne sont formées que par la réunion de quelques rayons primitifs. Si un corps réfléchit les rayons rouges & les rayons orangés, il aura une couleur secondaire, qui tiendra comme le milieu entre le rouge & l’orangé, ou pour mieux dire, qui participera & du rouge & de l’orangé.

☞ Il y a un nombre infini de couleurs composées, c’est-à-dire, qui résultent de leurs divers mélanges, en les prenant deux à deux, trois à trois, quatre à quatre, &c. & en combinant encore ces résultats les uns avec les autres pour en former de nouveaux mélanges, qui par les règles des combinaisons nous en donneront encore un plus grand nombre à l’infini.

☞ On appelle aussi couleur les drogues, les corps solides qui servent aux Peintres & aux Teinturiers pour faire paroître ces couleurs. On dit en ce sens mêler, broyer, préparer, appliquer les couleurs. Ce Peintre manie bien les couleurs. Adoucir, amortir, ranimer, réhausser, relever les couleurs. Mettre un plancher en couleur. Avant que de dorer un lambris, il faut le mettre en couleur.

☞ M. de la Chambre, en blâmant la distinction que font les Philosophes des couleurs, en couleurs réelles, & en couleurs apparentes, dit que toutes les couleurs sont réelles, & qu’il faut les diviser en couleurs fixes, attachées & adhérentes à leurs sujets, & en couleurs mobiles.

☞ Il y a des couleurs simples, telles que sont les cinq couleurs matrices des Teinturiers, dont toutes les autres dérivent. Il y en a de composées ; sçavoir, le bleu, le rouge, le jaune, le fauve, ou couleur de racine, & le noir. A l’égard du vert, il n’y a point dans la nature de drogue qui serve à teindre en cette couleur ; mais on teint les étoffes deux fois, d’abord en bleu, & puis en jaune, & elles deviennent vertes. Du mélange des premières couleurs, il s’en fait un grand nombre, comme le violet, le gris de lin, &c. expliquées à leur ordre.

On appelle aussi couleurs simples, celles qui servent aux Enlumineurs & aux Peintres, qui viennent des végétaux, & qui ne peuvent pas souffrir le feu, comme le jaune fait de safran ou de graine d’Avignon, la laque & autres teintures extraites des fleurs. Color nativus. Les autres sont minérales, qui se tirent des métaux, & qui souffrent le feu ; ce sont les seules propres à faire l’émail. Color factitius. Ainsi on tire de l’or & du fer, le rouge ; de l’argent, le bleu ; du cuivre, le vert ; du plomb, le blanc ou la céruse, quand il est dissous avec le seul vinaigre ; mais quand la céruse a été cuite dans le fourneau, elle donne du massicot, & du minium quand elle est poussée davantage au feu.

Les Peintres distinguent aussi les couleurs en légères, & en pesantes. Sous le blanc, on comprend toutes les couleurs légères. Color languidus, languescens, evanidus. L’outremer est mis au rang des couleurs légères. Sous le noir on comprend routes les couleurs pesantes terrestres. Color satur, austerus, pressus, nubilus. Le brun-rouge, la terre d’ombre, le vert-brun & le bistre, sont les couleurs les plus pesantes après le noir. Les Peintres appellent aussi couleurs rompues, les couleurs trop vives, qui affoiblissent par leur mêlange d’autres plus sombres. Color vividus, acutus. On dit que l’azur d’outremer est rompu de laque & d’ocre jaune ; pour dire, qu’il y entre un peu de ces couleurs. Les couleurs rompues servent à l’union & à l’accord des couleurs, soit dans les tournans des corps, soit dans leurs ombres. On appelle couleurs noyées, celles qui s’affoiblissent insensiblement, comme font celles qui forment les nuances : & on appelle un ton de couleurs, un degré de couleurs, par rapport au clair obscur. Languescens, evanidus. Le Géorgion s’est rendu admirable par le maniement & la beauté des couleurs. Quand en dit en Peinture que les couleurs sont bonnes, cela ne signifie pas que les couleurs soient d’une meilleure matière que d’autres, mais que le choix de la distribution en est meilleur, & que la rencontre des unes auprès des autres en est plus excellente.

Les couleurs changeantes sont celles qui dépendent de la situation des objets à l’égard de la lumière, comme celles des taffetas changeans, de la gorge des pigeons, &c. Color varians. Néanmoins quand on regarde attentivement avec un bon microscope les plumes de la gorge du pigeon, on voit que chaque fil de ses plumes est composé de plusieurs petits carrés alternativement rouges & verts, & ainsi ce sont des couleurs fixes. Le Père Kirket dit que les couleurs changeantes qu’on voit sur ces plumes de pigeons & de paons, viennent de ce que les plumes sont diaphanes, & d’une figure semblable à celle des triangles de crystal, ou prismes de verre, qui étant opposés à la lumière, font voir des iris. Les couleurs fixes & permanentes, ne se font point par des réfractions, comme les changeantes, mais par le passage direct de la lumière à travers certains corps, soit en les traversant entièrement, soit en réfléchissant sur quelques-unes de leurs parties internes, ou après avoir un peu pénétré les superficielles. Il y a deux ordres différens dans les couleurs pour passer du blanc au noir. L’un est le blanc, le jaune, le rouge & le noir. L’autre est le blanc, le bleu, le violet & le noir. C’est la doctrine de Mariotte dans l’excellent livre que nous avons cité ci-dessus.

Couleur est quelquefois opposée au noir, parce qu’en effet le noir n’est pas une couleur, à cause qu’il absorbe toute la lumière, & qu’il n’en réfléchit aucune partie. ☞ Coloratus. En ce sens on dit que les gens de guerre & les Courtisans portent des habits de couleur, & que les gens de Robe & d’Eglise en portent de noirs.

En approchant de ce sens, on appelle couleur haute, couleur rude, couleur forte, grave, color floridus, couleur éclatante, splendidus, couleur claire, acutus, celle qui réfléchit à nos yeux plus de rayons de lumière, comme la couleur de cerise, la couleur de feu, l’incarnat. Et au contraire, on appelle couleur douce, sombre, morne, triste, modeste, celle qui en réfléchit le moins, comme le gris de lin, feuille-morte, couleur d’olive, couleur de pensée, &c.

Couleur d’eau. C’est certain brillant violet qu’acquiert le fer bien poli, quand il a passé au feu dans un certain degré de chaleur. Cæruleum ferrum, Cærulei ferri color.

Couleurs amies, terme de Peinture. De même qu’il y a dans la Musique des sons accordans & des sons discordans, il y a dans l’Optique des couleurs amies & des couleurs ennemies. Des couleurs amies qui semblent se rechercher pour s’embellir mutuellement ; des couleurs ennemies, jalouses, pour ainsi dire, de la beauté les unes des autres, & qui semblent se fuir. C’est ce qu’on suppose naturellement, quand on approche la doublure de l’étoffe, pour voir si elles tout bien assorties.

☞ Mais il faut observer qu’il n’y a point de couleurs si amies, qui étant assemblées sur le même fonds, n’ayent besoin de quelque autre couleur moyenne, qui les sépare un peu, pour empêcher que leur union ne paroisse trop brusque ; ni de couleurs si ennemies, que l’on ne puisse les réconcilier ensemble par la médiation de quelque autre, comme par une amie commune. C’est dans ces deux point que consiste la perfection de la Peinture.

Nuance de couleurs, est une certaine disposition de la même couleur mélangée, & montant par degrés depuis le plus clair jusqu’au plus obscur. Colorum nexus. Leurs noms seront expliqués à leur ordre.

Couleur passante, celle qui change promptement & se flétrit à l’air.

Couleurs rompues, mêlange de deux ou plusieurs couleurs, qui tempère le ton de celle qui paroît principalement. On dit qu’un tableau est de bonne couleur, non, parce que les couleurs en sont plus exquises, mais parce que le choix dans la distribution en est meilleur.

☞ Belle couleur, synonime à bien colorié.

☞ Il y a une grande différence entre couleur & coloris. Les couleurs sont des matières molles & liquides qu’on employe pour peindre. Le coloris est l’effet qui résulte des couleurs, lorsqu’elles sont employées. Couleurs tendres, amies, fières, fondues. Le ton, l’harmonie, l’union & l’amitié des couleurs. Dict. de Peint. Voyez encore Coloris.

Couleur se dit aussi de la disposition du teint, du visage & des chairs. Color. Les gens qui se portent bien ont la couleur vermeille. Cette femme a de belles couleurs. Bonne, mauvaise couleur. Couleur pâle, blême, plombée. Les Espagnols ont la couleur olivâtre. Quand la gangrène paroît, elle rend la chair de couleur livide.

On le dit aussi des altérations qui surviennent au visage par les mouvemens intérieurs de l’ame, par quelque cause naturelle ou accidentelle. Un reproche fondé fait à un homme, le fait changer de couleur ; il rougit de honte, ou pâlit de colère. La couleur lui a monté au visage ; pour dire, il a rougi. La couleur que la colère imprime sur le visage, est si naturelle, & si attachée aux émotions intérieures de l’ame, qu’il est difficile d’empêcher les diverses altérations qu’elle cause. Félib.

Quelle étrange pâleur,
De son teint tout à coup efface la couleur !

Et son visage sans couleur,
Faisoit connoître que ses plaintes
Etoient moindres que sa douleur. Malh.

☞ On appelle pâles couleurs, une maladie de jeunes filles qui leur rend le teint pâle & jaune, c’est ordinairement le signe de la suppression des règles, & de la cacochymie même dans les deux sexes. Chlorosis. Voyez ce mot.

Couleur se dit encore des changemers qui arrivent à différentes choses par la différente cuisson & application du feu & sur-tout en Chymie pour marquer la couleur que ces choses doivent avoir quand elles sont cuites à propos. Ce pain, ce rôt est cuit, mais il n’a pas encore assez de couleur. Les Chymistes admirent les changemens de couleurs qui se font dans les métaux, & cherchent sur-tout le beau rouge, le beau citrin, qui sont les couleurs de la Benoîte.

Couleur, en termes de Fleuriste, se dit d’une tulipe qui n’est que d’une couleur, dont la plus fantasque est la plus estimée. Unicolor. On a mis les panachées dans ces carreaux ; multicolor ; & les couleurs sont dans les costières.

Couleur de feu, terme de Fleuriste. Nom qui se donne à une espèce d’anémone, à cause de sa couleur.

☞ On appelle couleur, aux jeux de cartes, le pique, le trèfle, le cœur & le carreau. Ainsi l’on demande de quelle couleur est la triomphe. J’ai dans mon jeu des quatre couleurs. J’ai écarté une couleur entière, je renonce à telle couleur.

☞ Au médiateur, on appelle couleur favorite, celle qui est la première tirée au hazard, & qui donne certains privilèges à celui qui joue en cette couleur, comme d’avoir la préférence sur celui qui demande à jouer dans une autre couleur.

☞ Au Lansquenet, prendre couleur, c’est entrer au jeu & couper. Quand quelqu’un arrive, & que le coup est achevé, on demande, voulez-vous prendre couleur ?

☞ Dans un sens figuré prendre couleur, c’est se décider, se déclarer. Reprendre couleur, rentrer en faveur, rétablir sa fortune.

☞ On dit aussi d’un homme qui, après une longue retraite, reparoît dans le monde, ou revient à la Cour, qu’il a repris couleur. Ces expressions figurées ne sont que du style familier.

Couleur se dit figurément des ornemens, des apparences ou des prétextes dont on couvre, ou dont on déguise les choses. Color, figura. Sénèque a tant de peur qu’une belle pensée n’échappe à ses Lecteurs, qu’il la pare de toutes les couleurs qui la peuvent rendre brillante & agréable. Bouh. Ce sont nos passions qui donnent la couleur & la teinture à tous les objets : ce sont elles qui président à toutes les consultations du cœur. Claud. Ceux qui ont de l’esprit, peuvent donner des couleurs & des apparences à tous les partis qu’ils entreprennent de soûtenir. Mont. Démosthène avoit de grandes expressions, des couleurs vives & éclatantes, & des traits pénétrans. P. Rap. Les passions obscurcissent presque toujours la vérité, & ne la laissent paroître que lorsqu’elle est teinte de ses fausses couleurs. Maleb. Il ne faut point farder la vérité par des couleurs sensibles, qui, en la rendant plus délicate, lui ôtent sa force. Idem. Le peuple ne tient pour l’erreur que sous l’image & sous les couleurs de la vérité. {{|Bail}}. La vraie éloquence ne se pare jamais de couleurs empruntées : c’est par les traits de sa beauté naturelle qu’elle charme, & qu’elle persuade. S. Evr. Représentez avec toutes les couleurs de l’éloquence les supplices que doivent souffrir éternellement les damnés. Bouh. Xav. I, IV.

☞ Dans cette acception, il se prend quelquefois plus étroitement pour une raison apparente dont on se sert pour couvrir & pallier quelque mensonge, ou quelque mauvaise action, afin de persuader ce qu’on desire. On donne à cela une fort mauvaise couleur. Il fait donner une couleur spécieuse à ce qu’il fait de mal. Le mensonge se revêt des couleurs de la vérité.

J’inventai des couleurs, j’aidai la calomnie. Racine.

Couleur, en termes de Blason, est une des principales désignations des pièces de l’écu. Color. On n’en admet que cinq : gueules, c’est le rouge. Miniatus, coccineus, ruber. Azur, le bleu. Cæruleus. Sinople, le vert. Prasinus, viridis. Le sable, le noir. Ater, niger. Le pourpre est mélangé de gueules & d’azur. Purpureus, violaceus. Leurs significations seront expliquées à leur ordre. C’est une maxime, qu’il ne faut point mettre couleur sur couleur, ni métal sur métal. On tient que ce fut un certain Œnomaüs qui inventa la distinction des couleurs pour les diverses Quadrilles des combattans aux Jeux Circenses : le vert pour ceux qui représentoient la terre, & le bleu pour ceux qui représentoient la mer.

Les différentes couleurs, en termes de Rubrique, servent à distinguer les mystères & les fêtes que l’Eglise célèbre : elle ne se sert régulièrement que de cinq couleurs, qui sont le blanc, le rouge, le vert, le violet & le noir : il n’y a pas long-temps que la couleur violette est en usage en France, comme on en peut juger par les ouvrages de Durand. La couleur blanche est employée pour les mystères de Notre-Seigneur, excepté le Vendredi-Saint, pour les Fêtes de la Sainte Vierge, celles des Anges, celles des Confesseurs, celles des Vierges, & des autres Saints & Saintes qui n’ont pas souffert le martyre. La couleur rouge est pour les mystères & les solennités propres du S. Esprit, pour les fêtes des Apôtres, excepté S. Jean, & pour celles des martyrs. La couleur verte est la couleur propre du temps depuis la Pentecôte jusqu’à l’Avent, & depuis l’Epiphanie jusqu’à la Septuagésime. La couleur violette est en usage l’Avent, le Carême, aux Quatre-temps, aux Vigiles, aux Rogations & aux Messes votives qui se disent à l’occasion de la guerre. La couleur noire est pour les Morts & pour les cérémonies qui les regardent. Dans le Diocèse de Paris, la couleur rouge est employée pour la fête du Saint Sacrement, & la couleur verte pour les Confesseurs Pontifes. Dans le Diocèse du Mans, on prend des ornemens de couleur rouge le Vendredi-Saint. Les étoffes d’or & d’argent, & les broderies d’or ou d’argent, quand elles couvrent entièrement le fonds, s’emploient pour toutes les couleurs, dans quelque solennité que ce soit. Saint Louis avoit toujours en Palestine des ornemens précieux de diverses couleurs, selon les fêtes & les solennités, & en prenoit un soin particulier. C’étoit donc alors un usage reçu que le changement des couleurs selon les Fêtes. L’Eglise Grecque a eu aussi l’usage des couleurs différentes pour différens temps & différentes Fêtes. Le rouge étoit dans ce rit la couleur du Carême, & pour les Offices des Morts. Voyez le P. Goar sur Godin, p. 84, Not. 9 & 10.

Couleurs, au plur. se dit aussi des livrées que quelqu’un affecte & choisit pour se distinguer d’un autre, & pour signifier quelque passion. Insignia. En ce sens il vient du Blason & de la coutume des anciens Chevaliers, qui dans les tournois, armés de toutes pièces, n’étoient distingués que par leurs habits, plumes & rubans de diverses couleurs, qui étoient ordinairement celles de leurs Maîtresses, & qui étoient le symbole de quelque qualité de leurs passions. Delà est venu le blason des couleurs, auquel on a attribué diverses significations qu’on trouve dans les livres de la Science Héraldique. Et comme les Chefs de ces tournois faisoient habiller toutes leurs Quadrilles de même parure, cela a fait qu’on a appelé couleurs les habits que les personnes de condition donnoient à leurs gens de livrée. Ainsi on dit que le bleu, c’est la couleur du Roi, le vert, la couleur de la Maison de Lorraine, &c. On appelle proprement Gens de couleurs les Pages, Laquais, Cochers & Suisses. Et quand on dit absolument, qu’un homme a porté les couleurs, on entend qu’il a été Laquais. On dit mieux, & plus ordinairement, porter la livrée.

Tel aujourd’hui triomphe au plus haut de la roue,
Qu’on verroit de couleurs bizarrement orné,
Conduire le carrosse, où l’on le voit traîné. Boil.

Le mot de couleur vient du latin color, qui vient du verbe grec χρόω, coloro, je donne la couleur.