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BAR

pris des Celtes, qui disent, bar & barf, pour marquer la barbe. Pezr. Antoine Hortman a fait un dialogue latin sur la barbe, intitulé Πωγωνίας qui fut imprimé en 1586, chez Plantin ; dans lequel il rapporte tout ce que les anciens ont dit de la barbe.

Barbe, se dit proverbialement en ces phrases. Barbe bien étuvée est à demi rasée. Rouge barbe & noirs cheveux, guette-t’en, si tu peux. On dit aussi faire une chose à la barbe de quelqu’un ; pour dire, la faire hardiment, malgré lui, & en sa présence. On dit aussi qu’il faut qu’un homme s’en torche la barbe, ou les barbes ; pour dire, qu’il n’aura point de part à une affaire où il désiroit d’entrer. On dit qu’on doit être sage, quand on a la barbe au menton. On dit aussi, rire sous barbe, ou rire sous cape, quand on entend quelque discours avec plaisir, sans en rien témoigner à l’extérieur. On dit aussi abusivement, faire barbe de foarre à Dieu, au lieu de dire, gerbe de foarre ; pour dire lui faire une méchante offrande, lui donner le pire de ce qu’on a. Ce proverbe est tiré de la Bible, & se dit de ceux qui offroient seulement à Dieu des gerbes de pailles, feignant offrir des gerbes de blé. Pasquier, Rech. Liv. VIII. ch. 62. On dit aussi par mépris aux jeunes gens qui se mêlent de donner conseil. Vous avez la barbe trop jeune, vous êtes une jeune barbe ; pour dire, vous n’avez point d’expérience dans les affaires du monde. On dit aussi, faire la barbe à quelqu’un ; pour dire, lui faire affront, parce que c’étoit autrefois une peine fort ignominieuse de raser la barbe à quelqu’un, non-seulement en France, mais même chez les Grecs, & chez plusieurs autres nations ; d’où sont venues ces trois façons de parler, Je veux qu’on me tonde : Je lui aurai le poil : Je lui ferai la barbe : Voyez les Recherches de Pasquier, Liv. VIII, ch. 10.

Barbe, se dit quelquefois dans un sens un peu figuré, pour la personne même qui la porte. Ces vilaines barbes de bouc sont toujours en querelle. Ablanc.

Barbe, se dit encore pour signifier Présence. Il vient par le coche vous enlever à notre barbe. Mol.

Barbe, se dit aussi des poils qu’on les autres animaux au menton, ou aux environs de la gueule. Les boucs & les chèvres ont de la barbe sous le menton. Un lièvre, un lapin, un chat, un rat, ont des barbes.

Barbe, se dit aussi des Comètes, & signifie les rayons que la Comète darde vers l’endroit du Ciel où son propre mouvement semble la porter. Et c’est en cela que l’on distingue la barbe d’avec la queue de la Comète, laquelle se dit des rayons qui s’étendent vers la partie du Ciel d’où la Comète semble s’éloigner par son propre mouvement. Rohaut. voyez Comète & Chevelure.

Barbe, se dit aussi des petites arrêtes ou cartilages, qui servent de nageoires aux poissons plats, comme les turbots, les barbues, les solles, les carrelets. Spina. Les barbes de la baleine sont celles qui lui tombent sur les mâchoires : ce sont des bandes plates & pliantes qui servent à mettre dans des corps de jupes de femmes pour les rendre fermes. On les appelle autrement fanons.

Barbe, se dit aussi des petits filets que les plumes jettent à droite & à gauche, & dont elles sont composées.

Les vaisseaux sanguins qui entrent par un trou qui est au bout de la plume, versent leur lymphe dans les petits godets d’un corps charnu ; & de-là elle se filtre jusqu’au haut du tuyau, d’où elle entre dans la moelle de la plume, qui n’étant qu’une matière spongieuse, s’en imbibe aisément, & la distribue à droite & à gauche, dans les barbes. Acad. des Sc. 1688. Hist. p. 45. Les barbes des plumes ne sont dans les commencemens qu’une espèce de bouillie, tant elles sont tendres & délicates. Aussi sont-elles roulées en cornet dans un long tuyau cartilagineux, rempli d’humidité, pour n’être pas exposées à l’air, qui les dessécheroit & ressereroit tellement leurs pores, qu’elles ne pourroient plus recevoir de nourriture. Mais quand elles se sont assez fortifiées pour ne devoir plus craindre l’action de l’air, l’étui qui les enveloppoit, & qui ne leur est plus nécessaire, se desséche, & tombe de lui-même par écailles. Id. 46.

On appelle barbes, des bandes de toile ou de dentelle, qui pendent aux cornettes des femmes. Acad. Fr. 1740.

Barbe, est aussi un terme consacré aux longs poils qui sont au bout des épics. Arista. L’orge & le seigle ont des barbes bien plus longues que le froment.

Barbe, se dit aussi des poils qui passent dans des étoffes effilées par l’usage. Villus. Il faut faire la barbe à cette garniture, à ce manteau.

Barbe, se dit encore de ces menus poils qui forment la chancissure des choses qui se corrompent. Mucor. Ces confitures sont gâtées, chancies ; elles ont de la barbe.

On appelle aussi barbes dans les monnoies, les petites pointes ou filets qui y paroissent avant qu’elles aient été frotées ou polies. Ramenta.

Barbe, se dit aussi de cette chair rouge qui pend au coq au-dessous du bec. Palla.

Barbe, ou Sous-barbe, en Manége est la partie de la tête du cheval qui porte la gourmette ; & c’est le dehors de la mâchoire inférieure au-dessus du menton. Maxilla inferior.

Barbes, en termes de Maréchallerie, sont des superfluités de chait qui viennent dans le canal de la bouche du cheval, dans cet intervalle qui sépare les barres, & qui est sous la langue. On les appelle aussi barbillons, Ranæ equinæ. On le dit aussi des bœeufs.

Barbes, en Serrurerie, se dit de ces pièces élevées, ou avancées, qui sont à un des côtés du pène d’une serrure, qui donnent prise à la clef pour la faire ouvrir, ou fermer.

En termes de Marine on appelle barbes, les parties du bordage de l’avant du vaisseau, à l’endroit où l’estrave s’assemble avec la quille ; & quand on parle d’un bateau, la barbe est une petite pièce de bois jointe au bout du chef, & posée sur le four : elle est longue de deux pieds dans les grands bateaux, sur douze pouces de grosseur. Caron.

On dit en termes de Guerre, tirer le canon en barbe ; pour dire, le tirer par-dessus la hauteur du parapet, au lieu de le pointer par l’ouverture des embrasures.

Barbe, s. m. est un cheval de Barbarie qui a une taille menue, & les jambes déchargées. Equus Punicus. On dit que les barbes meurent, mais qu’ils ne vieillissent jamais, parce qu’ils conservent leur vigueur jusqu’à la fin : c’est pourquoi on en fait des étalons. Et on appelle un échappé de barbe, un poulain engendré d’un barbe. Les barbes ont la corne du pied très-forte, & passent tous les autres à la course. On dit que ces chevaux étoient autrefois sauvages, & qu’ils couroient çà & là dans les forêts de l’Arabie ; mais que les Arabes, au temps de Cheque Ismaël, commencerent à en dompter bon nombre, & à en faire des harras qui se multiplierent & se répandirent par toute l’Afrique. Ce sentiment, ajoute Jean de Léon, est assez vraisemblable, puisqu’encore aujourd’hui on trouve des chevaux sauvages dans les forêts de l’Afrique & de l’Arabie, & qu’il a vû dans les déserts de Numidie un poulain sauvage tout blanc, & avec du crin long & frisé. Dapper.

Il y a des barbes en Afrique qui attrapent les autruches à la course : on le vend ordinairement deux mille livres, ou, comme dit Dapper, mille ducats, ou cent chameaux. On les entretient toujours maigres, & on les nourrit fort peu avec quelques grains & de la pâte, ou, comme dit Dapper, avec du lait de chameau qu’on leur donne deux fois pas jour, le soir & le matin : Marmol ajoute des dattes. Dapper dit qu’on les envoir en pâture quand il y a de l’herbe. Ils ne sont point ferrés : ils ont de petites selles rases, des brides & des étriers légers, & courent avec autant de liberté que s’ils n’étoient point montés. On prétend qu’en Barbarie on conserve la généalogie des chevaux barbes avec le même soin qu’on fait en Europe celle des grandes familles. Pour vendre un cheval on produit ses titres de noblesse. Il y en a qu’on fait descendre en droite ligne de l’illustre cheval du grand Valid.

Le barbe est de tous les chevaux celui qui appro-