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BAG

deaux, avec une charette sur laquelle ils portent ce qui leur est nécessaire pour vivre, ne se retirant dans leurs maisons que rarement. Peut-être de vagantesMénage.

BAGARRE. s. f. Querelle tumultueuse, émotion populaire qui amasse beaucoup de monde. Pugna, tumultus. Il s’est sauvé heureusement de la bagarre. Ce mot est fait par contraction de battre, & de gare, & n’est en usage que parmi le peuple.

BAGASSE. s. f. Lupa, prostibulum. Vieux mot, qui étoit un terme injurieux dont se servoient les petites gens en se querellant. Ainsi Regnier a dit, Bagasse, ouvriras-tu, en parlant d’une servante. C’est une vieille Bagasse.

Ce mot vient de ce qu’en vieux François on disoit bague ; pour dire, une femme prostituée ; mot dérivé de l’Allemand bag, qui signifie la même chose. Ce mot peut aussi venir de l’Italien, Bagascia, qui selon M. Ménage vient de vagus & vaga, plutôt que de l’Allemand balg, ou bag.

☞ BAGATELLE. s. f. Chose de peu de prix, & peu nécessaire. Il signifie figurément, & c’est son plus grand usage, chose frivole & de peu d’importance, & qui ne mérite pas d’être considérée. Nugæ, frivola. C’est un homme qui s’amuse à des bagatelles. Il a donné cette maison pour une bagatelle. Ce livre n’est rempli que de bagatelles ; pour dire, il n’y a rien de solide. Les bagatelles de Balzac étoient des bagatelles magnifiques & harmonieuses, c’est-à-dire, des paroles vides de sens, qui n’amusent que les oreilles, & qui ne disent rien à l’esprit & au cœur. Vous voilà bien embarrassé pour une bagatelle. Mol. A moi cent mille vers sont une bagatelle. Scar. Ce mot est un diminutif de bague.

On dit absolument, bagatelle, pour faire entendre qu’on ne croit pas, ou qu’on ne craint pas ce qu’un autre dit. Vous croyez réussir en cette entreprise : bagatelle. Vous me menacez d’un procès : bagatelle.

Je suis de Dieu des vers, je suis bel esprit né,
Je sais jouer du Luth, arrêtez : bagatelle.
Le Luth ne pouvoit rien sur son cœur obstiné. Font

Etienne Guichard le dérive de bagad, בגד, qui en hébreu signifie prévariquer, mentir, tromper ; en changeant le ד d en t.

BAGAUDE. s. m. Rebelle, révolté. Rebellis, perduellis, bagauda. C’est ainsi qu’il faut écrire & prononcer, & non point Bacaude ; cependant en quelques lieux, comme en Espagne, il semble qu’on ait dit Bacaude, parce qu’Idacius, dans sa Chronique, parlant des Bagaudes de la Tarragonoise, dit toujours Bacaudæ ; Eutropius aussi, & Orosius Vacaudæ ; mais Prosper d’Aquitiane, dans sa Chronique, Salvien, de Provid. Liv. V. Eutrop. liv. IX, Eumenius, dans son Panégyrique, &c. écrivent Bagaudæ. Chorier dit, dans son Histoire du Dauphiné, que Bagaude signifie en son propre sens habitans des forêts. Il tire cette étymologie de la langue des anciens Allobroges, dans laquell Gau, dit-il, signifie une forêt. Il falloit ajouter avec Hauteserre, qui est du même sentiment, que le B est une préposition qui signifie dans, comme en hébreu, d’où les premières langues étoient toutes descendues. D’autres tirent ce mot du latin. César, disent-ils, avoit laissé à deux lieues de Paris, en un endroit qu’on nomme aujourd’hui S. Maur, sur les bords de la Marne, & à l’entrée d’une presqu’île que fait cette rivière, il avoit mis, dis-je, en cet endroit une Légion Romaine en garnison, pour contenir le pays dans le devoir. On prétend que cette Légion étoit celle qu’on nommoit Legio Alaudarum, & dont les soldats s’appeloient Alaudæ, c’est-à-dire, Alouettes, pour la raison que nous avons dite au mot Alouette. Ces troupes, dit-on, ayant pris alliance dans les Gaules, se multiplièrent jusqu’au point de faire une espèce de nation particulière ; & leur nom qui avoit commencé par une simple désignation de leurs armes, devint un nom de faction. Ils furent si puissans dans la suite, qu’ils se rendirent les maîtres de cette Province des environs de Paris, où leur fort étoit bâti, & lui donnèrent leur nom. Deux de leurs Chefs, Amand, dont on a trouvé quelques médailles avec le titre d’Auguste, & Julien, se firent déclarer Empereurs sur la fin du IIIe siècle. Maximien marcha contr’eux, les défit, & fut pour cela, dit S. Jérôme dans sa Chronique, associé à l’empire. D’Alaudæ, qui fut d’abord leur nom, on fit par corruption Bagaudæ ; & la porte de Paris, qui étoit du côté de leur fort, & par laquelle on y alloit, fut nommée Porta Bagaudarum, la porte des Bagaudes ; d’où ensuite, comme on le voit dans les anciens titres, l’on fit Porta Bauda, d’où est venu le nom de Porte-Baudets, qu’elle a retenu jusqu’à ce jour. Voilà ce que l’on dit sur l’origine des Bagaudes, & sur l’étymologie de leur nom. Voyez le premier tome du Traité de la Police, p. 74. Le P. Pezron & d’autres, pensent qu’il est tiré de Bagat, ou bagad, nom celtique, qui subsiste encore dans le Bas-Breton, & dans la langue du pays de Galles en Angleterre, qui signifie Troupe. Pour moi, je crois que Bagaudæ n’est point un nom propre, beaucoup moins encore qu’il vienne d’Alaudæ ; mais que c’est un nom appellatif, qui vient du celtique בגד, bagad, qui, comme en hébreu, signifioit, prévariquer, être perfide, se révolter. Car c’est là le sens de ce mot ; & c’est pour cela que des Rabbins, des Grammairiens & des Interprètes croient que vêtement, habillement, s’est appelé en hébreu בגד, beghed, c’est-à-dire, prévarication, révolte, parce que c’est à cause & à l’occasion de la désobéissance, & de la révolte d’Adam, que les habits prirent commencement, comme il est rapporté dans la Genèse II, 25, & III, 21. Bagauda vient donc de Bagad, se révolter, & ç’en est, non par le participe actif בוגד, boghed, comme Bochard l’a cru dans son Chanaan, Liv. I, ch. 42, mais le paoul, ou participe passif, בגוד, bagouda, qui signifie perfide, rebelle. Le féminin בגודה, bagouda, est dans Jérémie III, 7, en ce même sens. C’est de là, non pas d’Alauda, qu’on nomma Bagaudæ ceux qui se révolterent. Car 1°. il n’est pas sûr que les bagaudes fussent les soldats de la légion des alaudes. Salvien dit même que ce furent des esclaves ; d’autres, des paysans. 2°. Quand il seroit sûr que ce seroit cette légion qu’on eût ainsi appelée, il ne s’en suivroit pas que ce seroit de son nom alauda, & je ne vois pas d’où viendroit le b & le g, dans bagauda, qui sont les deux principales radicales. 3°. Bagauda signifie révolte, comme il paroît par Salvien & par Prosper. 4°. Ce n’est pas seulement la légion des alaudes, qui étoit en garnison proche de Paris qui fut ainsi nommée ; on donna aussi ce nom à des paysans, & à des esclaves, qui se révolterent dans l’Armorique, & qui en 435, souleverent presque toutes les Provinces d’en deça la Loire. Peu de temps après, c’est-à-dire, en 452, ou 453, on appela aussi bagaudes en Espagne des révoltés, qui se souleverent près de Tarragone : desorte que bagaude se dit, comme nous disons aujourd’hui mécontens d’Angleterre, &c. Telle est la première signification du mot bagaude, parce que les bagaudes pilloient. Salvien & Prosper disent que ce qui fit révolter les bagaudes, ce fut l’avarice & les rapines des Magistrats, ou Officiers. M. de Tillemont parle des bagaudes, Hist. des Emp. Tom. IV, p. 10 & s, 99, & pag. 599, où il montre qu’ils n’étoient point Chrétiens, & que ce ne fut point une révolte de Chrétiens contre les Romains, comme des Sacriléges, ainsi que le dit l’Auteur de la vie de S. Babolin qui n’est que du VIIe siècle. Maximien, selon la vie de S. Maurice dans surius, demandoit deux sermens à ses troupes, l’un de combattre les bagaudes, l’autre de persécuter les Chrétiens avec les bagaudes. Tillem. voyez Salvien Liv. V, de vero Jud. & Provid. Eutrope, Orose sur Dioclétien, Du Chesne Hist Franc. Script. T. I, p. 89, 90, 189, 191, 199, 659, 661, 662.

Il paroît par ce que nous venons de dire, que ceux qui écrivent bachauda, comme Cambden, p. 14, ou bacaudæ, & bacaudes, au même endroit, Sigonius de Imp. Occ. Chorier, le P. Lobineau & Godeau en parlant de ceux d’Espagne, & ceux qui le dérivent de beiclriad, qui en Anglois signifie des porchers, des paysans, se sont trompés, aussi-bien que M. Godeau, quand il dit, Hist. de l’Egl. Liv. III, p. 308, que bagaudes