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BEA

publié en 1734, un volume in-folio sur la béatification & la canonisation.

BÉATIFIER. v. a. Mettre quelqu’un au nombre des Bienheureux. Aliquem inter Beatos referre, adscribere. Les Saints qui sont seulement béatifiés, & qui ne sont point encore canonisés, sont honorés d’un culte moins solennel que ceux qui sont canonisés. Suivant le droit commun, & sans une concession particulière, on ne peut prendre pour patrons les Saints qui ne sont que béatifiés. Leur office n’a point d’octave ; le jour qu’on en fait l’office ne peut être une fête de commandement ; on n’en peut dire une Messe votive, Voyez Durand sur les Rits.

Béatifier, se dit aussi des choses dont J. C. a déclaré qu’elles rendoient heureux, qu’il a mises au nombre des béatitudes. Inter beatitates numerare, in beatitatibus comprehendere, collocare. Cette pauvreté évangélique que Jésus-Christ a béatifiée. Bourdal. Exhortat. T. I. pag. 259.

BÉATIFIÉ, ÉE. part. Inter Beatos relatus, adscriptus.

BÉATIFIQUE. adj. Terme de Théologie, qui se dit de la jouissance de la présence de Dieu dans le Paradis, qui fait les bienheureux. Qui Beatos efficit. La vision béatifique est celle que Dieu promet dans la gloire éternelle. Ce mot n’a d’usage que dans cette phrase du style dogmatique. On se sert ironiquement de ce terme, & on dit qu’une personne a des visions béatifiques, lorsqu’elle a des imaginations creuses, qu’elle croit avoir des révélations, & goûter les félicités du Paradis.

BÉATILLES. s. f. plur. Petites viandes délicates, dont on compose des pâtés, des tourtes, des potages, des ragoûts, comme ris de veau, palais de bœuf, crêtes de coq, truffes, artichaux, pistaches, &c. Fartile.

BÉATITUDE. s. f. Le souverain bien, la félicité éternelle. Beatitudo, beatitas. Dieu a promis à ses Saints la béatitude, le Paradis. Il y a des Pères de l’Eglise qui ont cru que les ames ne jouiroient de la béatitude qu’après la résurrection. Du Pin. Le mot béatitude, en tant qu’il signifie la félicité éternelle, se prend en trois manières différentes. 1o Pour l’objet dont la possession doit nous rendre heureux : c’est Dieu qui est le souverain bien, la béatitude objective. 2o Pour les actes de l’ame par lesquels elle possede le souverain bien, & elle en jouit : c’est ce qu’on appelle béatitude formelle. 3o Pour l’état où la possession de Dieu met une ame ; & en ce sens la béatitude renferme, ou suppose, la béatitude objective & la béatitude formelle.

Béatitude, dans le style mystique signifie, dit M. l’abbé Girard, l’état de l’imagination, prévenue & pleinement satisfaite des lumières qu’on croit avoir, & du genre de vie qu’on a embrassé. C’est l’état d’une ame que la présence immédiate de son Dieu remplit dans ce monde-ci, ou dans l’autre. Il faut que l’homme demande à Dieu la béatitude : lui seul peut nous y conduire.

☞ Le bonheur marque un homme riche des biens de sa fortune : la félicité, un homme content de ce qu’il a. La béatitude reveille une idée d’extase & de ravissement. Elle nous attend dans une autre vie. Voyez encore Bonheur & Félicité.

Béatitude, ne se dit au pluriel qu’en parlant des huit béatitudes annoncées par Jésus-Christ dans le cinquième chap. de S. Mathieu.

Cebès représente la béatitude arrêtée sur un cippe, ou sur une pierre carrée, pour marquer qu’elle doit être inébranlable, tranquille, éternelle.

Béatitude, est aussi un titre d’honneur qu’on donne maintenant au Pape. Autrefois il se donnoit à tous les Evêques, & même dans les lettres de saint Anselme il est donné à quelques Laïques.

Béatitude, s’est formé du latin beatitudo, & à proportion béat, béatification, béatifier, béatifique, de beatus, beatificatio, beatificare, beatificus, qui se sont dits dans la basse latinité. Isidore, mauvais étymologiste, dit que beatus s’est dit quasi bene auctus, parce qu’on appelle beatus, heureux, celui qui a ce qu’il veut, & qui ne souffre point ce qu’il ne veut point ; mais beatus, selon la remarque de Vossius, vient de beo, comme legatus vient de lego ; & beo, selon le même Auteur, vient de βίος, qui se prend non-seulement pour vie, mais encore pour biens, richesses ; qui sont les choses en quoi le vulgaire fait consister la béatitude en cette vie. On pourroit encore tirer beo de l’ancien benus, de sorte qu’on en eût fait beneo, & par syncope beo ; mais il est plus vraisemblable, dit Vossius, que benus s’est fait de beo, comme fenus de l’ancien feo. On peut encore dériver beo de βείω, ou βάω, je vais, je marche, j’avance, qu’Hesychius interprète aussi je vis : c’est le sentiment de Martinius. Ainsi beo signifie, facio ut res eat, sive procedat, dit Vossius, qui remarque que les mots qui signifient aller & avancer, s’emploient dans presque toutes les langues, pour exprimer le bon état des choses. Ainsi l’on dit en françois, cela va bien, va son train, en allemand es gehet, & en flamand gaet wel. Dans ce sentiment, il faut encore remonter plus haut, & tirer βείω & βάω, de l’hébreu בא, ou בזא, aller.

BÉATRIX. s. f. Nom de femme. Béatrix. Quoique nous ayons coutume de changer en ice les noms féminins qui se terminent en ix, comme motrix, motrice, protectrix, protectrice, nous en conservons cependant quelques-uns dans leur forme latine ; tel est celui de Béatrix. Ainsi il faut dire sainte Béatrix, martyre sous Dioclétien ; Béatrix de Savoye, Contesse de Provence, Béatrix de Portugal, Duchesse de Savoye, &c. & non point Béatrice.

Ce mot signifie celle qui rend ou qui peut rendre heureux, de beare, beo, je rends heureux.

☞ BEAU ou BEL, au masculin, belle au féminin. Autrefois on disoit bel, & ce mot est demeuré en usage dans quelques mots ; comme Philippe le Bel, Charles le Bel. Aujourd’hui il n’est employé que devant les substantifs qui commencent par une voyelle. Bel esprit, bel oiseau. adj. quelquefois employé substantivement. Pulcher.

☞ C’est un de ces mots qui vont à tout, qui se mettent à tout, dans le physique, dans le moral, dans les ouvrages de la nature, dans les productions de l’art, dans les ouvrages d’esprit, dans les mœurs, &c. Un bel homme, une belle femme, de beaux yeux, un beau teint, un beau sang, un beau chien, un beau cheval, une belle statue, une belle voix, un beau son, un beau jour, un beau ciel, une belle étoffe, une belle ame, un bel esprit, de beaux vers, une belle pensée, un beau procédé, belle humeur, belles raisons, belle occasion, beau coup, beau parleur, belle danseuse, beau fils. &c.

☞ Qu’est-ce donc que le beau, qui rend tel tout ce qui est beau, en quelque genre de beauté que ce puisse être ? Les Vocabulistes ont prétendu en donner la définition, en disant, beau, qui a les traits, la forme & les couleurs convenables pour plaire à la vue : d’où il faut conclure, ajoutent-ils, que le beau n’est point absolu, qu’il est relatif au caractère & à l’organisation de celui qui en juge. Oui, c’est ainsi qu’il faut conclure quand on raisonne mal. On ne sauroit trancher plus net une difficulté.

☞ Pour fixer, s’il est possible, la notion précise, la véritable idée du beau, ou jeter au moins quelque lumière sur une matière assez peu connue, nous exposerons le plus succintement qu’il sera possible, les principes établis dans l’essai du père André sur le beau.

☞ Le beau est-il quelque chose d’absolu ou de relatif ? Y-a-t-il un beau essentiel & indépendant de toute institution ? Un beau fixe & immuablement tel ? Un beau qui plaît, & qui a droit de plaire à la Chine comme en France, aux barbares mêmes, comme aux nations polies ? Un beau suprême, règle & modèle du beau subalterne que nous voyons ici bas ? Ou enfin en est-il de la beauté comme des modes & des parures dont le succès dépend du caprice des hommes, de l’opinion & du goût ?

☞ Pour ne point parler du beau sans savoir ce qu’on dit, consultons-en l’idée. Cette idée dit excellence, agrément, perfection. Elle nous représente le beau comme une qualité avantageuse que nous estimons dans les autres, & que nous aimerions dans nous-mêmes. Cela est incontestable.

☞ L’Auteur établit en suite qu’il y a un beau essentiel & indépendant de toute institution, même divine : un